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Annoncé en juin 2023 sur PC, PS5, Xbox Series et Switch, Terra Memoria est un RPG édité par Dear Villagers et développé par le studio montpelliérain La Moutarde, qui a fait ses débuts en 2018 grâce au jeu de rythme Old School Musical. Proposant des graphismes rappelant franchement les RPG des années 90, Terra Memoria se veut être un hommage à ces jeux tout en y apportant une touche de modernité. Le jeu français réussira-t-il à gagner le cœur des fans et faire vibrer la corde sensible, ou sombrera-t-il dans l'océan de RPG "hommages" qui inonde les boutiques digitales ? Saura-t-il également se démarquer pour attirer un public plus jeune qui n'aura pas la même fibre nostalgique ?
Constance veille
L'histoire débute lorsque des carcasses, d'étranges créatures mécaniques jusque-là endormies, émergent en nombre et se mettent à attaquer les habitants de Terra. Dans les alentours de la ville de Constance, Moshang, ayant tout juste terminé son apprentissage à l'académie de magie, est appelé pour se débarrasser de ces gêneurs dont personne ne sait rien et qui dérangent la constance du monde. Peu de temps après, Syl, une jeune Karsak, arrive à Constance pour tenter de retrouver sa famille, après de longues années d'études dans le monde des esprits qui lui ont permis de devenir invoqueuse. Malheureusement, rien ne se passe comme prévu : ses parents sont partis sans mot dire, et une étrange pénurie de cristaux, qui servent d'habitude à alimenter en énergie toute la ville voire le monde entier, rend la situation complexe et incompréhensible pour elle. Sa route croise alors celle de Moshang, qui recherche justement des solutions dans d'anciens livres. Mais les habitants de Terra, habitués à la constance, maître mot qui les pousse à laisser les choses se faire et rester passifs, ne seront souvent d'aucune aide et il leur faudra alors aller à contre-courant pour comprendre les raisons de ces changements.
« Mais je ne me suis pas porté volont… »
Le monde de Terra Memoria est très coloré, et, surtout, il aime jouer avec les clichés du genre. Le jeu bénéficie d'une histoire plaisante à suivre, bien qu'un peu prévisible, mais également d'une narration et d'une écriture de très bonne qualité. La langue française aime jouer sur les mots en employant des figures de style, et Terra Memoria s'en donne à cœur-joie avec brio, jusque dans les descriptions d'objets dans l'inventaire, qu'on lit avec plaisir. Bien que le jeu soit écrit avec beaucoup de second degré, il sait toutefois se montrer sérieux quand il le faut. Il arrive parfois à aborder des sujets graves, comme le handicap, le racisme, ou l'écologie, avec une touche d'humour et à caricaturer des situations renvoyant à notre quotidien. Le jeu est très accessible au plus grand nombre, sans pour autant nous assommer de bons sentiments ou de niaiserie, ni même de clichés ou d'humour décalé comme dans Naheulbeuk.
Au début, on se rend compte de l'absurdité de la situation du monde régi par la Constance à tout prix, le fait qu'il ne faille pas se soucier des causes ou des conséquences de ses actes tant que la Constance règne. Mais nos protagonistes sont loin d'être naïfs, bien qu'ils ne cherchent pas forcément à remettre cela en question directement, ils n'hésitent pas à se poser des questions là où les autres ont tendance à cacher la poussière sous le tapis ou à faire l'autruche. Terra Memoria parvient donc à rester dans la légèreté tout en évitant les poncifs des héros candides. Chacun possède sa propre histoire avant, et la poursuit au cours de l'aventure pour atteindre l'un de ses buts. Les personnages discutent entre eux au camp entre deux passages d'histoire, et n'hésitent pas à intervenir durant les conversations des quêtes, ou à se manifester lorsque cela les concerne personnellement. Ils sont finalement assez attachants, pour la plupart, même s'ils n'ont pas tous la même importance, et malgré la brièveté du jeu.
