“La ville a une figure, la campagne a une âme.”

Citation de Jacques de Lacretelle


On peut s’amuser, à postériori, à regarder en 2016 l’arrivée du petit Stardew Valley, sorti avec une prétention toute relative, devenir au fil des années, bien plus qu’un grand mais un véritable phénomène de jeu vidéo. On peut même dire que Stardew Valley est devenu, au même titre qu’un Dark Souls, une référence absolue de son genre. Il existe d’ailleurs depuis quelques années un festival annuel appelé « Wholesome Direct » dont plus de la moitié des jeux peuvent être qualifier de Stardew Valley like. On peut même dire que la saga Harvest Moon, l’inspiration principale du jeu, est elle aussi malgré son ancienneté rentrée dans cette catégorie, condamnée comme n’importe quel jeu « un peu mignon sans réels objectifs » à se voir comparer à celui-ci, généralement de manière négative tant peu de jeux vidéo ont réussi à atteindre son niveau.


Comme pour Dark Souls dont peu de jeux ont vraiment réussis à atteindre le rang de Soulslike de qualité, j’ai l’impression que les jeux ayant essayés de copier la recette Stardew Valley ont plus regardé pourquoi les gens l’aimaient que compris comment le jeu fonctionnait. Et c’est tout le drame de ces petits jeux sans vrais gameplay qui cherchent plus à être une pose relaxante, une bulle sans dangers ni épreuves, là où Stardew Valley pour y arriver fait tout l’inverse, en essayant avant toute chose à être un bon jeu vidéo. Et je ne dis pas ça par snobisme vidéoludique. Généralement on attend d’un jeu qu’il donne au joueur un objectif et des contraintes qu’il va devoir surpasser pour triompher (à noter que même un jeu comme GRIS qui se décrit lui-même comme « Expérience sereine dénuée de danger et de frustration » on retrouve cette idée, surtout grâce à la narration induite par les environnements).


Même si on retrouve des zones de combats avec des contraintes propres (En clair les zones de combat de montres), Stardew Valley maintient son rythme avec une contrainte principale ingénieuse : le temps qui passe. Contrairement à un Animal Crossing qui se base sur des journées très longues (à temps réel même) Stardew Valley prend ici le pari inverse, des journées qui se comptent en minutes (14 minutes) et des saisons avec des particularités pour chacune qui ne durent qu’une poignée d’heures (6.5 heures).

Et même si j’avoue, au début il faut s’adapter à ce rythme particulièrement inhabituel dans le jeu vidéo, forcé de constater que c’est sans doute une des meilleures idées du jeu. Il permet de limiter la progression du joueur, de l’obliger de prendre son temps mais sans rendre le gameplay aussi lourd qu’un Animal Crossing. Stardew Valley, c’est clairement le jeu où on se dit : Aller, un jour de plus, et les jours se transforment en saison puis en années pour finalement arriver à 40h de jeu sans jamais avoir cette sensation d’avoir fait le tour du jeu. Le rythme de Stardew Valley est même sans doute l’un des mieux géré de tout le jeu vidéo.

On peut même d’ailleurs séparer le jeu en deux phases : la première où l’on est soumis au temps (temps d’une journée et spécificités des saisons) et la deuxième où on arrive à surpasser les aléas et faire un peu plus ce qu’on veut (pas dans un sens péjoratif).


Avant de parler de cette première phase j’aimerai parler du choix étrange de l’avenir du centre communautaire. En effet après quelques jours de jeux (pour commencer à déblayer devant la maison et essayé de nouvelles choses) le maire nous amène devant le centre communautaire que l’on devra restaurer en complétant des paquets spécifiques. On peut cependant faire le choix de transformer le centre municipal en entrepôt en s’associant avec Joja Mart.

L’idée derrière cette possibilité est de permettre aux joueurs plus expérimentés à passer cette première phase (pour compléter l’entrepôt il suffit de payer, le rendant beaucoup plus rapide à terminer). Le problème étant qu’il fallait dissuader les nouveaux joueurs d’utiliser la voix Joja Mart car la voix communautaire demande de s’intéresser aux activités de bases proposées par le jeu, et donc d’apprendre à les maîtriser avant la phase 2.

Le problème c’est qu’hormis l’avantage de temps gagné, le choix Joja ne présente aucun intérêt. Il casse le sentiment de progression, coupe les avantages de paquets individuels, ne permet pas d’avoir le magasins de Pierre ouvert tous les jours, empêche la possession du trophée des héros *(si si je vous jure c’est important)* et même l’Auto-caresse qui est accessible après avoir accompli l’entrepôt peut être trouver à certains endroits même si on a décidé de ne pas emprunter la voix de Joja Mart. Mais le pire c’est que d’un point de vue morale et de narration ce choix n’a aucun sens. La raison de notre malheur avant d’arriver à Stardew est la cause de Joja Mart (pour qui on travaillait avant), Morris est montré comme quelqu’un de détestable, l’entreprise est montrée comme un pollueur notable (avec les canettes trouvables en pêchant) et le pire du pire c’est que les pris de chez Joja ne sont pas moins chère (alors que c’est un avantage qui semblerait au moins un peu logique). Le choix de Joja Mart est tellement peu intéressant qu’on pourrait même le considérer comme une punition pour vouloir zapper la première partie du jeu.

