Comme son titre, sa jaquette et sa promotion ne l'indiquent pas du tout, Spec Ops va changer votre point de vue sur les jeux de guerre. Oui, ça peut paraît présomptueux dit comme ça, mais réfléchissez-y deux secondes, est-ce qu'un jeu du genre vous a déjà fait remettre en cause les fondements même du combat comme peuvent le faire les meilleurs films sur le sujet ? Il y a de fortes chances que non, surtout pas dans des jeux récents. En ces temps de trust Call of Dutyesque des charts, on s'est doucement habitué à la rengaine "bof, encore un jeu de guerre, pas très original..."
Par contre un jeu vidéo qui se passe à Dubaï envahie par le sable, inspiré à la fois d'Heart of Darkness et d'Apocalypse Now, œuvres cultes s'il en est, là ça a de quoi intéresser. Ce n'est pas pour autant que je m'attendais à une claque en lançant le jeu. Pour tromper son monde, ça commence "tranquillement", ça bourrine depuis un hélico, puis ça reprend au début avec nos trois soldats qui balancent des punchlines badass en dégommant du rebelle. Jusqu'ici, tout va bien.
Et puis on avance, inexorablement. Il faut atteindre Konrad. Coûte que coûte. Les premiers doutes surgissent, les esprits s'échauffent. Un DJ mystère au cynisme dérangeant nous fait combattre sur Hush de Deep Purple. Mélange de jouissance, de folie et de malaise. On est venu pourquoi, déjà ? Comment ça j'ai pas de récapitulatif des objectifs, ni de flèche qui m'indique la direction ?
Le jeu nous rappelle aimablement que c'est pas si grave de tuer des gens, n'oubliez pas que ce n'est qu'un jeu. Enfoirés de développeurs. Dans un jeu, quand quelqu'un nous tire dessus, c'est un méchant. Normalement. S'il faut réfléchir avant de tirer on s'en sort plus. Et là, si j'avais pas résolu le dilemme qui nous était posé, on serait tous morts non ? Et pourtant ce con de coéquipier veut pas entendre raison, il arrête pas de plaindre, c'était pas humain qu'il dit. J'avais pas le choix, il fallait bien que quelqu'un prenne une décision. On doit atteindre Konrad coûte que coûte. C'est la mission après tout, et on est des marines.
On nous a jamais appris à combattre nos compatriotes. Le mec il demande un chewing-gum à son pote, il parle de sa femme, et moi je les abats d'une balle dans le dos. Mais j'avais pas le choix, pas vrai ? Non, j''ai jamais eu le choix. Mes coéquipiers me regardent bizarrement, je sens leur malaise. Est-ce qu'ils m'en veulent toujours pour le phosphore ? On allait tous crever, putain ! Je suis pas un monstre, ce qui s'est passé dans cette impasse m'a marqué au fer rouge... Ils ne semblent pas me croire. Konrad est responsable de tout ça.
Ils sont autant à bout de nerfs que moi désormais. L'un d'eux a commis l'irréparable sous la pression et une poignée de sarcasmes de trop. Notre groupe n'est plus qu'une illusion, nous restons ensemble parce que nous sommes seuls. Quoi qu'il arrive, j'irai jusqu'au bout désormais. Après tout ce qu'on a vu, le bien, le mal, les bavures, les erreurs de jugement, tout se confond. Je ne sais plus qui je suis, ce que je fais ici. Konrad est devenu une obsession. Je veux comprendre, j'ai mérité ça.
Et la rencontre, enfin, après avoir tant sacrifié. L'explication, qui me laisse groggy. Encore un ultime choix, et c'est la fin.
It ends with a whimper... or with a bang.