Une partie de mon esprit, j'ignore laquelle, pense comprendre que le plan originel pour ce Street Fighter n'était probablement pas de sortir en 2016. Il n'a pas l'air assez terminé pour que ce soit le cas. L'année prochaine, déjà, la série fêtera en grandes pompes - ce qui semble logique, voyez la taille des pieds de leurs combattants - son trentième anniversaire. Ce qui n'est pas rien, d'ailleurs. Surtout pour une série qui a le double honneur d'être simultanément la série la plus exploitée de sa discipline tout en représentant dans l'esprit de ses utilisateurs son pinacle absolu. Tel est le paradoxe de la Méthode d'Exploitation Capcom : elle fonctionne. Parfois. Un peu. Si le talent nécessaire à réaliser le produit se trouve encore dans la compagnie. L'on peut vitupérer, pester, rien n'y fait; certains des titres conçus de cette manière transcendent le pur exercice mercantile qui les à engendré pour atteindre le titre pleinement mérité d'œuvres vidéoludiques majeures. Certains diront que Street Fighter V n'arrive à ce statut qu'en se hissant péniblement sur les épaules de ces vénérables ancêtres. (C'est d'ailleurs un peu toujours le cas de ces longues séries dynastiques.) Mais... ce n'est pas toute l'histoire. Car sous ses atours technologiques modernes se cache un très bon - quoique inachevé, du moins pour l'instant - jeu de baston.
Rares sont les compagnies qui comprennent avec le degré de profondeur proposé par Capcom l'art de créer un jeu de combat équilibré. C'est le point crucial de toute la discipline : pour que tout un chacun puisse prendre plaisir à cet exercice pourtant étrangement pointu il faut que chacun des archétypes présentés ait une spécificité qui lui permette de gagner. Et, simultanément, que celle-ci ne soit pas trop écrasante pour ne pas pouvoir être déjouée par un petit peu de réflexion ainsi que quelques heures d'entraînement. Ce n'est pas juste la permutation d'attributs physiques distribués avec intelligence. Non, c'est une tentative d'équilibrer un type d'activité qui entre les mains de talents inférieurs finit souvent en une stupide surenchère d'excès juvéniles pour tenter d'en faire une forme plus pure d'expression de la réflexion humaine. Ou, pour faire plus simple, passer d'un jeu d'échec au Jeu d'Échecs. L'expression pure d'un affrontement mental transposé en mouvements millimétrés à travers le temps et l'espace. Un combat idéal.
Telle est la réflexion qui anime depuis 1987 la série Street Fighter. De la première tentative entièrement construite autour d'une nouveauté technologique qui permettait - choc, stupeur, si ça c'est pas surprenant - à la borne de mémoriser des séquences de combinaisons de boutons pour en tirer des coups spéciaux à ce titre sorti un peu trop vite pour rassurer les investisseurs et offrir un titre exclusif à la PlayStation 4. Tous, et c'est assez admirable, on fait passer les flonflons en second pour se concentrer uniquement sur le plaisir du combat. Même Street Fighter V est de ce camp-là. Ce qui n'est pas évident pour un titre qui est carrément sorti amputé de la majorité de ce qui pourrait le rendre attirant à une portion de son public. Pensez à un jeu de baston. Bien, je vois que vous avez fermé les yeux. Maintenant, imaginez un mode en ligne tout en étant porté par les tons ténébreux de ma voix iconique. Vous êtes en transe. La visualisation prend place. Maintenant... enlevez tout type de sanctions pour le rage quit durant les premières semaines, ajoutez à tout ceci le fait que c'est le seul mode achevé du titre, et vous avez une bonne image mentale du jeu dont je vous cause aujourd'hui. Quand j'aurai claqué des doigts vous vous réveillerez au prochain paragraphe.
Le bruit pénible d'un claquement issu de doigts visiblement éreintés par une longue forme d'intérêt à la question vidéoludique vous amène soudain à considérer le prochain paragraphe. Vous vous sentez rafraîchi(e). Et malgré tout ceci : le jeu fonctionne. L'on peut déjà imaginer à quoi il ressemblera quand il sera pleinement terminé. Ses systèmes spécifiques - la V-Gauge et ses modificateurs/reversals/mouvements spéciaux de dernière minute - se mêlent aux avantages traditionnels de la série pour vous offrir une formule certes familière... mais pourtant unique vis-à-vis de celles dont vous avez l'habitude. Ce Cinquième du Nom n'est pas une simple expansion de Street Fighter IV. Il va dans sa propre direction. Une direction qui, d'ailleurs, ne contient pas l'ombre d'une Focus Attack mais simplifie certaines notions tirées de l'histoire de la série pour en tirer une synthèse permettant un équilibre surprenant entre les divers personnages proposée. Surprenant constat pour titre dont le pire que l'on puisse dire c'est que son lancement ressemblait un peu trop à une portion payante du beta test. Saurez-vous attendre que Capcom le termine? Allez vous vous jeter dessus en l'état? Ce n'est pas à moi de répondre à ces questions. M'enfin, comme disent les pugilistes... la réponse réside au cœur du combat™.