Lorsqu'on débute une quête ou qu'on progresse dans l'histoire principale, la mise à jour se fait sur l'écran avec une sorte de carte à points. À chaque objectif atteint, un tampon s'ajoute, et même si on ne peut consulter les objectifs à venir, on peut toutefois en deviner le nombre sur l'image. Dans le journal, toutes les quêtes sont recensées avec ce même aspect, en étant de plus triées par lieu ou région d'origine. En cliquant dessus, on voit également un petit historique de la conversation ayant déclenché la quête (mais pas la totalité, donc il faut suivre), et la récompense que l'on obtiendra. Et c'est tout ! Bien que cela affiche également la carte, il n'y a aucune indication géographique en dehors de celles données par le PNJ. Tout comme c'est le cas pour la quête principale, il faudra donc se débrouiller par soi-même pour trouver notre chemin et atteindre nos objectifs. Et bien souvent, l'objectif n'est pas fait pour être atteint tout de suite. Il est rare de compléter une quête dans la foulée, il faudra souvent progresser dans l'histoire et explorer d'autres lieux pour tomber, plus ou moins par hasard, sur l'objet de nos recherches. Mais comme le monde et l'exploration sont plutôt linéaires, cela n'est pas vraiment un problème, on finit tôt ou tard par trouver. Il y a tout de même certaines quêtes qui se veulent très énigmatiques et qui sont accomplies parfois à notre insu, jouant clairement sur les mots ou faisant référence à la pop-culture (easter eggs).
Les quêtes restent assez bien intégrées à l'histoire et on n'a pas l'impression de devoir accomplir les 12 travaux d'Hercule dans l'urgence de sauver le monde. Certaines discussions peuvent conduire à des choix, la plupart du temps, simplement des options de discussion à épuiser, puisqu'elles sont sans conséquence.
« La magie ne sert à rien »
L'introduction avec Moshang est l'occasion pour le jeu d'introduire quelques mécaniques, comme la fabrication et la construction sur lesquelles nous reviendrons plus tard, ainsi que le combat. Au départ, il nous est expliqué que les compétences sont réparties entre six éléments, plus un regroupant toutes les caractéristiques des autres. Les ennemis sont sensibles à deux éléments (visibles sur l'écran de combat), et possèdent une valeur de bouclier, qui les protège de tous les autres éléments en réduisant leurs dégâts. Les combats se déroulent au tour par tour sur un écran dédié, la vitesse des personnages et ennemis définissant l'ordre d'action. Celui-ci est matérialisé par une "timeline", une frise en bas de l'écran qui peut aisément faire penser à celle que l'on trouve dans Grandia ou Child of Light. Sur cette frise, les acteurs du combat apparaissent chacun sur un pilier qui représente un tour. Nous appellerons ici "cycle" le temps passé entre deux actions d'un même personnage. Toutes les compétences indiquent un nombre de tour après lequel le personnage pourra agir de nouveau au prochain cycle, plus ou moins rapidement. Les ennemis ne dérogent pas à la règle, mais peuvent bénéficier de compétences qui avancent leur action, ou qui retarde celle d'un personnage, etc. Il ne peut pas y avoir deux personnages sur le même tour ; si une action est censée vous envoyer sur un tour déjà occupé de la timeline, cela reculera l'action d'un tour, mais cela peut se cumuler : si plusieurs tours à la suite sont occupés, cela repoussera l'action suivante du personnage au prochain emplacement vide.
Le temps s'écoule assez rapidement entre les actions de deux combattants, même si les actions ne semblent pas s'enchaîner sur la frise, il n'y a donc pas vraiment de temps mort. De plus, on peut maintenir une touche durant le combat pour accélérer les animations.
