Quand on joue à The Last Guardian, on se rend compte de plusieurs choses:
-d'abord, que Fumito Ueda est fou.
-ensuite, que évidemment, ce jeu ne POUVAIT PAS sortir comme initialement prévu, sur ps3
-enfin, qu'un jeu vidéo peut être bien plus qu'un simple jeu.
The Last Guardian est un concept, une aventure extraordinaire qui a germé dans le cerveau sans limites de Fumito Ueda, responsable du poétique Ico, et de sa suite spirituelle Shadow of the Colossus (qui reste à ce jour le jeu le plus épique jamais créé).
The Last Guardian, c'est une aventure fabuleuse, et magnifique. Une des aventures les plus émouvantes qu'il m'ait été donné de vivre en presque 35 ans de jeu vidéo. A bien y réfléchir, seul Nier (Gestalt) a su me marquer autant.
The Last Guardian, c'est l'histoire d'amitié entre Trico l’improbable animal mythologique et un garçon, L'histoire aussi de leur fuite en avant dans un monde en ruine fait de pierre et de bois.
Dans The Last Guardian, c’est la simplicité et le minimalisme qui prévalent. Pas de hud, pas d’indications, et presque pas de musique (excepté à des moments bien choisis qui font mouche).
Il est étonnant, et salvateur, de voir combien certains créatifs n’ont cure des impératifs marketing imposés quasi-systématiquement dans le processus de création d’un jeu vidéo.
Fumito Ueda a un univers dans sa tête, et il fait tout pour le retranscrire tel quel, sans aucun filtre, et puis tant pis si ca ne se vend pas. Ce qui fait de The Last Guardian un jeu tout simplement impossible, qui d’ailleurs a bien failli ne jamais voir le jour.
Et on comprend pourquoi.
Car en vérité, souvent décrié pour son framerate instable et souffreteux (ce qui est vrai), The Last Guardian est une prouesse technique.
Les graphismes sont somptueux, avec des textures très fines et détaillées. Le rendu dessin animé du garçon se marie étonnement à la perfection avec le photoréalisme de l'environnement et de Trico. Les effets de lumière, et l’éclairage de façon générale, sont sublimes. Il faut voir la lumière dessiner la silhouette de Trico, le vent s’engouffrer dans ses plumes, le lierre à la surface de la pierre onduler feuille par feuille sous la brise...tout ça quasiment sans AUCUN aliasing ni clipping ni popping. La performance mérite d’être mise en lumière.
Mais le véritable tour de force de ce jeu est bien évidemment Trico. Il suffit d’admirer la bête géante se mouvoir avec grâce et délicatesse dans ces dédales de pierre parfois très confinés, pour se rendre compte du travail CONSIDERABLE qu’il a du demander.
Trico se meut avec aisance dans ce monde en ruine, et PAS UN SEUL bug ne vient entacher le spectacle.
Rendez-vous compte : confiez le développement de ce jeu à une équipe lamba, et c’est l’assurance d’une catastrophe buggée, et injouable.
Quand on voit que la plupart des jeux qui mettent en scène une ia en guise de compagnon de route - ia souvent de taille et de forme humanoïde tout a fait classique- se vautrent dans une mélasse de bugs de pathfinding ou de collisions ou encore de clipping dégueulasse lui faisant passer les membres à travers les murs, on comprend que The Last Guardian est une putin de tuerie technique.
Et ça il faut le rappeler, parce que, dans sa simplicité, le jeu est très modeste. Il ne vous fera jamais de flan-flan pour mettre en avant sa prouesse technique, au contraire, il l’a rendra le plus discrète possible, pour que vous puissiez vous immerger dans l’aventure sans jamais vous dire « je suis dans un jeu vidéo ».
Vous voici alors aux commandes du garçon, crapahutant dans ce monde étrange en compagnie de Trico, grimpant sur son dos, lui donnant des ordres, ou attendant qu’il se meuve de sa propre initiative, le tout de façon complètement naturelle.
Et Fumito Ueda à réussi son pari avant même que vous vous en aperceviez, car vous vous êtes attaché à la bête.
La curiosité ludique des premières minutes se transforme rapidement en un échange naturel et intuitif. Vous n’êtes pas seul. Et c’est bien à deux que vous parcourez ce monde.
The Last Guardian est de loin le jeu le plus ambitieux auquel j’ai jamais joué.
Une ambition bien trop grande pour une simple ps3, tout juste viable sur une ps4, et qui, admettons-le, serait bien plus à son aise sur la prochaine gen.
Ce n’est pas le framerate faiblard qui m’a dérangé. Oui, on tourne plus autour des 20/25 fps que des 30, oui il y a parfois des ralentissements, mais tout cela ne nuit en rien au plaisir de jeu (j'ai joué sur ps4 normale).
Ce qui lui nuit, par contre, c’est deux choses :
-la caméra flottante, à la forte intertie, et souvent complètement aux fraises.
-le gameplay du garçon, flottant lui aussi, et à la physique parfois totalement pétée.
Et oui ces défauts grèvent un tant l’expérience de jeu.
J’ai d’ailleurs longuement hésité avant de noter le jeu. Hésité entre 9 et 10. Oui le jeu est fabuleux, il vaut son 10, largement. Mais oui, les problèmes cités plus haut érodent notre plaisir et objectivement le font redescendre à 9.
Mais je vais vous faire une confidence : ma note, The Last Guardian s’en fiche. La mienne comme la vôtre d’ailleurs. Il n’en a que faire.
The Last Guardian n’est pas un jeu qu’on note, ni qu’on raconte. C’est un jeu qu’on vit, point.
Tel l'autiste profond dont on ne voit au premier abord que le triste handicap, et qui l'instant d'après nous subjugue par son inexplicable et divin don pour le dessin, la musique ou les maths, The Last Guardian déploie ses ailes et survole l’industrie vidéo-ludique. Il ne lit pas les critiques, ça ne l’intéresse pas. Lui, tout ce qu’il aime, c’est rêver.
Et ce rêve là, il vous offre l’opportunité de le vivre. Mais c’est à vous de faire l’effort.
Beaucoup de joueurs ont déploré le caractère aléatoire de Trico. Mais ceux-là n’ont rien compris. Ils se sont cru dans un jeu vidéo, avec un héro que l’on dirige d’un point A à un point B. Les imbéciles.
Il n’ont pas remarqué qu’ils étaient accompagnés d’un animal. L’observation de Trico fait partie intégrale du gameplay. La bête réagit au monde qui vous entoure, et souvent vous donne le tempo, ou la direction. Vous allez l’aider autant qu’il va vous aider. Et vous vivrez, ensemble, une aventure inoubliable, au sein d'environnements hypnotiques au gigantisme parfois étourdissant, et certaines scènes incroyables vous absorberont comme rarement vous ne l'avez été.
C’est la 1ere fois que j’ai l’impression de vivre un dessin-animé. La 1ere fois aussi que je pleure devant un jeu. Vous pouvez vous moquez ça me fait une belle jambe.
C’est mon jeu de l’année. Ce n’est pas mon jeu préféré mais c’est une somptueuse et inoubliable aventure.
Maintenant...je me pose une question...une question à laquelle je ne trouve pas de réponse….une question qui taraude mon esprit et titille ma logique… : qu’attendez-vous pour acheter une ps4 avec The Last Guardian ??