Bon, ce n’est pas la première fois qu’ils nous font le coup chez Nintendo…
Entre le fait de nous refourguer tout le catalogue de la boiteuse WiiU et celui qui consiste à nous submerger de remakes juteux à peine retravaillés, la pratique est connue et l’arnaque éventée…
C’est ce qui explique notamment qu’au moment de sa (res)sortie en février 2021, je ne m’étais pas intéressé à ce Super Mario 3D World – épisode à la réputation déjà peu flatteuse au temps de la WiiU – et cela quand bien même ce dernier fut agrémenté d’un complément dont on disait plutôt du bien ; ce fameux Bowser's Fury.
Seulement voilà, une grosse année plus tard, en avril 2022, ressortant de cette colloscopie à la buche de séquoia que fut Elden Ring, j’ai eu soudainement besoin d’un peu de douceur, de bienveillance et surtout de fiabilité. A ce moment-là, rien ne semblait meilleur qu’un Mario pour reprendre le jeu vidéo du bon pied, y compris un Mario de qualité moyenne. Alors j’ai sorti la CB et ramené ce 3D World à la maison…
…Et effectivement – maintenant que j’y ai joué je le confirme – il s’agit bien là d’un Mario de qualité moyenne.
…Voire même très moyenne.


Alors OK c’est sûr qu’on retrouve bien toutes les qualités et le savoir-faire de Nintendo à l’œuvre – accessibilité, fiabilité, lisibilité, richesse – mais il y a quelque chose qui s’installe dès les premières minutes de jeu et qui, chez moi, n’a jamais vraiment quitté ma partie, c’est cette terrible impression de déjà-vu jusqu’à l’excès.
A bien y réfléchir d’ailleurs, dès le menu d’intro j’ai senti un début de malaise. Cette plateforme, ces blocs et ce tuyau posés là à l’arrache en arrière-plan… Ces personnages et ces ennemis qui tournent en rond devant… Tout ça a des allures de composition pas très inspirée ; impression d’autant plus renforcées par la musique et le jingle du titre, lequel est entonné avec une sorte de fausse-joie qui trahirait presque le blase général du projet.
« Supel Malio Tlidiii Wooooooolld ! Wouhou ! (Pitié touez-nous s’il vous plaaait…) »
Pas très engageant tout ça…


Et malheureusement cette drôle d’impression s’est confirmée dès les premiers niveaux.
En ce qui me concerne, je me souviens encore de mon arrivée dans le monde 1-1. J’observais l’endroit. Je voyais les premières plateformes, cubes bonus et premiers ennemis affichés face à moi et voilà que je me disais soudain : « mais qu’est-ce que je fous là ? »
Ce monde c’était vraiment le redite de la caricature du stéréotype d’un Mario standard… Et je n’avais pas envie de l’explorer.
Alors c’est vrai qu’un univers de Mario n’a jamais été ultra chiadé en lui-même, mais en général, dans les épisodes majeurs de la licence, les premiers niveaux appataient quand-même pas mal le chaland, ne serait-ce que par rapport aux perspectives de jeu.
Super Mario World offrait d’entrée de chevaucher des Yoshis. Yoshi’s Island nous faisait quant-à-lui incarner des Yoshis ! Mario 64 offrait sa 3D, Sunshine son jet-pack, Galaxy son univers fait de sphères, Odyssey sa capacité à user de Cappy… Et le pire c’est que même d’un point de vue esthétique il se passait quelque chose : Yoshi’s Island et son monde crayonné, Sunshine et ses plages ensoleillées, Odyssey et son étrange pays des chapeaux…
…Mais là, avec ce premier niveau de Super Mario 3D World, c’est juste le calme plat.
Qu’est-ce qu’on nous offre à part un monde basique, des couleurs vives ?
…Un costume de chat ?
…C’est léger quand même.