Je ne trouve pas vraiment la possibilité de choisir entre une campagne rustique et industrielle stupide (même si en tant qu’agronome, j’ai plus l’impression que ce sont deux faces d’une même pièce), mais comparé à tout le reste du jeu qui se veut être une critique plus subtile de la société et de la ruralité c’est dommage de voir une scission entre les deux aussi manichéenne. Je comprends narrativement cette logique mais pour moi c’est vraiment un coche manqué pour parler de cette relation étrange entre le fait main rurale et l’industrie.


Donc pour revenir à cette première phase, qui durera au mieux un peu plus d’un an au pire deux ou trois ans dans le jeu, l’idée est de vous faire explorer toutes les bases du jeu. Sachant qu’à cause du temps que prend une journée (14 minutes) et les aléas climatiques (pluie, orage) et des différentes saisons, il va falloir alterner entre les différentes options pour être un tant soit peu optimale.


On a d’abord l’agriculture qui est sans doute l’activité la plus chronophage en début de jeu. C’est surtout à cause des rotations de culture fréquentes et de l’arrosage obligatoire excepté par temps de pluie (chose d’autant plus prenante qu’elle épuise un stock d’énergie déjà amoindri sans les améliorations futures). L’agriculture est le premier travail que le jeu met en avant, car il permet de prendre conscience de l’intérêt de faire un emploi du temps sur le long terme, ainsi qu’à gérer le rythme de la journée et les spécificités des saisons. Quand il pleut, il est préférable d’aller dans la mine pour récolter des minerais (et trésors) qui vont permettre de construire ou d’améliorer des outils qui vont faciliter la vie à la campagne.

Vient ensuite la cueillette qui est beaucoup plus en retrait mais qui nous poussera à aller fouiner à droite à gauche et à découvrir un monde dont le travail à la ferme nous limite dans nos déplacements. Tout comme la pêche et à l’inverse de l’agriculture, ce n’est pas tant une activité qui demande un emploi du temps, c’est plus une activité qu’on fait quand on a un peu de temps libre.


Attention, je ne dis pas que c’est la seule façon de jouer, juste que c’est selon moi celle vers lequel on se dirige naturellement. Ce qui est marrant, c’est qu’on peut voir que le jeu nous pousse vers une routine sur certaines activités qui créent des trous généralement en fin de journée ou on peut partir explorer, cueillir, pécher, et je ne sais pas trop comment expliquer ça mais le sentiment de liberté qui en découle est décuplé, comme si au sein du jeu j’avais mérité le bonheur que je m’accorde.


Vous comprendrez donc que chacun à notre rythme et sans se sentir surmener, va terminer le centre communautaire (qui ne sert pas à grand-chose un fois réparé). Pour me contredire, la phase deux du jeu n’arrive selon moi pas quand on achève la rénovation du centre communautaire, mais quand notre temps libre devient plus important que l’argent que l’on peut se faire en effectuant une tâche basique. Cette phase implique la mise en place de divers systèmes et amélioration permettant des revenus passifs (duplicateurs de pierres précieuses) ou semis passifs (arroseurs automatiques), ce qui correspond plus ou moins avec la complétion du centre et l’arrivée au niveau final dans ~toutes les disciplines (offrant des bonus dépendants du choix des joueurs). Cette plus grande liberté d’action est corrélée avec les améliorations de gameplay permise par la complétion de parchemins entier dans le centre communautaire qui permette de petit à petit faire évoluer le gameplay (l’accès au désert et à la carrière et le tamis (qui j’avoue n’apporte pas grand-chose)) et d’être beaucoup moins influencé par les saisons (la serre), de nous faire gagner du temps (les Wagonnets) ainsi que de nous amener vers la seconde phase du jeu (augmentation de l’amitié).


