Si je ne suis pas un gros joueur de RPG, j'essaye quand même de régulièrement en faire en piochant dans différentes licences. Concernant les Tales of, je n'avais jamais retouché à un opus de cette saga depuis Tales Of Symphonia sur GC, que j'avais plutôt bien poncé. Profitant de soldes et curieux de savoir ce qu'était devenue la saga, je me suis procuré le dernier opus en date, Tales of Berseria. Un confinement et 55h de jeu plus tard, j'aurai très bien pu me dire "okay" et passer à autre chose, si seulement le jeu ne m'avais pas autant chamboulé au point d'avoir besoin d'écrire quelque chose dessus :p. Je pense que rarement une histoire de RPG m'aura touché à ce point depuis Grandia II.
Une formule éternelle
Honnêtement, mes souvenirs de Tales Of Symphonia sont assez flous, mais j'ai eu l'impression que la formule de la saga n'a tout de même que peu changée en 13 ans. On dirige toujours un groupe hétéroclite de protagonistes liés par le destin et forcés de coopérer pour changer le monde ; les combats sont toujours en temps réel ; et la progression fonctionne sur le même principe d'aller dans une ville, visiter un donjon puis traverser une plaine pour aller dans une autre ville. Ce n'est pas pour me déplaire, car sur le moment j'avais vraiment besoin d'un jeu pas trop complexe pour me détendre, mais j'ai bien cru comprendre en lisant quelques critiques que la saga ne cherche pas trop à se renouveler d'un épisode à l'autre, et que ce n'est certainement pas cet opus-ci qui révolutionnera le genre.
Côté gameplay donc, on voit les monstres sur la carte et on peut choisir de les affronter ou non, ce qui le cas échéant fait apparaître une arène dans des transitions assez rapides (sympa dans tous les cas si vous souhaitez éviter les monstres ou au contraire enchaîner les combats pour farmer). Une fois en combat, il est possible d'incarner n'importe quel personnage parmi les six disponibles, et de switcher entre eux en plein combat. Personnellement, je n'ai joué qu'avec Velvet, mais chaque perso a ses propres techniques et affinités. Les attaques de base (les "artes martiaux") s'exécutent avec n'importe lequel des quatre boutons (exemple, croix, carré, rond et triangle sur playstation), et toutes les combinaisons sont possibles pour un combo de maximum 4 attaques (4 fois croix, 2 fois croix et 2 fois triangle, etc...). Vos "chemins" de combos sont entièrement personnalisables et modifiables en plein combat, ce que vous allez souvent faire afin de vous adapter à chaque ennemi, les attaques étant de cinq natures (feu, eau, terre, vent, physique). Seulement, pour espérer faire un combo de 4 coups, il faut que votre jauge d'attaque soit remplie au moins à 4, alors que vous commencez un combat avec la jauge remplie à 3. Pour la remplir, il faut "voler" la jauge de vos ennemis, soit en les tuant, soit en leur faisant des attaques critiques, et ces derniers peuvent faire de même avec vous. Rajoutez à cela les "artes cachés", s'activant avec R2 déclenchant un pouvoir spécifique au perso (par exemple, Velvet passe dans un mode berserk), les "artes mystiques" qui sont les attaques ultimes pouvant se déclencher avec L2 seulement après avoir fait un certain nombre de combos, et une garde sur L1 qui une fois chargée permet différentes attaques, vous obtiendrez un système très riche. Les persos apprennent régulièrement de nouvelles attaques en montant en niveau, et le sentiment de progression est très sympa. Bon après, si vous faites le jeu en difficulté normale, vous pouvez plus ou moins bourrer les ennemis sans trop réfléchir (excepté quelques boss coriaces), mais les difficultés supérieures vous demanderont de réfléchir à chacun de vos input.
Le jeu se dote également d'une formidable carotte en la présence d'un système d'apprentissage de compétences passives avec l'équipement. C'est simple, chaque arme et pièce d'armure possède une jauge de maîtrise qui se remplit au fil des combats qui, une fois remplie, débloque une compétence passive pour le personnage qui l'a équipé, et surtout que ce dernier conserve même en enlevant l'équipement (exemple : défense + 10 ou poison réduit de 10%). Généralement, plus la pièce d'équipement est rare, plus l'apprentissage est long et la compétence intéressante. En plus de permettre de ne pas avoir à trop se soucier de quel équipement on porte, ce système amène beaucoup d'intérêt à faire des combats (et ça touche pile en plein cœur les complétistes compulsifs comme moi :p).
Entre deux générations
Côté graphismes, le jeu étant entre deux générations (sorti à la fois sur PS3 et PS4), forcément on est loin des standards actuels. Les environnements sont affreusement vides, les textures sont simplistes, et certains PNJ sont très peu détaillés. La direction artistique n'est malheureusement pas non plus très recherchée (oh, une plaine, oh, une plage, oh, un volcan...). Par contre, je trouve le design des protagonistes et antagonistes principaux excellent, et il y a quelques cinématiques animées de grande qualité. Bref, on est très loin d'un Final Fantasy XV ou d'un Persona 5, mais au moins le jeu fait le taf, et surtout il n'y a aucun problème technique et les temps de chargement sont quasiment inexistant.
Autre point noir, le level design des donjons est ultra basique. Ça relève du "j'appuie sur cet interrupteur pour ouvrir la porte se trouvant deux mètres à côté". C'est fondamentalement pas gênant, mais ça rend les donjons un peu anecdotiques.
