Sonic Frontiers
6.5
Sonic Frontiers

Jeu de Sonic Team et Sega (2022PlayStation 5)

Ce compte devient donc petit à petit un compte uniquement consacré à Sonic. Je ne l’ai pas planifié. Ce genre de choses arrive. Il faut les laisser faire, naturellement. Ainsi donc, naturellement, après mes deux articles rétrospectives dédiés aux Sonic en 3D, voilà que Sega me gâte avec un tout nouvel épisode : Sonic Frontiers. Cependant, les trailers n’étaient pas rassurants sur l’orientation prise par la série. Je concluais mon précédent article ainsi : » Les derniers trailers de Sonic Frontiers m’ont fait plus de peine que tout Sonic 2006 et Forces réunis. J’espère que mes craintes seront anéanties. » Je n’ai aucun remord à m’autociter pour parler de Sonic Frontiers. Après tout, le recyclage est quelque chose qu’il maîtrise parfaitement… Mais ne mettons pas la charrue avant les Big the Cat.

Pour une version illustrée et mieux mise en page, c'est par ici.


Nouvelle formule pour Sonic ! Incroyable ! Après l’échec critique de Forces, voilà que la Sonic Team recommence à se comporter comme la Sonic Team et non content de corriger ou de perfectionner une formule efficace (dans Generations), elle repart à zéro avec la volonté de plonger Sonic dans un monde ouvert. Les petites notes de piano et l’ambiance des trailers ne trompent personne : la Sonic Team a vu tourner Breath of the Wild. Si c’est une combinaison qui laisse dubitatif à première vue, une fois manette en main, on réalise que…eh bien, on avait raison, mais surtout que ce n’est pas la seule source d’inspiration de Frontiers. En 2017, la Sonic Team a joué à deux autres jeux : Mario Odyssey et Nier Automata.


Arrêtez de rire, nous n’en sommes qu’au début, voyons. Qui plus est, il faut être honnête, que Sonic cherche finalement à rivaliser avec son concurrent éternel (à savoir Mario, pas le Grimoire Weiss) est un peu plus rassurant. Sonic Frontiers nous plonge donc dans 5 (mais en vérité 4 (mais en vérité 3)) zones ouvertes remplies de collectibles. Comme les lunes dans Mario Odyssey que l’on récupère en terminant des petits niveaux de plateforme ou en faisant aléatoirement une attaque rodéo sur ce monticule de sable dans le désert, Sonic Frontiers nous demande de récupérer tout plein de trucs différents un peu partout dans ses zones ouvertes et dans des niveaux plus classiques. Je dis « trucs » par manque de vocabulaire, mais aussi parce qu’il y a tout un tas de collectibles différents qui servent à débloquer les divers objectifs sur la map. Je vais tenter de faire une liste, vous êtes prêts ? Il y a les cœurs (ou clés à molette, ça dépend des mondes) qui servent à débloquer les dialogues avec les personnages ; des rouages qui servent à débloquer l’accès aux fameux niveaux classiques ; des clés qui servent à débloquer l’accès aux Chaos Emeralds ; des graines rouges et bleues qui servent à augmenter l’attaque et la défense de Sonic ; des rings rouges dans les niveaux (qui ne servent à rien) ; des morceaux d’xp bien sûr qui servent à débloquer des compétences inutiles ; des chaos emeralds qui servent à affronter le boss de chaque zone ; des pièces violettes qui servent à pêcher ; parfois des étoiles filantes qui servent à avoir plein de pièces violettes ; et bien sûr des Korogus (qui s’appellent des Kocos, mais je suis à peu près sûr que même les développeurs les appelaient Korogus donc on ne va pas faire genre) qui servent à augmenter la vitesse maximum. C’est le bordel. Et la Sonic Team le sait parce qu’il n’y a aucun équilibrage là dedans. On récupère tous ces collectibles sans forcément le vouloir par paquet de 12. Il y a une forme de consolation à se dire que ce n’est pas un monde ouvert à la Ubisoft où la complétion passe par la récupération de tout ce qu’il y a sur la map, mais du coup c’est l’extrême inverse. On récupère trop de choses sans en avoir quoi que ce soit à faire. L’exemple le plus parlant, ce sont ces pièces violettes, assez peu nombreuses sur les maps, qui permettent d’aller pêcher. Chaque lancer coûte un certain nombre de pièces, et chaque réussite offre des jetons (et c’est le mini-jeu de pêche le plus facile de l’univers). Ces jetons servant à acheter absolument tous les collectibles que j’ai mentionnés plus tôt. Alors certes mais les pièces violettes sont en nombre limité, je l’ai dit. Oui mais j’ai aussi parlé des pluies d’étoiles filantes qui font revenir tous les ennemis sur la map et donnent accès à une machine à sous(je vous jure qu’à écrire c’est aussi con qu’à jouer) qui nous offre littéralement des centaines de pièces violettes d’un coup. Ce que ça signifie, c’est qu’on n’a pas besoin de jouer à Sonic Frontiers pour terminer Sonic Frontiers, et ça c’est tellement l’esprit du jeu.