Dans cette nouvelle phase on va avoir accès à plein de petites quêtes (Île Gingembre, la sorcière, le cinéma…) qui donnent une impression de contenu sans fin, pour que le joueur puisse toujours lancer le jeu en pensant à ce qu’il va devoir faire. Mais cette deuxième partie est surtout l’occasion de se rendre compte de l’univers dans lequel on est et des habitants qui composent la communauté et qu’on ne pouvait qu’effleurer précédemment par manque de temps libre. Même si ce n’est pas le sujet, il est intéressant de noter que le jeu ne pose pas son univers tout beau tout propre. On y fait mention de contrebande, de guerre (notamment avec le personnage de Kent), mais aussi de lutte sociale (le travailleur du coin contre l’empire industriel, les violences faites au personnage de Linus, ou la situation précaire de Pam) ou encore l’alcoolisme (arc du personnage de Pam) et l’adultère (on suppose même que le personnage d’Abigail est issu d’adultère). Ce n’est jamais mis en avant mais toutes ces petits sous-textes dans le décor ou certaines interactions entre habitants mais toutes ses petites remarques rendent crédible ce monde qui présente ses points négatifs comme positifs et offre à Stardew Valley une allure de société et de la ruralité qu’on a rarement l’occasion de voir dans un jeu de la sorte.

On ne peut qu’être content de voir que les personnages ont été traiter de manière similaire. On ne va pas s’arrêter sur chacun d’entre eux mais ils ont tous été traité avec une personnalité, des défauts et des qualités propres. Et on y croit, on croit en un univers et ses personnages qui paradoxalement ne nous donne pas une bulle de confort mais un monde appréciable à parcourir et à découvrir, raison pour laquelle on est prêt à s’investir et paradoxalement à se détendre. C’est particulièrement le cas pour les mariages, (qui nous permettent de nous marier avec tout le monde peu importe notre sexe voir même personne avec l’arc de Korbus qui nous permet d’avoir les « Avantage » du mariage sans se marier) qui nous offre des choix beaucoup plus vastes que la simple apparence des prétendant. Avant de se marier il faut passer par une suite d’événements qui font nous en apprendre plus sur la personne et nous conforter ou pas dans notre choix.


Et finalement toute cette attention au gameplay, à l’histoire ou encore aux dialogues (en résumé à faire un bon jeu) donne à Stardew Valley une ambiance dans laquelle je prends plaisir à me détendre car tous ces moments d’amusement font évoluer le jeu. Stardew Valley n’est pas juste une petite pause rurale entre deux gros titres, c’est un grand jeu vidéo qui connait ses codes et ses inspirations pour créer un sentiment de liberté et de tranquillité pérenne tout le long de la session de jeu.


Ce qui est d’ailleurs amusant, c’est que la seule personne à l’origine du jeu Eric Barone à réussi à faire rentrer son jeu dans un cercle vertueux où tout le monde décide de rajouter sa pierre à l’édifice au mouvement apporter par Stardew Valley. Ça passe d’abord par de nombreux créateurs de contenus et plus généralement vidéos liées à l’univers qui participe à sa promotion mais surtout son grand nombre de modeurs dévoués. Avec seulement 20 millions de ventes (ce qui est colossale, plus que n’importe quel Wholesome game), on peut retrouver plus de 13.3k modes pour 271 millions de téléchargements, ce qui est plus que n’importe quel jeu qui ne soit pas de la licence The Elder Scrolls ou Fallout (3 fois plus que the Witcher 3, 6 fois plus que Read Dead Rédemption 2). On peut notamment noter Ridgeside Village et surtout Stardew Valley Expanded (8 millions de téléchargement) qui sont les 2 gros apports de contenue du jeu. A noter que tous les modes (notamment ceux que je viens de citer) ne respectent pas forcément la vision initiale apportée par Eric Baronne (par exemple Expanded a selon moi un personnage qui répond trop aux attentes du fan moyen et brise un peu le choix), mais que comme n’importe quel mode mais comme n’importe quel mode vous avez le choix de l’installer ou pas, sachant que dans l’ensemble toutes ces créations donnent au jeu son aura de source infini d’amusement, chose pour laquelle on ne peut que saluer les modeurs.


En conclusion j’aime Stardew Valley, autant le jeu que la vallée imaginaire dont il tire son nom. J’aime ses habitants apprendre à les découvrir, me sentir faire partie de leur communauté à chaque événement de la ville. J’aime partir à l’aventure, explorer des îles perdues ou des grottes sombre, mais aussi passer prendre des nouvelles de la vieille Evelyn et me poser dans les montagnes pour pêcher paisiblement. Il n’y a pas un crépuscule où je me dis que je n’ai pas passer une bonne journée, il n’y a pas une aurore où je me dis que Stardew Valley de bonheur, ne m’a pas comblé.


Si tu lis ceci, cela veut dire que tu as un grand besoin de changement. La même chose m'est arrivée il y a fort longtemps. Je perdais de vue ce qui compte le plus dans une vie... les liens réels avec la nature et avec les gens. Alors j'ai tout abandonné pour m'installer ailleurs...

Lettre de Grand-père


Lordlyonor
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le 3 nov. 2023

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