Attention : contrairement à ce que vous pourrez lire ici et là, Daggerfall n'est pas la préquelle de Morrowind et d'Oblivion. A vrai dire, s'ils ne partageaient pas vaguement le même univers (Tamriel) et n'affichaient pas la mention "jeu de rôle" sur leur boîte respective, ils n'auraient même rien à voir.
Épisode mutant, accident de parcours d'une série très honorable mais qui n'en finit pas de vouloir l'oublier, Daggerfall témoigne d'une vision totalement différente du jeu de rôle. Du jeu tout court en fait. Là où Morrowind, Oblivion, et 99% de la production vidéoludique louchent ouvertement du côté du cinéma, de l'expérience trépidante et forte en émotions d'un show façon grand huit, Daggerfall est un vrai bac à sable, au sens le plus aride du terme. Au sens d'un désert où cultiver ses mirages.
Et ne comptez pas sur des quêtes secondaires (aléatoires) ou même principale (mal foutue) pour pallier à votre déficit d'imagination. Ici, c'est à vous de faire le boulot. Vous êtes largué dans un univers où les villes se comptent en milliers, où il existe une douzaine de guildes différentes, et où on peut porter (rendez vous compte) sa cape de plusieurs façons : ces outils, a priori vides de sens, il faut s'en emparer, s'y projeter, pour écrire son aventure sur le livre vierge que nous tend Bethesda.
Outre ses bugs, le seul point sur lequel il est, d'un point de vue ludique, complètement indéfendable, ce sont ses donjons. Prévoyez vos meilleurs cheat-codes pour vous en débarrasser rapidement, sous peine de devenir vite fou. D'autres lui reprocheront sa monotonie : alors oui, toutes ces villes, tous ces donjons, tous ces PNJs se ressemblent. Mais ça tombe bien, dans Daggerfall, comme dans la vraie vie, vous ne verrez pas tout. Autour de vous, le monde existe, grouille de vie et d'opportunités, et vous pourrez même le visiter pour vous en assurer. Mais à quoi bon? L'important est de savoir qu'il existe. Et que, tant qu'on l'apercevra du coin de l'oeil, l'illusion fonctionnera. Seulement, si ce n'est pas là le coeur du jeu, c'est là le grand malentendu : contrairement à Morrowind et Oblivion, Daggerfall n'est surtout pas un jeu d'exploration. C'est une expérience bizarre qui a échappé à ses créateurs, une page blanche où consigner une vie fantasmée, le miroir déformant de votre psyché malade. Quelle image vous renverra-t-il? Tout dépendra de l'investissement que vous y consentirez.
10/10 non pour ses qualités ludiques discutables, mais pour l'expérience qu'il nous offre. Daggerfall est l'opus fondateur d'un genre orphelin qui reste à réinventer, entre cahier de dessin, projection mentale et jeu vidéo.
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