Une plateforme pétrolière, des personnages s'exprimant en gaélique écossais, un huis clos face à une horreur sortant de l’ordinaire, il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité.
S’il m’arrive régulièrement d’intercaler des œuvres plus ou moins en dehors des clous dans mon parcours vidéoludique, Still Wakes The Deep se situe quelque part au milieu du déjà vu et de l’original.
Proposant une partie gameplay somme toute très simple, répétitive et maintes fois utilisée, le walking sim, c’est bien là l'un des rares griefs importants sur lequel je pourrai m’étendre. Néanmoins pour le reste Still Wakes The Deep m’a offert ce que j'attendais de lui, un contexte passionnant, authentique et une immersion pas si éloignée des cadors du genre.
Aux commandes d’un électricien nommé Caz, on commence notre journée comme ce qui a de plus ordinaire, et ce, malgré la lecture d’une lettre de notre femme ne laissant que peu de doutes quant à la situation du couple.
Après une introduction au travers de la plateforme qui nous laisse entrevoir une belle aire de jeu, nous sommes priés de partir en direction du bureau de notre patron pour une discussion qui s’annonce, houleuse.
En amenant le joueur à traverser quelques lieux centraux de la plateforme, d’entrée Still Wakes The Deep se montre sous son meilleur jour. La direction artistique est une réussite et la façon dont l’éclairage a été implémenté procure une “épaisseur” à l’ensemble très satisfaisante. La moiteur et la froideur des lieux est réellement palpable, ce qui donne une vraisemblance à la plateforme, qui en plus fourmille de détails. La texture de chaque matériau est criante de réalisme et l’on sent que le travail de documentation de Chinese Room sur la manière de concevoir une plateforme offshore a été appliqué avec rigueur.
Tout au long de l’aventure et malgré l'ensemble logiquement très exiguë, Still Wakes The Deep réussit à surprendre et à se renouveler avec talent, tant bien qu'à la fin, on a réellement eu le sentiment d’avoir traversé une plateforme sous une forme éducative. Après quelques recherches, il s’avère bel et bien que le jeu est une mine d’or de reconstitution des intérieurs typiques British des années 60/70 que l’on retrouvait en particulier sur les ferries et plateformes offshores.
Quel bien fou cela procure de découvrir qu’il existe encore autre chose que des écoles et des hôpitaux pour construire une histoire d’horreur, non pas que ces lieux soient visibles dans tous les jeux, mais le choix différent de Chinese Room à le mérite d'être courageux et particulièrement judicieux.
Si ce que l’on a sous les yeux a joué un rôle prépondérant dans mon plaisir de la découverte, il y aussi tout le travail sonore démentiel fourni par Chinese Room. En-dehors d’une sonorisation générale qui donne une immersion indispensable pour la réussite d’une œuvre horrifique, c’est aussi le courage, encore une fois, des développeurs d’avoir doublé ce dernier en gaélique écossais en accord avec la réalité des lieux, l’action se déroulant en pleine mer du Nord.
Pour parler couramment anglais cela m’a surpris au départ de ne pas comprendre 10 % de ce que certains personnages pouvaient brailler à travers la pluie, ce n’est que pour me rendre compte après quelques recherches que cela était tout à fait normal.
Chapeau à Chinese Room pour la minutie apportée à la sonorisation de cette plateforme pétrolière dans les moindres gouttes ruisselant sur le métal froid ainsi que la volonté de créer un univers cohérent. C’est un point essentiel pour moi et qui m’avait particulièrement déçu avec Amnesia Rebirth et la peur de Frictional Games d’implémenter le français en accord avec l’univers. Qui y a t’il de plus rebutant que d’arriver en Algérie face à un fort français et de voir écrit “Welcome” à l’entrée, immersion brisée.
