Comme beaucoup de monde, ce qui m'a d'abord attiré vers Stray c'était ce postulat de départ où on nous invitait à contrôler un missionnaire de Satan dans un monde futuriste.
J'avoue que ce genre de conneries ça me parle. Mon amour masochiste envers ces saloperies ingrates et condescendantes s'est vu sollicité par un appel à la curiosité de ce que pouvait être l'aperçu de sensation d'être un chat. Sortir les griffes quand on essaye de me porter tout en exigeant en permanence une paire de jambes sur laquelle claquer ma quatorzième sieste de la journée, attendre sagement la fin du ménage pour expurger sa boule de poils sur le parquet, pouvoir engueuler mon esclave à 4 heures du matin pour qu'il daigne remplir le bon nanomètre carré de surface visible du fond de la gamelle alors que les contours dégueulent putain Twinky tu fais CHIER, j'ai commencé à fantasmer de toutes les possibilités que pouvaient apporter ce point de vue dans un jeu vidéo, et ainsi savourer la position de pouvoir dont se délectent vicieusement ces dictateurs aux yeux ronds.
Mais comme le fascisme ce n'est pas mon délire et que je n'étais pas prêt à mettre 30 balles dans un truc qui semblait avoir de quoi amuser 15 bonnes minutes avant d'épuiser son concept, j'ai pris un peu de recul. Car c'est ça justement le piège des jeux-concepts, de ne savoir qu'à moitié tenir sa promesse loufoque un très court moment avant de nous blaser faute de quoi se renouveler (je pense à toi, Catherine...).
Et les retours les plus bruyants s'étant pour l'écrasante majorité fondés, dans le mille, sur son unique promesse, ça a terminé de me refroidir.
« Pas de quoi tenir un jeu. » Me suis-je alors dis. Et j'ai laissé passer le train.
Mais il a fallu deux ans plus tard que ma sœur tombe dans le piège à con de la jaquette avec le pôtit chat roux trognon au premier plan et que je l'observe jouer quelques minutes pour que je me décide enfin : je DEVAIS jouer à Stray.
Non mais oh, c'est vrai qu'il est très joli ce jeu. Cette ambiance futuriste et urbaine à la fois écrasante et paisible, cette esthétique Dreampunk qui me parle tout particulièrement, tant dans le design sonore que dans la direction artistique, et surtout la possibilité de miauler, faire tomber des trucs de la table, laper dans de l'eau dégueulasse, se faire les griffes sur des accoudoirs et des tapis, dormir en boule sur des canapés, tout y est bel et bien... (sauf la boule de poils, bien que ça aurait pu être franchement drôle avec un temps de recharge entre deux boules.)
La tentation était trop forte. J'ai pris la manette à mon tour. Et là le truc s'est révélé à moi.
Concernant la maniabilité de notre petit chat, c'est (dans un premier temps) juste nickel.
Au-delà du classique déplacement ainsi que de la vitesse de course, on peut évidemment sauter avec le bouton croix.
Et si d'un côté ne pas sauter automatiquement peut sembler rompre avec la sensation d'aisance de contrôler une bête aussi agile, au bout de quelques minutes on a très vite identifié les surfaces sur lesquelles on peut grimper, et ce alors que le jeu nous empêche de tomber sur le côté voire dans le vide à la moindre erreur de manipulation sur une gouttière étroite. Ainsi un seul bouton suffit à grimper pas mal de choses et on se prend très vite au jeu.
Limite je trouve ça bien plus agréable ainsi plutôt que d'automatiser la procédure, ça donne une sensation encore plus vivante manette en main (car oui, dans la vraie vie un chat ne saute pas automatiquement sans s'en empêcher sur toutes les rambardes !).
Ensuite viennent les à-côtés, à savoir miauler, laper l'eau croupie, faire ses griffes... Oui c'est totalement inutile, mais c'est quand même marrant de s'arrêter à chaque endroit avec une icône triangle qui s'affiche pour interagir avec et voir notre chat... faire un truc de chat.
Et même principe que pour le saut manuel, faire ses griffes par exemple implique d'alterner R2 et L2 plutôt que de rester passif devant l'action. Faire tomber un objet d'une table implique de le pousser à plusieurs reprises avant qu'il tombe, comme un chat le ferait dans la vraie vie.