Dans Terra Memoria, les compétences sont exclusivement des magies. Il n'y a pas de combattant au corps-à-corps. Par contre, il n'y a aucune ressource comme la mana, les points de compétence, etc. Les sorts peuvent donc être utilisés sans limitation, tant que le personnage est en vie. On doit toujours jouer sur les éléments et les faiblesses pour aller au plus vite ou au plus efficace. Les ennemis sont généralement par groupes de deux ou trois, en dehors des boss. Les compétences que l'on fait peuvent soit toucher une cible unique, soit tout le groupe ennemi. La puissance d'une attaque est indiquée sur celle-ci, même si on ne sait pas vraiment à quoi le chiffre indiqué renvoie, il devient une référence de comparatif entre les différentes magies disponibles. Généralement, les attaques à cible unique sont (beaucoup) plus puissantes, mais elles renvoient plus loin sur la timeline. Pourtant, les autres magies ne sont pas à jeter, et seront même d'une utilité cruciale au cours du jeu, et ce pour plusieurs raisons. Par contre, il n'y a pas de description sur les magies, et on apprend sur le tas à quoi correspondent les éléments, et notamment les soins.
Tout d'abord, il faut prendre en compte la faiblesse qui va détruire le bouclier de l'adversaire. En effet, si cela a pour effet de le rendre vulnérable à tout élément, ce n'est pas là son seul intérêt. Lorsqu'un adversaire voit son bouclier détruit, sa prochaine action est repoussée tout au bout de la timeline, ce qui permet donc de l'empêcher d'agir. Toutefois, les adversaires "impatients" peuvent tout de même repasser devant grâce à certaines compétences. Leur bouclier est restitué après un certain nombre de tours au cours du cycle. Les ennemis normaux ne disposent que d'un bouclier à trois charges, tandis que les boss peuvent en avoir plus. Exploiter une faiblesse de l'adversaire retire deux points de bouclier, tandis qu'utiliser tout autre élément n'en retire qu'un. Tous les monstres affrontés en combat possèdent rarement une faiblesse commune, mais l'objectif étant de briser le bouclier de chacun le plus vite possible pour gagner l'avantage, les magies à cibles multiples sont les plus efficaces pour en venir à bout.
C'est une fois que l'ennemi est mis en état de vulnérabilité qu'on va tenter de le vaincre le plus rapidement possible grâce, notamment, aux magies à cible unique auxquelles il n'était pas sensible au préalable. On notera d'ailleurs qu'on ne tue pas les ennemis, mais on leur fait mordre la poussière, ce qui n'a aucun impact scénaristique, mais rend le jeu plus adapté à un jeune public.
On a au cours de l'aventure trois personnages fixes au combat. Chaque personnage possède jusqu'à quatre magies simultanément en combat, mais il peut en apprendre jusqu'à huit qui lui sont propres. Les magies sont débloquées en explorant le monde et en résolvant de petites énigmes, différentes pour chaque personnage, au fil de l'aventure. Les magies apparaissent par groupe de deux dans le profil du personnage, et une fois qu'on a débloqué les deux magies d'un même groupe, on doit sélectionner celle qui sera utilisable au combat. Les deux peuvent être en tout point différentes, sans rapport, c'est juste un choix purement stratégique qui dépend des préférences du joueur.
Il faut savoir qu'un personnage dont la santé tombe à 0 ne meurt pas réellement, tout comme les ennemis lorsque l'on brise leur bouclier, le personnage revient à la vie automatiquement au bout d'un certain nombre de tours (un cycle plus tard), avec un quart de ses points de vie, mais il agit alors tout de suite. Ce système va de pair avec le fait qu'il n'y ait aucune compétence active de support hormis les soins. Ces derniers peuvent également retirer la majorité des altérations d'état, ce qui est souvent indispensable.
Jusque là, le principe paraît plutôt simple et banal, mais c'est sans compter les trois autres personnages qui nous accompagnent en cours de route. Il ne s'agit aucunement de combattants, vous n'aurez donc pas la possibilité de changer l'équipe principale des attaquants. Par contre, ce sont des soutiens indispensables et uniques qui ajoutent une dimension stratégique évidente, un poil aléatoire pour certaines raisons.
Chambard constant
En combat, chacun de ces trois compagnons peut s'associer à l'un des trois combattants. L'association est aléatoire à chaque combat selon la formation adoptée, mais on peut désactiver dans le menu jusqu'à trois formations, au choix, pour influencer les associations ou en empêcher certaines qui peuvent nous déplaire. Ces compagnons ne vont pas apporter de bonus particulier au personnage auquel il est associé, mais ils vont modifier l'effet de ses magies, selon leurs propres capacités. La modification se fait en plus, et non au détriment, des magies de base du personnage, ce qui permet d'avoir jusqu'à huit actions au choix en combat, au lieu de quatre.
