J'ai le sentiment que cette année a été l'une des plus pauvres qu'il m'ait été donné de voir ces dernières décennies en termes de qualité de la production vidéoludique. Entre les FPS déprimants aux qualités discutables, les remakes médiocres d'idées pourtant réussies la première fois ou même la plupart des titre intergénérationnels censés marquer l'avènement des nouvelles consoles; autant l'admettre : 2014 n'a pas été l'année de toutes les inventions. Au mieux ce fut celle des resucées. Un fait dont The Evil Within semble parfaitement conscient car il se contente d'être une exploration un brin désuète des contributions de Shinji Mikami au monde du Survival Horror. Et cela suffit à en faire l'un des meilleurs titres de l'année.
L'on parle souvent à notre époque d'hommages. Ce que l'on sous-entend souvent par cette appellation peut être mieux résumé sous le terme de "plagiat assumé". La plupart des titres qui sortent actuellement - et cela qu'ils soient indés ou pas - se veulent être un hommage à l'un ou l'autre titre dont on nous assure que décidément ils ont bercé l'enfance des créateurs concernés. Et eux, dans leur infinie mansuétude, ont décidé d'y voler des idées afin de pouvoir dynamiser leur jeu en flash où un homme doté d'une salopette brise des briques avec sa tête. Ici les créateurs réunis autour de Shinji Mikami pour réaliser The Evil Within n'ont même pas à feindre une forme de sympathie pour leurs ancêtres afin de justifier ses emprunts car ils font partie des équipes qui ont inventé ces mécanismes à l'époque. C'est aussi ça la force du talent utilisé de manière dynastique : l'on peut raffiner des idées si l'on passe plus d'une décennie à travailler dessus. Et l'équipe de Mikami - menée par Masato Kimura et Shigenori Nishikawa - peut se targuer d'avoir passé plus de dix ans à épauler le maître dans ses efforts inventifs. Vous savez, ceux qui ont été repiqués par l'Amérique pour vous donner les vulgaires murets de Gears of War.
The Evil Within ne cherche donc pas à réinventer la roue mais juste à l'adapter aux essieux d'aujourd'hui.
Vous y incarnez un policier un peu paumé plongé au milieu d'une situation proche d'Ubik dont chaque instant étrange l'amènera plus près d'une réponse dont il n'est pas certain de vouloir savoir les détails. Une idée simple, exécutée de main de maître par une équipe qui - malgré le fait d'avoir été réunie pour le compte d'une nouvelle compagnie - comporte une bonne partie des talents responsables de Vanquish, Resident Evil 4 et la plupart des titres réussis sortis sur le sujet. Manette en main le titre s'avère être un mélange méthodique des aventures de Leon S. Kennedy et d'une partie des systèmes de gameplay de The Last of Us. Juste de ceux qui font sens, d'ailleurs. Mikami profite de ses emprunts pour offrir des compétences furtives à son protagoniste l'armant ainsi de deux manière complémentaires de survivre à l'horreur. Un petit changement qui semble anodin mais qui donne un rythme tout particulier à un titre que l'on pensait familier.
The Evil Within n'est pas un jeu pour sales gosses surexcités. Ils auront à peine le temps de se plaindre de l'arsenal qu'ils se feront décapiter une demi-douzaine de fois par des massacreurs à la tronçonneuse des plus acérées. Et c'est une bonne chose; d'ailleurs. Un titre comme celui-ci nécessite d'être lent, méthodique, calculateur. Vous y réserverez l'adrénaline aux rares moments où vous devrez fuir. Le reste du temps vous devrez garder le contrôle d'une situation constamment en train de se détériorer en votre défaveur. C'est, pour faire simple, un retour aux sources du Survival Horror réalisé par l'homme qui a inventé le genre. L'on s'y sent tour à tour proie et chasseur plongé dans son univers aux règles incertaines rendu possible par une série d'artifices narratifs qui sans être très frais n'ont jamais été utilisés avec autant d'efficacité qu'ici. Certains - réfractaires ou juste trop peu sensibles pour comprendre son atmosphère - utiliseront ses quelques petites scories techniques comme une excuse toute trouvée pour éviter d'y jouer. Ce n'est pas grave, d'ailleurs, je vous avais prévenu que ce jeu n'incluait pas le cerveau nécessaire à y jouer.