Un free-to-play efficace, mais pas révolutionnaire
Le studio Mistwalker est peut-être relativement jeune, mais il a su faire parler de lui, notamment par son géniteur qui n'est d'autre qu'Hironobu Sakaguchi, fondateur de la série des Final Fantasy, aujourd'hui réputée auprès de nombreux adeptes du J-RPG dans le monde. L'autre raison pour laquelle ce studio fait parler de lui concerne les titres qui en sont issus. Si la qualité de certains comme Blue Dragon ou Lost Odyssey fait débat, d'autres titres comme The Last Story sont considérés comme de véritables chefs-d'oeuvres. Avec Terra Battle, titre récemment sorti sous nos latitudes sur smartphones Apple et Android, Mistwalker tente une nouvelle fois d'apposer sa patte et l'expérience de ses fondateurs dans le vaste univers du RPG.
Est-ce que cette extension sur smartphones s'avère grandiose ? Ou bien est-elle simplement anecdotique et se mêle à la pléthore d'applications disponibles sur ces téléphones ?
A la recherche du créateur
L'histoire de Terra Battle se situe dans un monde visiblement en ruine, et sa destruction semble proche. Devant ce constat fort sombre, le groupe d'aventuriers que vous dirigez décide d'aller voir le créateur, afin de trouver une solution à cette situation réellement désespérée. S'ensuit dès lors diverses péripéties durant lesquelles vous serez amené à explorer de nombreuses régions et à combattre des créatures et ennemis de toute sorte.
Raconter le récit de Terra Battle s'avère être une tâche assez complexe, tant le scénario semble être mis au second plan. Preuve en est que l'on sait absolument rien du monde dans lequel on évolue, même si on peut avoir quelques indices avec les artworks du jeu qui peuvent nous permettre d'avoir quelques indications sur le genre d'univers dans lequel on évolue. De plus, aucun de vos personnages se détachent du groupe (si ce n'est pour quelque uns comme Ba'gunar), puisque leurs déclarations ne sont pas réellement identifiables lors des cut-scenes relatives à l'histoire. Et enfin, revenons justement sur ces cut-scenes, qui n'en sont pas vraiment car il s'agit d'une succession de textes avec un arrière-plan, ces textes se révélant d'ailleurs assez descriptifs. Si cela n'est pas un mal en soi, cela ajoute une difficulté supplémentaire pour se représenter précisément l'univers dans lequel on évolue. Bien sûr, on peut laisser ici l'imaginaire du joueur s'exprimer, toujours est-il que certains pourront avoir le plus grand mal à construire l'univers du jeu, et d'autant plus pour les anglophobes, vu que les scènes racontant l'histoire du jeu ne sont pas encore traduites en français. Une traduction est censée arriver, mais aucune certitude pour savoir quand elle arrivera.
Quoiqu'il en soit, l'intérêt de Terra Battle ne réside pas réellement dans l'histoire qu'il raconte.
Une direction artistique de qualité
Pour autant, l'un des attraits de ce jeu pour smartphones réside dans sa direction artistique.
Si graphiquement, on ne pourra pas apprécier des graphismes exploitant la pleine puissance de votre téléphone, l'ensemble du jeu étant composé d'images fixes, force est de constater que l'ensemble des artworks réalisés, que ce soit pour les personnages ou pour les décors, sont de qualité. Les divers protagonistes qui nous est possible d'intégrer dans notre équipe ont un style variable, et chacun possède une personnalité esthétique qui lui est propre, ce qui est notamment aidé par le fait que Mistwalker fait appel à divers dessinateurs pour ajouter des personnages au fur et à mesure.
Pour les plans fixes faisant office de décors, la variété se fait en revanche moins présente, la faute à un panel de couleurs assez sombre. Sans remettre en cause la qualité des dessins, il s'avère que le tout forme un ensemble homogène aux aspects un peu obscurs. Certes, cela sert le récit du jeu qui nous plonge dans un monde qui court à sa destruction, mais un léger manque de variété peut se faire ressentir.
Pour ce qui est de la bande-son, Nobuo Uematsu reprend du service et nous offre comme à son habitude des musiques de qualité, quoique peu surprenantes quand on connaît le style du compositeur, même si certaines de ses compositions sortent un peu de ses habitudes. Si on prend par exemple le thème des menus du jeu, le musicien ajoute des voix un peu modulées, qu'on pourrait qualifier d'électroniques, alors qu'habituellement Nobuo Uematsu fait assez peu de travail sur les voix dans ses compositions. Mais en définitive, l'OST s'avère vraiment efficace et colle parfaitement à l'ambiance du jeu.