Parmi les effets possibles, il y a celui qui transforme les attaques en soin et les soins en attaques (du 7e élément qui plus est), celui qui transforme les magies à cible unique en magie multi-cibles et inversement (en doublant ou réduisant de moitié la puissance des sorts), et encore de proposer des variantes de la magie dans un autre élément aléatoire.
Chacun des duos est donc formé de manière parfaitement aléatoire au début de combat, mais ils sont clairement visibles durant le combat grâce aux jauges de santé ou sur la timeline. Il est impossible d'interchanger les duos durant un combat, mais dans le cas d'un boss, il est toujours possible d'abandonner et de recommencer pour tenter d'autres associations, après avoir modifié les formations actives par exemple.
Le changement, c'est maintenant
En termes de statistiques, chacun des trois combattants en possède plusieurs : la santé, la puissance et la défense, ces trois caractéristiques augmentant notamment en prenant des niveaux, ainsi que la vitesse. En plus, la puissance de chaque élément peut être individuellement améliorée (ou diminuée), grâce aux badges que l'on équipe, ce qui est directement comptabilisé dans la valeur de puissance des magies.
Les affrontements rapportent de l'expérience et quelques butins, mais l'expérience accumulée n'est consommée que lorsque l'on se repose au camp (aux endroits prévus à cet effet) ou dans une auberge. On peut voir la jauge d'expérience dans le profil des personnages (seuls les trois combattants sont concernés), et une fois la limite du niveau atteint, il faudra donc aller se reposer pour prendre un ou plusieurs niveaux. En effet, même une fois la jauge d'expérience d'un niveau remplie, elle continue de s'accumuler, et on peut souvent prendre 3 ou 4 niveaux d'un coup. Les ennemis sont par ailleurs assez généreux en expérience. Comme mentionné précédemment, monter en niveau augmente la santé maximale, la puissance et la défense, le reste des caractéristiques n'étant influencé que par l'équipement des badges.
Lorsqu'on se repose, et une fois l'expérience dépensée, on accède au menu de campement qui nous permet de cuisiner, forger des badges, fabriquer des objets (pour une quête), et accéder au menu des personnages. La forge est simple à utiliser, mais présente néanmoins un défaut : il est impossible de savoir ce qu'on a déjà fabriqué ou non, ou même ce qu'on possède dans l'inventaire. Pourtant, c'est un détail qui est bien présent lorsqu'on achète des ingrédients de cuisine au marchand.
En dehors de la cuisine qui n'est possible qu'à cet instant ou dans quelques lieux précis, le reste est accessible en dehors de ce menu, ce qui nous permet d'aller et venir sans forcément avoir besoin de camper. La cuisine est un outil pratique et un petit mini-jeu de rythme sans complexité. Chaque recette augmente les points de vie maximum des combattants de manière permanente, et ne peut être préparée qu'une seule fois. Il existe beaucoup de recettes, et au vu du prix des ingrédients, il n'est pas forcément évident de toutes les préparer, mais ce n'est pas forcément nécessaire pour terminer le jeu sans trop de mal. À noter que les recettes de cuisine et de forge débloquées sont consultables depuis le menu principal, même en dehors du campement.