L’aventure ne prend aucune décision, n’impose rien au joueur, ne propose rien. Ce manque de créativité flagrant passe à travers cette absence de proposition mais aussi de difficulté. Pour dévoiler la map petit à petit, il faut accomplir certains « puzzles » dans les zones ouvertes. Il m’est difficile de vous donner des exemples tant ils nous prennent pour des teubés ou des enfants de 3 ans. On reste dans cette idée de « pas désagréable », en particulier avec une série à côté, mais au bout du 10ème « puzzle » (non, je n’abandonnerai jamais les guillemets) nous demandant de passer 12 fois sur une plaque lumineuse en faisant des pas de côté en nous laissant 60 secondes (au cas où vous vous seriez endormis pendant l’épreuve), impossible de ne pas se sentir embarrassé pour les gens qui ont développé ça. C’est quand même un jeu avec des combats et donc des mouvements associés dont une parade infinie. Il suffit de maintenir la touche appuyée et la parade passera tout le temps. C’est génialement inintéressant.


Le sentiment est le même pour les niveaux plus classiques disposés sur les maps comme des petits temples dans Breath of the Wild, et honnêtement, pourquoi pas ? Ces niveaux reprennent la formule boost et même si Sonic est un peu trop rigide, la maniabilité est bien meilleure que dans Forces. Chaque niveau propose plusieurs objectifs qui offrent une certaine rejouabilité : le rang S quand on les termine sous un certain temps, les terminer avec un tel nombre de rings, ou la récupération des 5 rings rouges. Malheureusement, ces niveaux sont à la fois très très courts mais aussi très simples. Les rings rouges sont littéralement posés sur le chemin du joueur et pour cause, il y a très peu d’embranchements. Le level design est réduit à sa forme la plus simple. Il est plus basique que celui de Forces et à des années lumières des niveaux « 3D » de Sonic Generations. J’ai atteint tous les objectifs de tous ces stages sans avoir à les retenter plus de 3 fois et j’ai du avoir des difficultés à obtenir le rang S sur un seul d’entre eux seulement. De toute façon, à part pour la fierté personnelle qui n’existe déjà pas tant que ça, c’est simple, le jeu ne vous demandera jamais de faire une quelconque performance et ne la récompensera jamais (même dans les trophées). Alors oui, il y a bien un aspect grisant à traverser ces niveaux à toute vitesse, mais le titre demande si peu d’investissement au joueur que seuls les fans acharnés ou les speedrunners chercheront à vraiment les optimiser en trouvant des failles.


Puis, il faut parler de l’éléphant dans la pièce. Ces niveaux, ces tristes niveaux, ces courts niveaux, ces apéritifs de niveaux donnent l’impression de n’avoir qu’un extrait d’un plus grand stage, ce qui est frustrant. Et vous savez quoi ? C’est exactement ce qu’ils sont. Ce sont littéralement des morceaux de niveaux repris de Sonic Adventure 2, Generations ou Unleashed avec un skin différent posé dessus. Woah. Le pire étant que le scénario le justifie à demi-mot en parlant des souvenirs de Sonic mais pas trop non plus au cas où les joueurs ne s’en seraient pas rendu compte. Alors si les zones ouvertes ne proposent pas grand chose et que les stages plus classiques ne sont que des recyclages moins riches, il fait quoi le jeu ? Rien.


