Starfield
5.9
Starfield

Jeu de Bethesda Game Studios et Bethesda Softworks (2023Xbox Series X/S)

Starfield, où l'irruption du technosolutionnisme dans le JV ?

J'ai terminé Starfield il y a quelques jours. J'y ai consacré une bonne soixantaine d'heures, et honnêtement : globalement avec plaisir. Il est bourré de défauts, Bethesda a fait du viteuf-neuf avec du vraiment vieux comme toujours depuis un bon moment, mais je suis tellement iencli de la formule depuis Skyrim, que voilà, c'est 6/10 pour moi, score correct. On n'est pas sur un navet à mes yeux. Plein de gens, ici et ailleurs, ont mieux expliqué que moi ce qui n'allait pas sur la technique et la structure, je ne vais donc pas m'y attarder davantage.


En revanche, j'ai très envie d'évoquer ce que Starfield essaye de raconter, dans notre contexte particulier de 2023, et les liens que ce scenario entretient avec la NASA, Microsoft, et bien d'autres structures étatsuniennes créatrices de nouvelles technologies, qu'elles soient spatiales ou non. Un sujet que je trouve beaucoup plus stimulant que la critique simple du produit.

C'est évidemment FULL SPOILER, vous êtes prévenus.

Starfield nous offre, à un certain stade de l'aventure, deux visions du monde opposées : l'une glorifie l'aventure et l'innovation, quitte à perdre notre planète Terre dans l'opération. Tranquille, le trade. L'autre tend à penser que si nous avions placé nos efforts ailleurs, nous aurions sauvé notre planète d'origine, et ainsi qui nous sommes.

La métaphore est assez évidente à partir de là, elle est celle du techno-solutionnisme, dont les dirigeants de la maison mère de Bethesda, Microsoft, ne sont pas ignorants. C'est quoi, le techno-solutionnisme ? C'est cette idée, très puissante outre-Atlantique, selon laquelle la technologie nous sauvera de tous nos problèmes, notamment d’un point de vue climatique.


En partant de ce principe, ne peut-on pas continuer à innover à tout crin, à développer une technologie toujours plus couteuse et polluante, puisqu'elle nous sauvera in fine des problèmes environnementaux qui arrivent, voire qui sont déjà là ? C'est le narratif que développent les géants de la tech dont Microsoft. Car cela sert leurs objectifs. Don’t Worry, Be Happy, achetez un nouvel iPhone chaque année, on s’occupe de tout. Porter une vision plus excitante et optimiste de l’avenir, c’est en effet la meilleure manière de conserver le status quo, de ne pas empêcher le public de consommer les produits de votre entreprise, et même mieux : de le pousser à acheter chez vous plutôt que chez le voisin.

Revenons à Starfield, et appliquons lui le raisonnement : pourquoi s'inquiéter de perdre la Terre, puisque nous savons que nous pourrons nous installer ailleurs ? Ce n'est qu'un déménagement, finalement, et qui nous offre tellement de possibilités... Hum.

Elle est là différence entre notre situation réelle future. Dans Starfield, le Docteur Victor Azia sait ce que va offrir à l'humanité le fait de sacrifier la terre : "When I touched the anomaly, I experienced 12 days of lost time. I met… myself. He told me everything that has since come true. The Grav Drive equations. The tests on the Moon. Earth's atmosphere sputtering away because of what we have done. But he also told me about a city, thriving on a planet orbiting a distant star. Human culture, art, music, lifestyles evolving and shining brightly across all of space."

Alors que les grands dirigeants de la tech et du reste, et bien... ils ne savent pas. Bon à moins qu'un visiteur d'un autre univers soit venu les renseigner, mais bizarrement je n'y crois pas trop.

Starfield présente donc sur le même plan deux propositions : sauver la terre, ou la perdre pour nous permettre d'explorer plus loin. S'il s'agit d'un choix scénaristique franchement intéressant, il fait bien sûr écho aux motivations de certains "visionnaires" (vous savez de qui je parle, mais je n'en peux plus de citer le nom de ce bouffon cosmique) qui veulent envoyer vivre l'homme sur Mars ou plus loin encore, coute que coute. S'envoler vers un avenir inconnu, en abandonnant la Terre derrière nous, et les plus pauvres au passage, qui resteront bloqués sur un caillou surchauffé.

Ce qui n'est pas clair dans Starfield, c'est si les scénaristes dénoncent cette approche, ou la supportent. Peut être les deux. Peut-être aucune. On ne prend pas partie. Vous savez, no politics in my game. Bethesda nous avait déjà habitué à ça, mais en ayant fait l'acquisition d'une série au combien politique comme Fallout.


Cela montre en tout cas que le cheminement de pensée techno-solutionniste des GAFAM et consorts fait désormais son chemin jusque dans nos œuvres de fiction, et ça ne me plaît pas du tout. Faire de la pub à la NASA, ça suffisait déjà amplement.

Accessoirement, imaginer que nous vivons dans un multivers où il peut y voir plusieurs Elon Mu… ah et merde, je l'ai dit.


Bref, sauvez la terre, merci pour elle, et pour nous tous.

Archie-Beaufils
6
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le 17 déc. 2023

Critique lue 29 fois

Archie Beaufils

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