Les badges sont les seuls et uniques équipements possibles des personnages combattants, qui peuvent chacun en porter jusqu'à trois. On est bien sûr totalement libre dans leur choix, bien que cela dépende avant tout de la progression dans l'histoire et l'exploration. On en obtient quelques-uns, uniques, dans des coffres, mais la plupart doivent être fabriqués à la forge. Des recettes sont obtenues dans chaque nouvelle région visitée, lorsqu'on récupère une page de guide, dont nous parlerons plus bas. Les recettes requièrent quelques matériaux, butin de monstre, produit à ramasser ou matériau brut à acheter, et peuvent offrir de nombreux effets de statistiques. Bien entendu, plus on progresse dans le jeu, plus leur effet est grand, augmentant davantage les éléments ou la vitesse. Enfin, toute caractéristique est améliorable, sauf la santé qui ne peut être améliorée ainsi. On choisit les badges équipés en fonction des éléments de magies que l'on utilise (lorsqu'on a le choix), mais les trois combattants ont chacun leurs qualités et affinités élémentaires, il est donc possible de les renforcer dans leurs spécialités, ou au contraire s'orienter davantage sur une stratégie exploitant des duos spécifiques. D'ailleurs, l'inventaire et l'onglet d'équipement disposent d'onglets qui permettent de filtrer les badges selon l'une de leurs caractéristiques au choix, ce qui est plutôt pratique, même si on ne peut pas faire de recherche personnalisée avec plusieurs types ou éléments.
Terra (in)cognita
L'exploration dans Terra Memoria est des plus classiques et linéaires, puisqu'elle ne peut progresser qu'au fil de l'histoire. La carte du monde est visible dès le début, mais certains éléments, comme les campements, les gares (qui permettent plus tard de voyager rapidement d'un point à un autre), et les marchands n'apparaissent qu'une fois qu'on les a trouvés. Il n'y a pas de mini-carte ni de radar, il faudra trouver son chemin par soi-même, ce qui n'est pas vraiment un problème en soi, la plupart des lieux étant assez linéaires. Quelques recoins et chemins bien cachés peuvent renfermer un coffre ou un secret, comme les Spéos qui sont des entrées vers le monde des esprits Karsak. Chacun des Spéos mène au même endroit, et un PNJ qui s'y trouve peut nous indiquer si l'on a manqué quelque chose et nous y envoyer directement.
Les combats ne sont pas aléatoires, les groupes d'ennemis sont représentés par des petits feux follets qui se promènent dans la zone, et entrer en contact avec l'un d'eux déclenche un combat. Il y a parfois des feux follets de couleur rouge, ceux-ci sont simplement des ennemis de type carcasse qui apparaissent aléatoirement et qui rapportent un peu plus d'expérience. Les affrontements sont généralement évitables, même si l'étroitesse des lieux ne permet pas toujours de passer. Mais les combats sont assez rapides et cela ne dérange pas vraiment l'exploration. Par contre, ils réapparaissent très vite après s'être éloignés un peu de leur zone (juste assez pour qu'ils soient hors écran). Un point très intéressant toutefois est qu'entre chaque combat l'équipe récupère la totalité de sa santé, ce qui permet d'enchaîner des affrontements sans risque, même après un combat difficile.
À l'entrée de chaque région se trouve une statue permettant d'obtenir une ou plusieurs pages de guide, de nouvelles recettes de cuisine ou de forge. Le guide est un outil intéressant pour en apprendre plus sur la toile de fond du monde et des différentes zones, découvrir certains secrets ; c'est un peu le Petit Routard de Terra Memoria. Il indique également les produits que l'on peut collecter dans l'environnement ou certains butins uniques de monstres. Mais il est surtout écrit du point de vue des habitants et avec beaucoup d'humour, c'est un vrai plaisir de le feuilleter et d'y ajouter de nouvelles pages.
La collecte de matériaux est principalement utile pour la cuisine et la forge, mais elle peut également servir dans d'autres domaines, comme la construction. Les plantes, fruits, légumes et poissons peuvent être ramassés dans l'environnement et réapparaissent aussi très vite. Si Terra Memoria propose quelques fois des mini-jeux de construction pour les besoins de l'histoire, comme créer une barricade ou déplacer des rails pour relier la voie d'un bout à l'autre, vous aurez aussi également tout un village à fonder, avec la possibilité de recruter des habitants, répondre à leurs demandes en créant le ou les bâtiments dont ils ont besoin, et tout cela de manière assez libre sur une zone plutôt large. C'est vous qui choisissez comment vous agencez le village, les seules conditions à respecter sont de placer les habitants aux bons endroits pour que leurs requêtes soient prises en compte. Le principe est très sympathique, mais reste purement optionnel, rien ne vous oblige à vous y consacrer si vous n'aimez pas cela. Du point de vue technique, on note que la sélection d'un élément sur le quadrillage n'est pas toujours évidente à la manette, le mouvement perçu étant parfois un peu trop rapide ou imprécis. On regrettera aussi que bien que ce village soit important pour nos compagnons, et malgré les apparences de départ, il n'est pas possible d'y camper et d'y cuisiner, ce qui oblige parfois à effectuer des allers-retours. D'ailleurs, il est aussi dommage qu'on ne puisse pas y collecter certains matériaux, malgré les ateliers et lieux de travail qu'on y place, ils ne servent qu'à satisfaire les requêtes de PNJ et, finalement, à décorer.