Parce que, l’air de rien, découvrir Super Mario 3D World après Galaxy ou Odyssey, ça refile tout de même une sacrée impression de régression.
Ah bon la gestion de la caméra ne sera pas vraiment libre ?
Ah bon on va devoir se coltiner des niveaux pensés comme des plateformers 2D mais avec une notion de profondeur 3D ?
Ah bon il y a un timer maintenant ???
Mais putain c’est vraiment revenir sur tout ce qui ne me manquait pas dans la saga Mario


Bon après – je suis d’accord – le savoir-faire Nintendo finit par faire son œuvre à la longue…
Enchainer les niveaux permet en effet de constater à quel point ces derniers sont variés. Il y a toujours une nouvelle donnée autour de laquelle s’orchestre chaque nouveau niveau et qui donne cette impression réelle de renouvellement. A chaque fois il y a une petite idée malicieuse. A chaque fois le jeu récompense notre filouterie. Encore une fois c’est varié, c’est malin, c’est Nintendo…
De même, difficile aussi pour moi de ne pas reconnaitre qu’à force d’enchainer les niveaux et les mondes, cet esprit Super Mario Bros 3 relifté n’est pas sans imposer à la longue une patte et un charme propres à cet épisode et qui n’est clairement pas superflu tant il manquait jusqu’alors…
Franchement – ça m’a surpris moi-même – mais j’ai fini par me prendre au jeu. Et même si j’y allais à chaque fois sans passion, je me disais malgré tout : « bon allez, on va se faire une p’tite session de 3D World, ça va bien me détendre… »


« Détendre »… Au fond toute mon expérience de ce jeu pourrait tenir en ce mot-là.
Oui, Super Mario 3D World m’a détendu, ça c’est certain… Par contre, dire qu’il m’a plu ou amusé, ça ce serait une autre histoire.
Plaisant, Super Mario 3D World l’est vraiment très vite fait.
Déjà le vrai premier gros problème c’est qu’il n’y a pas vraiment d’enjeu.
Douze mondes. Sept niveaux classiques par monde auquel on peut ajouter deux à trois niveaux bonus. Finir un niveau implique systématiquement d’être capable d’atteindre le drapeau d’arrivée, mais aussi de collecter des étoiles cachées et des tampons pour espérer accéder au château de fin de niveau qui permet d’aller au château suivant… Bref il y a certes beaucoup de choses à faire mais aucun de ces défis ne pose de réelle résistance.
Alors OK, parfois on se dit « ah c’est malin ça », mais ce n’est pas dur pour autant… Et les rares fois où le jeu nous résiste un peu c’est souvent pour les mauvaises raisons, ce qui m’amène au deuxième gros problème…


Le deuxième gros problème de ce jeu c’est sa philosophie de jeu batard entre 2D et 3D.
Les rares fois où je me suis mis à mourir à la chaine ça n’a été dû qu’à ça. N’étant pas vraiment libre de contrôler la caméra, il est parfois dur d’évaluer les distances et surtout d’évaluer à quel niveau de profondeur on se trouve sur la plateforme. C'est qu'en plus de ça les angles de caméra prédéfinis par le jeu changent régulièrement au cours d’un même niveau, qu’ils sont loin d’être toujours pertinents et que les possibilités de les corriger sont très restreintes… Et franchement ce n’est pas rare que le jeu fasse des choix d’angles vraiment pas malins, ce qui conduit à des morts parfois franchement rageantes.
…Tout ça, ça ne fait pas vraiment très Nintendo en termes de niveau d’exigence.


Et puis il y a pour moi aussi et surtout le troisième problème.
Dans la continuité d’un Mario Galaxy 2 – et annonçant déjà le principal défaut de Mario Odyssey – ce Super Mario 3D World dilue son intérêt dans une philosophie de l’accessibilité à tous qui le conduit à lisser et fragmenter ses épreuves afin que celles-ci soient courtes et ne nécessitent que très peu de technicité.
Alors dans l’esprit pourquoi pas, mais je pense sincèrement qu’il y avait une autre manière de faire ça. D’ailleurs je pense qu’avec Mario Odyssey Nintendo a depuis exploré une autre voie et qui est à mon sens bien plus pertinente en offrant un niveau de challenge différent entre ceux qui veulent juste aller jusqu’au bout du mode « histoire » (kof ! kof !) et ceux qui entendent poncer un peu plus le jeu… Mais malheureusement avec 3D World on n’en est pas encore à ce niveau de réflexion là et le creux de vague se sent assez terriblement de ce point de vue.