Cependant, -il est temps d’être gentil, rassurez-vous, ça ne durera pas- Sonic est très agréable à contrôler dans Frontiers. Les différentes zones ouvertes sont pensées pour être traversées extrêmement rapidement et de façon fluide, tandis que les différents défis de plateforme (souvent à base de rails) sont disposés de façon à ce qu’on les enchaîne sans interruption. Dans ses meilleurs moments, les zones ouvertes de Sonic Frontiers sont agréables. C’est le meilleur superlatif que je puisse donner au titre. Pas « passionnant », ni « intéressant », juste agréable. Je comptais vraiment faire un paragraphe plus long sur ses qualités, mais je crains d’avoir déjà terminé. C’est tout. Le maniement est réussi, et ce n’est pas un mince exploit après celui de Forces. C’est le cas aussi dans ses combats, dynamiques et avec un bon ressenti. La difficulté a beau être aux abonnés absents, il faut reconnaître que les différents mini-boss qu’on croise sur la map sont sympathiques et proposent des affrontements avec quelques idées, même s’ils sont complètement optionnels. Voilà, c’est tout ce que propose Sonic Frontiers : un personnage agréable à contrôler dans des grandes zones qui occupent les mains pendant que l’on regarde du Doctor Who (ou toute autre série, c’est ça la vraie liberté qu’offre le jeu).


A ce stade du texte, vous comprenez aisément que l’expérience ne m’a pas du tout convaincu et qu’en aucun cas je ne la considère comme audacieuse, intéressante ou prometteuse pour un futur épisode qui reprendrait ce modèle. C’est très certainement l’épisode le plus triste que j’ai fait de la saga. J’ai vu le potentiel gâché de Sonic 2006, le manque de temps de développement de Forces et même les idées mal exécutées de Sonic Riders. Je ne vois rien dans Frontiers. Vous croyez que c’est une image ? Non, je ne vois rien dans Frontiers à cause de son clipping. C’est à dire que même quand il est agréable, dans ses meilleurs moments, le titre souffre d’environnements et de défis qui ne s’affichent pas tant qu’on n’est pas collé à eux. Ce n’est pas dramatique quand on cherche juste à se balader au gré du vent, mais quand on souhaite se diriger vers un endroit précis, ça peut devenir frustrant.


Qu’y a-t-il à côté de tout ça ? Quels éléments pourraient sauver Sonic Frontiers ? Malheureusement, pour moi, aucun. Visuellement, c’est d’une tristesse sans fin avec des environnements qui ressemblent à des assets de base d’Unreal Engine. Où est l’univers coloré, chatoyant, dynamique ? Pourquoi se retrouve-t-on face à un jeu où l’on peut incarner un hérisson qui court vite et saute sur des bumpers qui font « boing » avec une musique mélancolique au piano ? Ce n’est pas franchement mieux dans les niveaux du Cyberespace qui là encore recyclent des esthétiques déjà vues dans Generations (qui lui même les reprenait d’autres titres), mais qui en plus se limitent à 4 pauvres types d’environnements différents qu’on voit en boucle. Musicalement, si c’est plus dynamique, c’est loin d’être ma tasse de thé, et je regrette amèrement les compositions symphoniques ou rock des précédents épisodes.


Enfin, l’histoire ne cherche qu’à rassurer les fans en ne faisant que mentionner des événements des précédents épisodes sans jamais se décider à exister par elle-même. Les meilleures séquences sont celles où l’on rit du jeu et de son inspiration malvenue de Nier Automata. Qui plus est sa narration est lamentable (les mots sont forts, je sais) et ne fait que passer son temps à nous foutre deux personnages qui discutent sans bouger à l’écran. Qu’est-il arrivé à l’intro fabuleuse de Sonic Unleashed ? De l’histoire over the top de Sonic 2006 ? De l’ambition narrative d’Adventure ? Est-ce cela le renouveau de la formule Sonic ? Des environnements tristes à mourir sans réflexion, challenge ou fun entrecoupés de niveaux recyclés des précédents jeux dont on a retiré toute la saveur ? C’est audacieux ça ?


Sonic Frontiers est à mon sens l’un des pires jeux de la saga. Pire que tous les épisodes dont j’ai parlé dans mes deux précédents articles. Il est peut-être plus fonctionnel que certains mais il échoue là où la série pouvait toujours s’estimer fière d’elle : sur l’ambition. Frontiers n’en a aucune. Il ressemble à une formule Ubisoft générique, à un Mario Odyssey sans talent, à un Nier Automata nanardesque mais jamais à un Sonic.

TruffeMax
4

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le 4 déc. 2022

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