Les matériaux de construction et la plupart des ingrédients de cuisine doivent être achetés chez des marchands. La petite particularité du jeu, lorsqu'on fait des emplettes, est que l'on choisit les produits que l'on souhaite acheter et vendre ainsi que la quantité, le calcul du montant d'argent qu'il nous reste après l'achat est fait en direct. Sans s'en apercevoir, on peut facilement partir sans confirmer, ce qui annule l'achat.
De plus en plus d'ingrédients sont vendus au fil de l'aventure, à des prix toujours plus élevés que les précédents. L'argent peut représenter un sérieux problème au début et à la moitié du jeu, surtout quand on cherche à construire son village. Il y a plusieurs sources de revenus possibles : en vendant des badges, en trouvant des coffres ou en accomplissant des quêtes. Vendre les badges est le plus simple, bien que cela requiert un peu de farming, et n’est pas accessible dès le début. D'ailleurs, comme il n'y a pas de bestiaire en jeu, il va falloir se souvenir où obtenir tel ou tel objet, ce qui n'est pas toujours évident. Cela dit, comme il n'y a pas une très grande variété de monstres (chaque région possède trois ou quatre monstres distincts, chacun avec sa variante élémentaire), on finit par s'y retrouver. Les monstres ne donnent pas d'argent (ou très peu), et même si certains matériaux valent leur pesant d'or, les badges sont souvent plus rentables.
« C'est trop cristal ! »
Tout ceci ne serait probablement pas pareil si Terra Memoria ne bénéficiait pas de ses graphismes et de son identité visuelle. Il peut aisément rappeler à certains le fameux Grandia, ou encore plus proche visuellement, Breath of Fire 3 et 4 grâce aux sprites de personnages en 2D dans un univers en 3D, la caméra (fixe) en vue de 3/4, les couleurs pastel, les habitants anthropomorphes (rhinocéros, tortue, renard, paresseux, hyène)… Tout ceci rend vraiment bien et on peut dire que l'effet recherché du jeu de nous replonger dans les RPGs des années 90… est réussi.
La Moutarde n'a pas choisi la facilité pour autant : comme c'est le cas de nombreux petits RPGs hommages qui reprennent des graphismes à la RPG Maker, nous avons là un jeu aux graphismes lisses et modernes, avec une police de caractère agréable à lire (quoiqu'un peu petite), qui apparaît d'ailleurs dans des bulles de discussion dynamiques qui mettent en valeur les émotions des personnages et PNJs. Ils ont d'ailleurs des sprites détaillés (pas en super-deformed) assez beaux, malgré le pixel-art, qui ne dénote pourtant pas avec les environnements.
La musique, composée par l'artiste Yponeko, correspond bien au jeu. Pas de musique orchestrale, mais des instruments acoustiques pour des mélodies plus courtes, qui s'étoffent de plus de sons et de notes à mesure que la situation progresse. Les musiques ont parfois des boucles plutôt courtes qui tendent à s'allonger avec l'histoire.
Les textes du jeu sont bien entendu disponibles en français, entre autres, et il n'y a pas de doublage. Les paramètres permettent de modifier le volume des bruitages des bulles, et la plupart des bandes sonores de manière individuelle. On peut activer la course automatique pour plus de confort (les déplacements se font exclusivement à pied, en dehors des voyages rapides). Il n'y a pas de paramètre de difficulté.