J'adore ça. Oui c'est gratuit, juste là l'air de nous rappeler qu'on joue un chat avec tout ce qu'un comportement de chat implique, sans plus de pertinence. Et c'est sacrément plaisant. Ça en deviendrait presque une simulation à force.
Mais ce n'est pas tout, car quelques minutes plus tard dans l'aventure (car oui, il y a une aventure, on y reviendra) on découvre que gratter aux portes, faire tomber des pots de peinture fraîche, miauler, ça permet d'ouvrir des portes, d'interpeller quelqu'un, casser un truc et débloquer un nouveau chemin...
C'est là que j'ai arrêté de trouver la chose amusante, et que j'ai juste trouvé ça brillant.
Ça n'aurait pas pu marcher si la prise en main du chat était moins fun au départ. Transcender une action qu'on nous a vendu pendant 15 minutes comme inutile, que l'on exécutait uniquement car ça nous faisait gentiment marrer, ça fait son petit effet à la fois très drôle et diablement intelligent.
En cela rien à redire sur tout mon début de partie. Stray s'est pendant un moment dressé là comme un espoir de grande expérience. C'était joli, amusant et intelligent. Les conditions étaient présentes pour que j'accepte de m'enflammer...
C'est là tout le drame autour de ce jeu.
J'ai très vite cessé de ronronner quand on m'a largué dans une histoire à base d'androïdes qui vivent dans un monde souterrain, de révolution à venir et tout le tralala...
Au début j'ai fait de mon mieux pour m'y accrocher. Il faut dire que le jeu m'a au préalable mis dans les bonnes conditions pour me laisser porter à ce stade par tout et n'importe quoi.
J'ai doucement ri quand l'écran cathodique d'un androïdes qui lui sert de visage affichait un cœur quand je me frottais à ses genoux.
J'ai été attendri quand j'ai découvert que je pouvais claquer une sieste sur un androïde allongé et que ce dernier soit surpris puis heureux pour ça.
Et de manière générale j'ai aimé me balader dans ces petits villages en m'y faisant tout petit et en profitant de cette ambiance définitivement très léchée (vous l'avez ?).
Mais bon... Parlons un instant de cette histoire car c'est elle qui m'a de plus en plus fait sortir du jeu.
Au final ce jeu aurait très bien pu se passer d'une histoire à grands enjeux comme on a fini par avoir. Plus je jouais et plus je me disais que ça aurait été mieux d'avoir un truc comme A Short Hike, un jeu assez court et simple mais qui renferme tout un tas de petites quêtes secondaires vraiment chouettes qui m'ont fait bifurquer du fil rouge et qui m'ont même fait revenir une fois les crédits de fin atteints. Transposé ça dans ce monde Cyberpunk qui, je le répète, a une sacrée gueule, ça aurait vraiment pu être chouette.
Pourquoi pas garder l'enjeu de départ qui est de retrouver nos potes chats de l'introduction après être tombé dans ce monde souterrain et nous épargner une grosse partie de cette trame qui implique...
Que notre chat, de par sa taille, sa malice et son agilité, sache raviver un esprit de rébellion parmi les androïdes et les mène à la liberté en ouvrant le monde souterrain sur l'extérieur... Rien que ça...
Donc on nous balade dans un chouette monde, mais à travers plusieurs zones assez similaires dans un premier temps avant de me faire un effet presque « what the fuck » sur son dernier tiers.
En prison !? Sans déconner !?
De plus quand on voit la manière d'allonger la durée de vie du jeu à travers ses différents niveaux (car au final le jeu est très linéaire et dirigiste) on a de quoi lever un sourcil. J'ai personnellement eu l'impression de faire des quêtes annexes tout le long alors que c'est l'histoire principale, et que de ce fait j'ai eu la sensation qu'on m'éloignait artificiellement une ligne d'arrivée avec des énigmes à la con. Des trucs du genre aller voir telle personne qui nous refile un truc à échanger avec une autre personne qui nous refile un autre truc jusqu'à avoir le bon, aller voir le bon PNJ et progresser, alors que ça aurait pu être réglé très rapidement. Mais comme il fallait faire durer le jeu on a foutu des obstacles au milieu pour un peu plus nous balader.