Le clou du spectacle n’est autre que les entités se trouvant avec vous sur la plateforme. Je vais volontairement survoler ce point car il est important de le préserver pour ceux qui auraient envie de poser leurs mains sur le jeu, mais sans être du “jamais-vu”, j’ai cependant trouvé le travail sur ces derniers très intéressant. Moins vu dans la sphère vidéoludique, c’est du côté du cinéma qu'il faudra se tourner pour trouver un équivalent et comme de nombreuses critiques l’ont déjà mentionné, en particulier vers The Thing de Carpenter.
Mais attention cela n’est pas la même chose, juste une inspiration tout comme l’était Dead Space en son temps.
Votre interaction avec les entités se limitera à de rares moments, mais qui sont globalement réussis, et cela, même si la dernière ligne droite aurait mérité d’apporter plus de challenge au joueur et semble un peu expédiée.
Néanmoins, Still Wakes The Deep n’est pas parfait et garde notamment ce qui semble être de légères cicatrices d’un développement qui a pu se chercher par instant. Premier point des plus fâcheux n’est autre que la linéarité de l’aventure, qui si elle ne me dérange pas spécialement au plus haut point, peut en ennuyer beaucoup d’entre nous.
Sans aller sous la forme d’une station ouverte qui aurait été difficilement implémentable tel qu’un System Shock ou Prey, il y avait peut-être un juste-milieu à trouver, plus proche d’un Soma ou autre production de Frictional Games. Ici, nous sommes sur des rails ou presque et dans un élan de folie, les développeurs nous ont même donné le choix de la fameuse option peinture magique jaune pour nous indiquer le chemin, au cas où vous oubliez comment mettre un pied devant l’autre… Heureusement partiellement désactivable dans les options.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’on retrouve encore quelques bribes d’un monde qui se voulait plus ouvert, tel que des cartes accrochées au mur et qui sont interactives. J’ai du mal à voir l'intérêt de ces dernières sachant que le seul chemin possible est celui de pousser votre stick vers l’avant ou appuyer sur votre touche Z.
Autre point qui m’amène à penser cela est que le jeu installe un peu plus loin dans l’histoire un système de “points de repos” où l’on devra allumer un chauffage pour se réchauffer les mains, mais cela n’a tout simplement aucun intérêt en dehors de bloquer la progression, tant que le joueur ne se décidera pas à l’allumer.
La manière dont cette mécanique est livrée au joueur sonne comme un point de sauvegarde façon Alien Isolation, sauf qu’ici, nous sommes envahis de sauvegardes automatiques, choix étrange s’il en est.
Ma théorie peut être valide ou non, il n'empêche que Still Wakes The Deep est à mon avis un peu trop guidé et ne laisse aucune place à l’improvisation, cela inclut des QTE pas du meilleur goût, qui deviennent visibles à 10 kilomètres sur la fin de l’aventure.
Je noterai aussi que sans être une déception, je n’ai pas trouvé l’histoire autant marquante que j’ai pu le lire, mais elle n’est, en aucun cas, ratée. Pour ne prendre que lui comme exemple, Soma dans le même genre m’avait amplement mieux nouer l’estomac que Still Wakes The Deep n’a pu le faire.
En conclusion, c’est une agréable “surprise” qui n’en est pas vraiment une car Chinese Room m’ont offert ce pour quoi j’étais venu.
Je n’attendais pas une partie gameplay développée, elle ne l’est clairement pas, cette dernière étant la plus minimaliste possible, mais avant tout pour un contexte nouveau, une originalité sur les autres points et pour ces derniers, ils ont relativement bien réussi.
Sans être la plus grande œuvre horrifique que j'ai pu toucher, Still Wakes The Deep est suffisamment unique dans sa globalité pour mériter l’attention de tout amateur du genre et en particulier si les quelques œuvres citées plus haut font partie de vos références.
Mes captures d’écran : https://steamcommunity.com/profiles/76561197996627981/screenshots/?appid=1622910&sort=newestfirst&browsefilter=myfiles&view=imagewall