Rien d'extraordinaire pour les bruitages qui ne commettent pas de fausse note et entrent en cohérence avec l'ambiance et l'univers du jeu.
En clair, on avons le droit à une direction artistique de premier ordre. Certes, cela n'est guère surprenant quand on voit la composition du studio Mistwalker, mais imposer une telle ambiance à un jeu qui n'est qu'en réalité une succession d'écrans fixes démontre la qualité du travail réalisé avec brio par le studio Mistwalker.
Ceci n'est pas un jeu d'échecs
Mais le point le plus intéressant de Terra Battle réside dans son gameplay.
A première vue, celui-ci est d'une réelle simplicité. A chaque chapitre, vous avez un certain nombre de batailles à mener, ces dernières étant représentées par un grille sur laquelle sont disposés les membres de votre escouade ainsi que vos ennemis, et certains chapitres se finissent avec un boss à combattre. Les combats se déroulent au tour par tour, mais certains ennemis peuvent mettre plus de temps pour attaquer, et dans ce cas un chiffre en haut à droite de l'icône de l'adverse vous indique dans combien de tours il pourra agir. Pour remporter la partie, il vous faut évidemment vaincre les opposants, mais la façon d'y parvenir est toute singulière, puisqu'il vous faudra encercler le ou les ennemis horizontalement ou verticalement dans la plupart des cas, en sachant que vous pouvez déplacer qu'un seul personnage par tour.
Une fois cette base assimilée, d'autres éléments viennent complexifier le gameplay. Vos personnages et vos ennemis se répartissent en quatre classes : épéiste, archer, lancier et mage, tout les quatre représentés par des symboles spécifiques (une épée pour l'épéiste, un arc pour l'archer, et cetera...). Chacun possèdent ses compétences et ses caractéristiques propres, qu'il vous faudra utiliser à bon escient. Et pour cela, il faut dans un premier tenir compte d'un système façon Janken (Pierre-Papier-Ciseaux) pour tirer le meilleur avantage de vos combattants, en effet selon ce système l'épéiste est plus efficace contre l'archer, ce dernier étant plus efficace contre le lancier et lui-même étant plus dangereux face à un épéiste. Les mages sont en dehors de ce système, et doivent être utilisés plus comme des personnages de soutien que d'attaque dans la plupart des cas, la faute à des statistiques moins avantageuses, mais surtout car il est plus intéressant de mettre à contribution les compétences de vos mages à distance des combats, même si elles sont activables avec un combat au corps à corps. Cela est possible en formant des sortes de chaînes, dès que vous enclenchez un combat en encerclant vos ennemis : par exemple, si vous encerclez verticalement un ennemi avec un lancier et un épéiste, il est possible de placer au-dessus ou en dessous de l'un d'eux un mage qui pourra exercer sa compétence au profit de vos combattants. Le cas le plus simple est celui du soigneur qui pourra régénérer les points de vie d'un ou de plusieurs personnages, car l'intérêt de mettre plusieurs combattants dans ces chaînes est, outre le fait de faire bénéficier vos compétences au plus grand nombre, d'augmenter la puissance de l'attaque portée à un ou plusieurs ennemis. De plus, il vous sera également possible d'augmenter encore la puissance de vos attaques en plaçant l'un de vos personnages à proximité d'un symbole rond contenant un « P » qui apparaît sur le champ de bataille après avoir subi ou occasionné un certain nombre de dégâts.
Vous l'aurez compris, les possibilités de jeu sont multiples, et ce malgré l'apparente simplicité du gameplay, qui se révèle efficace à prendre en main tout en proposant des possibilités riches pour le joueur qui souhaite les exploiter. D'autant plus qu'en avançant dans le jeu, d'autres éléments viendront perturber vos parties, comme des pièges ou des bombes placées sur le champ de bataille, ou encore l'utilisation de compétences par vos ennemis.