De plus, les fonctionnalités qu'on débloque au fil de l'aventure relèvent aussi du plus que dispensable. Outre notre petit droïde B12 qui nous accompagne tout le long pour nous aider à traduire des écrits et nous filer systématiquement les clés à chaque micro énigme histoire qu'on n'ait pas à se creuser la tête, ce qui est VRAIMENT gonflant car ça rend le jeu stupidement trop facile et pas assez engageant...
À l'exception tout de même du niveau de la prison où on se retrouve privé de B12 et qu'on doit trouver un moyen de s'évader avec Clémentine sans pouvoir traduire la langue, ce qui nous laisse mieux explorer et déduire par nous-mêmes.
J'ai été plus que dubitatif face à la dimension "infiltration" que proposait le jeu.
Le coup des sentinelles dont il faut éviter les capteurs sous peine de nous faire neutraliser, pareil que pour le reste c'est très basique et assez mal pensé. Non seulement une sentinelle qui nous a détecté et qui nous a vu nous cacher dans un carton nous lâche la grappe au bout de 5 secondes, mais aussi au final on peut juste tracer et zigzaguer pour esquiver les tirs. Ça fait peu pour mettre à l'épreuve la furtivité et l'agilité de notre chat.
Ainsi que d'autres digressions totalement hors sujet.
Le coup de la lumière que l'on active et que l'on désactive pour que ça ne surchauffe pas et qui bute les petites bestioles dans les rues, c'est moyennement immersif en terme de sensations félines. J'ai payé pour être un chat et non un vaisseau spatial dans un shoot 'em up.
Jusqu'à avoir de sérieux problèmes de rythme.
Pour le début ça allait encore, mais pour toute la partie dans la grande ville qui s'étale et nous perd plus que de raison, les phases d'infiltration dispensables et ce final expédié sans le moindre climax où on doit juste gratter à 4 reprises des fils et hop ! B12 crève, le toit géant s'ouvre, on peut se barrer, fin. Je m'attendais à bien plus, de vrais symboles d'un peuple qui retrouve sa noblesse et ses droits, d'une liberté acquise dans le sacrifice, mais le soufflé n'a pas le temps de retomber puisque celui-ci n'a jamais gonflé. Aucun personnage n'a proprement le temps d'exister et ça rend les moments à priori émouvants comme le sacrifice de Clémentine totalement factices et expédié on ne sait pas trop comment.
Rajouté à cela des dialogues assez bateaux et des personnages principaux moins intéressants que certains personnages tertiaires à qui on ne cause qu'une seule fois et ça finit de rendre un univers d'apparence vraiment sympa à quelque chose de plat et de convenu.
Au final, j'ai traversé Stray sans grand entrain.
Ce qui me faisait marrer au début ne me fait plus d'effet sur la fin.
Ce qui me séduisait s'est fait obstrué par des couches de superficialité.
Et une partie de moi reste inconsolable du grand jeu qu'on aurait pu avoir alors qu'au final il reste convenu sur la plupart de ses aspects.
Ben oui, "la plupart" car je ne retire en rien ses sérieuses qualités.
C'est pour ça que, même si j'ai passé une bonne partie de mon temps à descendre ce jeu je lui accorde tout de même 6/10, ce qui est synonyme de bonne expérience.
Il y a eu une prise en main et une découverte terriblement grisantes, je ne peux pas le nier.
Cependant ma crainte initiale s'est retrouvée confirmée d'elle-même : Stray, ça n'a pas de quoi tenir un jeu.
Ça aurait pu être le Short Hike de la Cyberpunk, ce qui aurait été, vous le concéderez, sacrément cool.
Il sera finalement reparti la queue entre les jambes à la seconde où on lui a demandé quoi dire et comment.
Donc le studio BlueTwelve semble avoir suffisamment confiance en lui pour donner son nom à l'un des personnages principaux, et c'est très bien.
Maintenant, ils ont un indéniable savoir-faire, et ils ont su en début de jeu ouvrir une brèche, ce qui n'est pas donné à n'importe qui. Il est désormais l'heure de mettre à contribution ce talent pour un jeu prochain qui, lui, saura probablement mieux retomber sur ses quatre pattes.