Il n’y a pas de pic de difficulté dans Super Mario 3D World. Il n’y a même pas de progressivité et en cela c’est quand-même assez navrant.
Tout un symbole, sitôt un monde génère un peu de résistance qu’au bout de trois morts consécutives au même endroit le jeu se décide à faire apparaitre un costume de tanouki invincible. On peut encore mourir en tombant, mais par contre plus rien ne peut nous tuer, ni ennemi ni obstacle…
Eh bah moi je trouve ça vraiment con comme idée.
Qu’un jeu nous résiste un peu – même si c’est souvent à cause d’une saloperie de perspective mal gérée – pour moi ce n’est pas un problème. Au contraire, mes meilleurs moments avec un Mario ça a toujours été les moments où j’ai rencontré de la résistance.
Là, sitôt ça coince un peu que le jeu semble nous dire : « allez, on n’est pas chien, on va t’aider un peu… »
Mais non ! NE M’AIDEZ PAS ! Laissez-moi galérer un peu putain !
C’est le principe d’un jeu quand-même non ! Qu’il y ait une résistance à renverser !
Alors OK, après je ne suis pas obligé de le prendre ce foutu costume, mais le message est là, posé sur ton écran, comme une sorte de sous-titre qui dirait « ce n’est pas normal que tu sois encore là à tenter quelque chose ».


Cette absence de progressivité, c’est d’ailleurs aussi elle qui fait qu’au bout d’un moment, j’ai fini par me lasser.
Quand tu vois la carte et que tu constates qu’il n’y a que six mondes, tu peux encore te dire : « bon au moins ça va être vite torché ». D’un autre côté, tu vois bien la feuille à tampons et tu dis qu’il doit certainement y avoir plus que six mondes pour compléter toute cette foutue page.
Et effectivement, après le niveau 6 on passe au niveau du château final… Mais – feinte – après le niveau château final il y a le niveau Bowser… Mais – feinte à nouveau – après le niveau Bowser il y a encore quatre niveaux !
« En voilà une bonne surprise ! » pourrait-on se dire. Mais sauf que non…
Parce qu’à partir du monde du château-final, le jeu commence à recycler ses mécaniques de jeu, ses univers, ses petites astuces.
Plus rien ne surprend. C’est juste de la redite. Pire, pas mal de mystères n’appellent en fait qu’à aller récupérer un costume de chat et à aller grimper en certains endroits pour choper les étoiles manquantes…
…Et c’est con ça, parce que souvent, des costumes de chat, il n’y en a pas dans le secteur. Donc la solution consiste souvent à se téléporter dans le Monde 1, refaire le niveau 1 qui est de loin le plus incipide du jeu et revenir à son point de départ avec le costume de chat.
Ça ne pose aucune difficulté en soi. C’est juste fastidieux et lassant à la longue…
…Un problème qu’on retrouve un peu trop souvent dans les derniers Mario je trouve.


Pourtant – et c’est tout ce qui m’emmerde avec cet épisode – c’est que je n’ai pas envie de le foutre à la poubelle ce Super Mario 3D World.
Déjà, comme dit auparavant, il a son petit charme que je ne peux totalement lui nier.
Ensuite, c’est aussi dans cet épisode qu’on retrouve ces niveaux bonus avec Toad qui inspireront par la suite le plutôt sympa Captain Toad : Treasure Tracker
…Et puis surtout il y a ce fameux complément Bowser’s Fury.


Bowser’s Fury, au fond, c’est ce qui peut justifier l’achat de cette cartouche, malgré l’intérêt contrasté qu’on peut porter à la globalité de ce contenu. Car Bowser’s Fury c’est la petite extension qui semble nous dire « bon on sait que le 3D World qu’on vous refile n’est pas génial donc on vous en fournit un petit extra bien plus optimisé. »
…Et c’est vrai qu’il ne suffit que de quelques minutes passées sur cette extension pour se rendre compte qu’elle contient tout ce qui pouvait manquer dans le jeu WiiU original pour être une œuvre un minimum marquante.