Et pour mener des batailles, encore faut-il regrouper des combattants. Pour ce faire, vous devez recruter des combattants à la taverne, en contrepartie de pièces ou de points d'énergie. Vous gagnez les pièces à fur et à mesure des batailles, mais l'énergie vous sera donnée à l'occasion de certains événements, après avoir fini un chapitre ou lorsque vous vous connecterez plusieurs jours à la suite. Pour autant, vous pouvez recruter certains combattants après certaines batailles. Mine de rien, le nombre de combattants risque de s'accumuler assez vite, et pour s'organiser dans tout ce petit monde, le jeu vous propose de composer huit escouades différentes, et vous pouvez choisir entre l'une d'elles avant de commencer un chapitre. Vos personnages peuvent augmenter leurs compétences et leurs caractéristiques avec des points d'expériences glanés durant les batailles, et même débloquer des métiers supplémentaires, ces derniers dévoilant des compétences inédites. Mais pour obtenir ces métiers, il vous faudra récolter un certain nombre d'objets, et force est de constater qu'ils se font assez rares, ou en nombre insuffisant, ce qui pourrait générer chez certains une impression de pay-to-win, sur laquelle je reviendrais.
Ainsi, le gameplay du jeu peut s'apparenter à un puzzle-RPG accessible à prendre en main, mais dont les possibilités restent riches et dans lequel des facteurs de complexité intervient au fur et à mesure de votre avancée dans le jeu. Néanmoins, on pourra peut-être reprocher certains imprécisions lorsqu'on déplace son personnage sur la grille, mais cela peut être causé par la rapidité dont on doit parfois faire preuve pour déplacer son personnage durant son tour.
Un freemium pur et dur ?
La progression du joueur peut donc avoir de quoi faire râler certains, puisqu'il vous faudra dépenser un certain nombre de points de vigueur pour pouvoir jouer à un chapitre, ou autre événement. Et évidemment, celle-ci n'est pas limitée et se régénère avec le temps. Alors certains pourront agiter au dessus de Terra Battle les spectres des freemium et du pay-to-win, en reprochant au jeu de limiter la progression du joueur en l'incitant à payer pour pouvoir avancer, d'autant plus que les quêtes annexes vous permettant d'augmenter les capacités de vos personnages ne sont pas avares en vigueur. Cela n'est néanmoins pas tout à fait vrai, car même si le nombre de vigueur à dépenser augmente de manière croissante, cette augmentation se fait dans les deux sens car vous disposerez de plus de points de vigueur après avoir fini un chapitre, ce qui limite l'impression pay-to-win que certains peuvent craindre. Reste à voir après si cette impression ne se confirmera pas avec l'arrivée du PvP dans le jeu, qui n'est pas encore disponible et qui permettra de voir s'il y a un déséquilibre assez conséquent entre les joueurs. Et ajoutons aussi le fait que si tous vos personnages meurent durant une bataille, il vous faudra de l'énergie (et non de la vigueur) pour recommencer là où vous avez perdu. Mais là encore, les défaites sont assez rares si on mesure bien les risques, d'autant plus que l'énergie se fait pas si rare si on prend la peine de l'économiser.
Ainsi, difficile de quantifier la durée de vie du jeu, car vos parties peuvent être plus ou moins limitées par les choix que vous ferez pour avancer. Toujours est-il que vous avez de quoi faire pour occuper vos parties, en effet vous pouvez évidemment avancer dans votre quête principale, ou bien faire des quêtes annexes ou évènements ponctuels générés selon la volonté des créateurs du jeu. Ces quêtes annexes peuvent servir à vous donner un bon paquet de points d'expérience ou de pièces, les deux étant utiles à votre progression.
Au moment où ces lignes sont écrites, les deux modes multijoueurs en coopération et en PvP ne sont pas disponibles, donc impossible de savoir à l'heure actuelle si ces modes sont de qualité.
En définitive, l'aspect pay-to-win que l'on craint toujours au moment de jouer à un freemium ne se retrouve pas totalement dans Terra Battle, malgré le système de vigueur et d'énergie qui agacent (et à raison) beaucoup de joueurs, puisque le jeu n'incite pas réellement à l'achat et ces micro-paiements s'avèrent largement dispensables.
Conclusion : Mistwalker ne révolutionnera pas le RPG sur smartphones, la faute à un univers et un récit qui aurait mérité plus de développements et de profondeur, ainsi qu'à un système de freemium qui risque d'en agacer plus d'un. Néanmoins, ses possibilités de jeu ainsi que la qualité de sa direction artistique en font un jeu sympathique qui se laisse essayer et qui vous occupera de nombreuses heures.
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