Avec plus de 20 millions d'exemplaires vendus, Super Mario World (SMW) est l'un des plus grands succès commercial de toute l'histoire des jeux vidéo. À quoi tient le succès de ce titre, et des Mario en général ? À l'univers ? L'ambiance ? Le charisme des personnages ? Les graphismes époustouflants ? La musique ? Dans tous ces domaines, les Sonic sur Mega Drive sont très largement supérieurs à Mario.
Graphiquement, c'est bon pour l'époque, mais pas extraordinaire non plus. SMW ressemble à un jeu 8 bits lifté pour la 16 bits, comme dans Super Mario All Stars. Les animations sont minimalistes. Les musiques se comptent sur les doigts de la main (on entend toujours les mêmes) et si les mélodies, désormais cultes, sont très sympathiques, la façon dont la SNES les joue est simpliste et n'a rien d'exceptionnel. Ni l'histoire ni l'univers n'a le moindre intérêt.
Du point de vue formel, SMW est un peu le contraire des Donkey Kong Country, lesquels ont tout misés sur l'audiovisuel.
Alors quel est le secret de cette énigme ? La maniabilité ? Le level design ? Oui, en partie. Mais surtout : Mario est probablement le jeu de plateforme le plus technique qui ait jamais été conçu. Je ne dis pas "difficile", mais bien technique. C'est une alchimie particulière entre la maniabilité, la précision et la conception des niveaux, le tout fondé sur un principe de base — connu de tous — qui demeure relativement simple et intuitif, et autour duquel vont se greffer pleins de petites idées, là encore, simples, intuitives et amusantes. Si en plus de ça le jeu possédait toutes les qualités que j'ai énuméré sur l'univers, l'ambiance, etc, il serait alors certainement le chef d'oeuvre vidéo-ludique ultime.
Bien sûr, le principe de base ce n'est pas SMW qui l'a mis en place, ce jeu est une sorte de développement des principes qui avaient été mis en place par Super Mario Bros 3 (SMB3), lui-même étant un développement des principes qui avaient été mis en place par ses prédécesseurs. Mais à chaque fois, on est épaté par le nombre de nouvelles idées pertinentes apportés. SMW est loin d'être un recyclage de SMB3, c'est une vraie suite, avec un nombre conséquent de nouvelles idées — dont beaucoup feront date dans la série, par exemple le personnage désormais emblématique de Yoshi — sans trahir l'esprit des anciens.
Et la singularité de cet épisode, c'est probablement la quantité étonnante de secrets, de bonus, de chemins et de sorties alternatives. C'est l'un des rares jeux que j'ai eu envie de terminer à 100%, même si j'ai eu besoin d'aide pour trouver les toutes dernières sorties secrètes qui me manquaient. 75 niveaux au total, tous relativement courts, mais qui ont presque tous un concept qui leur est propre, une idée originale ou une situation nouvelle, qui sollicitent presque tous une forme de technicité. Tout l'intérêt du jeu réside dans cette exploration de secrets, car d'une traite, le jeu se finit relativement vite et ne présente pas d'énorme difficulté pour qui a un peu l'habitude de la série.
Cette nature technique de jeu fait que le celui-ci est en quelque sorte un système, lequel va "au delà" du jeu lui-même. C'est comme une matière à partir de laquelle on peut toujours créer de nouvelles choses par de nouvelles combinaisons. Je m'explique : c'est un peu comme quand, dans l'enfance, on vidait sa caisse de jouet, on retrouvait toujours les mêmes pièces à chaque fois, avec chacune leur particularité, et à partir de ces paramètres, on inventait régulièrement un concept nouveau. Les niveaux de SMW c'est un peu ça : on sent que les développeurs se sont amusés à construire leurs niveaux à partir des pièces à leur disposition et qu'ils auraient pu en construire une infinité d'autres que ce serait toujours amusant. Et je disais "au delà" du jeu, car en un sens ce système dépasse SMW : ce jeu a connu un nombre considérable de hacks reprenant exactement le même moteur pour créer quelque chose de nouveau. Par exemple, l'un des premiers hacks, les plus connu, Kaizo Mario World, est une sorte de SMW ultra-hardcore, mais il y en a beaucoup d'autres. On s'est même amusé à faire des niveaux musicaux. Tout ceci préfigurait déjà Super Mario Maker. D'ailleurs on pourrait même le formuler comme ça : Dans SMW, on a l'impression que les développeurs jouaient à Super Mario Maker.
Super Mario Bros premier du nom était déjà un système qui avait été réutilisé dans The Lost Levels, mais le système de SMW a été amélioré puissance 10, dans la maniabilité, la technicité, les nouvelles petites idées qui fourmillent, les sorties secrètes, etc, etc. En conclusion, Super Mario World est avec Super Mario Bros 3 certainement l'un des meilleurs Mario en 2D, un grand classique du jeu de plateforme, à juste titre. Même après 75 niveaux, on en redemande.