En 2019, EA avait réussi le pari, en faisant développer Jedi: Fallen Order, de réussir à fédérer une partie de son public sur l'idée qu'il s'agissait d'un "bon" jeu Star Wars et donc de produire une brise agréable après les scandales ayant frappé les précédents Battlefront. Un divertissement simplifié, mais dont les bases stables avaient fait leurs preuves. Il fallait maintenant penser à la suite.
Si Fallen Order devait réconcilier EA avec son public et donc aborder des leitmotivs connus et maîtrisés par le joueur, la suite du projet pouvait se permettre de proposer de nouvelles thématiques et donc de prendre davantage de risques. Probablement, dans le but de s'adapter au contenu majoritaire de ces dernières années et de surfer sur le succès titanesque d'Elden Ring, l'histoire se déroulera dans des cartes en monde ouvert - au moins pour deux d'entre elles - organisés organiquement. De nouveaux styles de combat sont imaginés, les pouvoirs de la force sont décuplés, les compétences sont multipliées... Si l'ADN de Fallen Order est conservé, la formule est minutieusement analysée afin d'en extraire tout son potentiel.
Dès le 23 avril 2023, si les premiers tests journalistiques se montrent généreux quant à la notation de Star Wars Jedi: Survivor, le public ne s'accorde pas avec ces évaluations et les critiques voient le jour. EA et Respawn semblent avoir vu les choses en grand, mais leur ambition est-elle à la hauteur de l'attente des joueurs et des joueuses ?
La première chose frappante est la qualité de l'introduction. Dans Fallen Order, l'apparition de Cal Kestis sur Bracca et les premiers rebondissements de l'aventure tapent dans le spectaculaire : c'est beau, c'est immersif et c'est surprenant. Si Survivor n'est pas avare en proposition, la différence est immédiate. C'est déjà visuellement moins intéressant : la colorimétrie et la qualité de l'image sont parfois revues à la baisse et la proposition narrative de la traque du sénateur impérial semble être une intrigue de second plan. L'idée est certes intéressante, mais son exploitation qui se situe entre un tutoriel et une mission annexe sont déroutantes. Heureusement, dès l'arrivée sur Koboh, Survivor s'illumine et propose une direction artistique, parfois agréable, souvent magnifique.
Pourtant, le ton narratif est donné. L'intrigue autour de Tanalorr n'est que peu convaincante et l'intérêt de Dagan Gera s'essouffle dès la minute suivant son apparition. On va donc se déplacer d'une planète à une autre et malgré une minutie maîtrisée autour des mises en scène qui sont souvent à couper le souffle, on ne fait finalement que courir derrière un compas spatial durant vingt-cinq heures de jeu. Le rebondissement scénaristique de Bode est intéressant et bien amené, mais il ne parvient pas à camoufler la faiblesse narrative de l'aventure.
Heureusement, l'univers se renouvelle sans cesse et les propositions sont si riches qu'elles font oublier le vide scénaristique peuplant la galaxie. Les deux mondes ouverts sont à couper le souffle et les multiples décors qu'ils abritent ont bénéficié d'un travail d'exception. Peuplés de patrouilles impériales, d'une faune variée et de l'armée de droïdes des Pillards du Chaos - ces trois factions entrant d'ailleurs régulièrement en conflit de manière aléatoire sur la carte -, le monde semble presque vivant et l'effort de rendre ce tout organique est à saluer. Les cartes plus restreintes présentent également des environnements riches et dépaysants, que ce soit le laboratoire dévasté de la Lune Brisée ou la base impériale de Nova Garon. Le jeu marque des points évidents tant le travail de Respawn est ici brillant.
Côté Gameplay, Survivor propose deux nouvelles postures au sabre laser qui ont le mérite d'être innovantes, mais dont l'efficacité reste à constater. Le jeu se veut plus difficile que son prédécesseur et plus la difficulté est élevée, plus les temps de repos des adversaires diminue et leur vie et dégâts infligés augmentent. Pourtant, le tout semble confus et presque maladroit par moment. Les parades ne parent pas toujours, les esquives sont tout autant aléatoire et certains ennemis semblent parfois en capacité d'attaquer quelques micro-secondes après moi là où la logique voudrait qu'ils se préparent à parer. Si vous utilisez le mode de difficulté maximale, la postule de la Garde Croisée devient simplement inutile. Je n'ai pas eu le sentiment de devoir apprendre de mes ennemis comme dans un Dark Souls, mais plus de devoir accepter de devoir spammer les boutons d'attaque et de force contre les boss pour simplement les empêcher d'attaquer.
Ce sentiment de frustration des combats s'est rapidement mélangé à la centaine de bugs dont j'ai eu droit sur mes deux parties. D'abord visuelles, puisque je n'ai pas eu une seule cinématique sans qu'un des vêtements ne s'étire devant l'écran ou que les cheveux de Cal s'animent tout seul, voire disparaissent (oui.). Sur une trentaine d'heures de jeu, j'ai eu approximativement deux fois plus de crashs malgré une configuration plus que solide, des modifications de paramètres graphiques et avoir essayé plusieurs techniques apprises sur différents forums. J'ai également constaté l'apparition d'ennemis sous mes yeux ou d'attaques invisibles... Bref, un vrai calvaire qui m'a presque fait regretter les trente euros dépensés sur l'EA App.
... Et c'est sans doute cela que je retiens de Star Wars Jedi: Survivor : un jeu sortit trop tôt. La quasi-totalité des innovations n'est pas maîtrisée, que ce soient les postures au sabre qui ne sont pas adaptées au système de combat, les dialogues des PNJs hors cinématiques dont le doublage est presque toujours affreux pour les personnages secondaires et aussi quelques fois pour les principaux - le vieux robot de la République m'a volé un tympan -, les quêtes secondaires qui sont généralement là que pour faire visiter le reste de la carte... Si j'ai été ébloui en arrivant sur Koboh, en pourchassant Bode sur Jeddah ou en tentant de sauver les Anachorètes du Passage, j'ai systématiquement été déçu par la suite devant un crash, un combat totalement aléatoire ou un Cal bloqué devant une porte parce qu'il refuse d'utiliser la Force.
"Tout ce qui brille n'est pas or", et Star Wars Jedi: Suviror a su briller suffisamment pour se vendre à plus de 10 millions d'exemplaires. Mais il suffit parfois de gratter légèrement le saphir pour que le jaune étincelant de l'or laisse entrevoir la rouille du cuivre.