Déjà ont été foutus à la benne les caméras bridées, les timers pête-burnes et autres cartes-interfaces qui segmentent le rythme de l’aventure, ce qui nous soulage d’un paquet d’idées peu judicieuses.
Du coup, en lieu et place de cette formule très cadenacée inspirée de Super Mario Bros 3, on se retrouve avec un monde unique (pour ne pas dire un monde ouvert) où toutes les zones peuvent être accessibles très rapidement ; zones se rapprochant de casse-têtes très épurés et très efficaces qui rappellent d’ailleurs les meilleurs segments de Super Mario Galaxy 2.
Et quand bien même ce Bowser’s Fury reprend bien tout l’appareillage de Super Mario 3D World, il parvient néanmoins à imposer son identité en faisant ce que le jeu WiiU n’avait pas su faire : opérer un choix esthétique et ludique fort.
Et ici ce choix il tient en ce Bowser tout d’ombre et de feu. Figure s’affichant en permanence tout au long de notre partie, il est aussi celui qui en rythme le parcours. Car à intervalle régulier, le vilain Bowser – manifestement possédé par une force maléfique étrange – va changer les conditions de jeu et nous contraindre à nous y adapter.
C’est tout con mais c’est clairement ce genre de décision qui permet de nous sortir de notre zone de confort et qui renouvelle notre expérience de cette saga désormais connue sous toutes les coutures.
En plus tout l’avantage que tire ce Bowser’s Fury à n’être qu’une extension c’est qu’il n’aspire pas à durer sur la longueur. Ainsi est-il très rythmé et ne laisse pas le temps de lasser.


Bon après, toutes ces qualités ne font pas de ce Bowser’s Fury un chef d’œuvre non plus. Il n’échappe d’ailleurs pas aux faiblesses des dernières productions Mario, parmi lesquelles je noterais par exemple cette fâcheuse tendance à faire apparaitre ses « shines-miaous » par étape comme dans Super Mario Odyssey (nous obligeant à refouiller régulièrement les mêmes zones), ou bien encore cette volonté à vouloir parfois trop simplifier à l’extrême, au point de rentrer parfois dans des formes de simplisme (et là je pense notamment au gameplay).
Malgré tout je ne peux retirer à cette extension le mérite d’être ce petit plus qui était nécessaire pour rendre l’ensemble de la proposition fournie ici par Nintendo – Mario 3D World + Bowser’s Fury – pour le moins acceptable.
Et au fond tout est dit avec ce seul mot… « Acceptable ».


Alors on pourra toujours se satisfaire d’avoir là un jeu acceptable – un jeu qui détend à défaut de véritablement amuser – mais une fois de plus Nintendo nous sort un jeu – sur une licence majeure qui plus est – qui n’est clairement pas à la hauteur de sa réputation.
Après on pourra toujours me rétorquer qu’un studio ne se désavoue jamais vraiment à sortir des jeux simplement acceptables mais sauf que, dans les faits, à force d’user ses formules, Nintendo tend à les normaliser et… à les banaliser.
Or c’est bien cela que je retiens pour ma part de ce jeu : je le trouve banal.
Oui. Mario. « Banal ».
Or je trouve que c’est tout le souci de ces franchises qui – à la façon d’un FIFA ou d’un Assassin’s Creed – n’évoluent que par petites retouches à travers des épisodes clairement trop nombreux, au point d’invisibiliser au fil du temps ce qui en fait aussi leur force.


Dès lors, ce Super Mario 3D World sur Switch est-il à mes yeux une bonne pioche ?
Eh bien j’aurais tendance à dire que non… Ou pour être plus exact je dirais plutôt – pour reprendre les termes déjà utilisés précédemment – qu’il est simplement une pioche acceptable bien que banale…
A vous donc de voir si, de votre côté, ça vous convient de vous frotter à du Mario simplement acceptable et banal…

Créée

le 2 juil. 2022

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