De ce point de vue, le début du jeu est d'une simplicité enfantine. Jusqu'à ce qu'on débloque le troisième combattant, on a quasiment jamais besoin de se soigner, les ennemis ont moins de bouclier, prennent beaucoup de dégâts et le combat se plie souvent en un tour. Mais c'est ensuite que cela se corse un peu. Les ennemis commencent soudain à avoir des compétences qui peuvent être dérangeantes ou nous mettre en difficulté, ils frappent plus fort et peuvent enlever jusqu'aux deux tiers de la santé en un coup, et ont plus de points de vie ou une résistance supplémentaire qu'il faut briser avec le bouclier. Même si les combats ne durent pas beaucoup plus longtemps, il va peut-être falloir faire un peu de level up par moments pour éviter de trop souffrir en combat. Cela dit, comme mentionné précédemment, les ennemis sont plutôt généreux en expérience et cela va assez vite. Le pic de difficulté se comble aussi petit à petit en débloquant de nouveaux sorts, et donc en progressant dans l'exploration et l'histoire. La difficulté est un peu en dents de scie lorsqu'on quitte une zone pour arriver dans une nouvelle, mais il n'y a rien d'insurmontable, et il reste très accessible au plus grand nombre. Les boss à affronter sont généralement plus résistants et possèdent plus de points de vie et de boucliers, et il est souvent nécessaire d'adopter une stratégie spécifique pour s'en sortir au mieux, mais ils sont plutôt rapides à vaincre, surtout si on a quelques niveaux d'avance.
De toute façon, le jeu bénéficie d'une sauvegarde automatique régulière, et perdre un combat n'a aucune conséquence négative, vous reprenez juste avant le combat, ou en tout cas à la dernière sauvegarde.
L'aventure propose plusieurs mini-jeux et énigmes pour débloquer notamment de nouvelles magies. Ceux-ci sont assez faciles à prendre en main et rapides à accomplir, avec une difficulté croissante au fil du jeu, mais aucun ne nous bloque complètement la progression.
L'histoire se complète en moins de 25 heures. Les quêtes non terminées peuvent l'être après la fin du jeu sans problème, et une quête post-ending permet d'assister à une conclusion de l'histoire de chacun des protagonistes. Il faut savoir que le jeu n'a quasiment aucun temps de chargement, les zones étant toutes reliées naturellement entre elles. Les seuls écrans de chargement sont lors d'une mort au combat, ou d'un voyage rapide en train, et ne durent qu'une paire de secondes tout au plus. On note, à la version du jeu à sa sortie, quelques petits plantages occasionnels pendant ces chargements qui nécessitent de relancer le jeu, et un bug sur une ou deux quêtes (ou leur PNJ), mais les correctifs sont déjà prévus ou en cours de déploiement. D'ailleurs, une option permet une téléportation d'urgence en cas de blocage dans le décor, ce qui peut arriver de temps en temps... Il fallait y penser ! Par contre, le jeu ne permet qu'une seule sauvegarde à la fois, si vous souhaitez recommencer une partie, il faudra soit effacer la précédente, soit jouer avec un autre profil (sur console du moins). C'est un peu dommage, mais le jeu n'a pas non plus une très grande rejouabilité.
Conclusion
Terra Memoria est un petit jeu extrêmement sympathique qui ravira petits et grands, mais aussi anciens et jeunes joueurs de RPG. Il possède tous les codes du J-RPG standard, une identité visuelle unique pour l'époque tout en rappelant avec plaisir de grands classiques. Son système de combat brille par son originalité et sa simplicité, ce qui le rend très accessible au plus grand nombre, tout en possédant assez de latitude pour personnaliser son expérience selon ses préférences. Il n'est pas exempt de défauts, comme par exemple une durée de vie un peu courte, des combats qui peuvent être répétitifs à la longue, une difficulté en dents de scie, mais quand même relativement faible. Mais son histoire et ses personnages attachants nous offrent une histoire intéressante et originale, qui valent le coup d'être vécus.
Jeu testé à la sortie, sur Xbox Series S et sur PS5.