Monde ouvert linéaire
Côté progression, il s'avère que le jeu est finalement assez linéaire, jusqu'au classique point "eh, voilà la porte du boss, si tu veux faire toutes les quêtes annexes et le donjon caché, reviens donc en arrière". La carte du monde est divisée en plusieurs continents accessibles par bateau via des ports, et vous avez de toutes façons la possibilité de vous téléporter aux portes des villes. Sauf qu'en vrai, l'histoire principale vous demandera presque toujours de vous rendre à un endroit précis, ce qui fait que vous aurez peu de libertés d'exploration, sauf dans les zones en cours. Il y a juste un petit moment de flottement vers 25h de jeu où vous pourrez faire quelques quêtes annexes, mais le reste de celles-ci ne seront vraiment accessibles que juste avant la fin.
En parlant des quêtes annexes, il manque clairement un menu dédiées à celles-ci ou au moins une manière claire de les repérer. En l'état, vous êtes quasiment obligé de visiter chaque zone pour voir si il y a des gens qui veulent vous parler. La navigation dans la carte du monde est en plus assez laborieuse. Par contre, les quelques quêtes annexes sont de qualité et apportent une vraie profondeur aux protagonistes et à leurs relations. Au passage, l'intégralité des cinématiques et des petites saynètes en 2D sont doublées, ce qui fait franchement très plaisir, les voix étant de plus excellentes (en tout cas en japonais).
On notera aussi deux éléments très optionnels : la cuisine qui permet d'obtenir des bonus en fonction des repas que l'on prépare, et la possibilité d'envoyer un bateau explorer des lieux pour trouver des ingrédients ou encore des skin pour nos persos (chaque exploration dure 30 minutes). Il y a enfin sur la carte des petits trucs flottant à ramasser permettant d'ouvrir des coffres à "minouz", débloquant des accessoires cosmétiques pour les persos. Parfaitement inutile, mais ça a le mérite d'occuper le temps quand on se balade dans les différentes zones.
Velvet
Venons-en au point que je trouve le plus remarquable du jeu, nom de Dieu que l'histoire et les persos sont bien écrits. Le personnage principal, Velvet, est peut-être bien l'un des persos de RPG qui m'a le plus marqué de ma vie de joueur. Si l'histoire commence comme dans tous les RPG du monde (petit village, petit frère à protéger, tout ça tout ça), elle vire rapidement au cauchemar, et redéfinit Velvet dès le départ comme une mauvaise personne prête à tout pour assouvir sa vengeance. Bon, si au final, le jeu n'est pas si sombre que ça, vos actions n'étant pas complètement maléfiques, j'ai ressenti beaucoup de tristesse et de mélancolie tout au long du jeu. Il y a notamment un tournant très poignant dans l'intrigue qui fait qu'on s'attache instantanément à Velvet et à ses compagnons de fortune, ainsi qu'aux antagonistes, qui font tous ce qu'ils font pour des raisons qui leur semble justes. Et même la toute fin ne tombe pas dans la facilité, même si pour le coup j'ai eu beaucoup de peine pour un élément que je ne spoilerai évidemment pas. Mais il manque à mon sens juste une toute petite finition, un tout petit truc pour être vraiment complet.
Attention, gros spoil de ce petit truc (parce que j'ai besoin d’exorciser ça :p) :
A la toute fin, quand Velvet se sacrifie pour créer le paradoxe ultime avec son frère réincarné en Innominat, il manque vraiment ne serait-ce que quatre lignes de dialogues pour ses adieux entre elle et ses quatre compagnons autre que Laphicet. Autant sa relation avec Laphicet est très bien résolue, autant il maque vraiment quelque chose avec Eléonore, Eizen, Rokurou et Magilou. Pourquoi n'avoir aussi peu de considération pour ce qui était au départ des outils pour sa vengeance et qui sont devenus ses amis (enfin j'aime à le penser), alors que juste un regard aurait suffit ? Bref, ce simple manquement m'a terriblement frustré et rendu profondément mélancolique :p.
Bon, mon statut d'empathique et le fait d'avoir vu toutes les saynètes et terminé toutes les quêtes annexes avant la fin ont bien sûr joué en la faveur du jeu (plus le fait d'y jouer 3h par soir non-stop pendant deux semaines, très certainement...), mais au risque de me répéter (non, vraiment), rarement une histoire ne m'aura fait ressentir autant de sentiments différents pour un personnage virtuel.
Conclusion
Il est bien rare que je m'attarde sur un RPG que j'ai terminé, encore plus que je ressente le besoin d'en témoigner sur le papier. Mais tout comme un certain Final Fantasy XV qui m'avait retourné vis-à-vis du traitement de la relation entre ses protagonistes, Tales of Berseria a fait de même dans un moment de ma vie (fin 2020, le confinement, toi aussi tu sais) où je ne m'y attendais pas. Et il ne finira définitivement pas comme un Ni no Kuni II ou un Dragon Quest XI dans un tréfonds de ma mémoire, mais bien dans une place particulière aux côté d'un Grandia II ou d'un Golden Sun.
Alors attention, ce qui a marché sur moi ne marchera je pense pas sur tout le monde, et le fait que le jeu soit très loin des standards actuels pourra en décevoir plus d'un. Pour ma part, je vais tenter de faire d'autres épisodes de la saga pour voir si le miracle se reproduit, mais je suis aussi curieux de voir le prochain Tales of Arise, qui a fort à faire pour renouveler une saga, aussi bien dans le fond que dans la forme, mais qui mérite je pense sa place dans le paysage vidéoludique.