Savez-vous berner les foules ?
Une chose me frappe après avoir joué -si l'on peut dire...- à The Last Of Us, c'est le bon accueil critique que ce jeu a reçu : des notes au max ou presque, des qualificatifs louangeurs à n'en plus finir dans lesquels les auteurs noient quelques griefs qu'ils s'empressent aussitôt de relativiser.
C'est un cas exemplaire, parce qu'il s'agit là d'une des plus grosses sorties de ces derniers mois, et qu'il y a un écart manifeste entre la qualité relatée par nos amis critiques et la qualité réelle du jeu, mais il est très révélateur de ce qui explique à mon sens la faible qualité des productions vidéos ludiques. Les critiques de jeu vidéos sont soit des lèches-culs compulsifs, soit des vilains corrompus rémunérés au noir par les studios, et la qualité de la production pâtit de leur approche critique héritée, c'est le plus probable, de leurs longues années de fayotage en classe.
Mais revenons-en à cet exemplaire ratage qu'est The Last Of Us.
Dès l'introduction, Naughty Dog place le joueur dans une situation hybride, quelque part entre simple spectateur et réalisateur du blockbuster. D'un point de vue cinématographique, c'est assez réussi : les environnements très réussis foisonnent d'actions, les mouvements de foules et autres effets pyrotechniques sont réussis. Le joueur, lui, en est réduit à attendre de pouvoir passer à l'action. Tout ces beaux zombies, ça donne des fourmis à la gâchette.
Et là, première mauvaise surprise : nous n'aurons pas droit de participer à cette première nuit de zombification. L'histoire fait un bond de 20 ans dans le futur -on appelle ça une ellipse quand on se prend pour un auteur-, et nous retrouvons notre "héros" -Drake en poivre et sel- aux prises avec de méchants voyous on ne peut plus normaux. Vous vouliez affronter des zombies ? Raté ! Vous vouliez jouer cette première nuit de folie où le monde prend une nouvelle tournure ? Raté ! Naughty Dog ne fait pas dans le divertissement bête et méchant, Naughty Dog veut rendre ses joueurs sensibles et philosophes.
Soit. Allons donc étrangler quelques banals thugs pour se mettre en jambe avant d'affronter les morts qui marchent. Découvrons donc le gameplay de ce "chef d'oeuvre".
L'introduction nous avait laissé envisager en ce domaine une certaine facilité d'usage, assez raccord avec le parti pris très cinématographique habituel de ND. Mais il n'en est, bien au contraire, rien. Le personnage se déplace lourdement, sans aucune assistance pour se repérer dans les méandres de couloirs sombres qu'il traverse la plupart du temps en canard. On retrouve un peu le gameplay d'Uncharted, mais en plus pourri : le personnage ne se colle aux murs que quand l'envie lui en prend, ne sait pas se servir de ses oreilles sans s'accroupir (sic!), est incapable de savoir d'où les coups qu'il prend viennent, etc...
Bref, pour donner aux joueurs le sentiment d'être des survivants, ND a fait l'impasse sur tout élément de gameplay de confort : pas de radar de zone, pas de ciblage auto des ennemis en vue, rien de ce que nous ont apporté les deux dernières décennies en matière de jeu d'action. Pour ceux qui ont joué à Uncharted, l'artifice est flagrant : c'est le même gameplay, mais en moins confortable.
Nous voilà donc en face d'un concept étrange : un quasi blockbuster avec un gameplay pensé pour faire chier le joueur autant que c'est possible. Il y a là quelque chose de profondément contradictoire, et, il faut bien le dire, à la longue très agaçant.
S'enchaînent donc les scènes à grand spectacle particulièrement aisées, et les séquences de jeu traditionnelles où la difficulté réside seulement dans les lacunes, voulues, du gameplay. Vous aimez être en mesure de rater un zombie gras comme une vache dans un couloir ? The Last Of Us est fait pour vous ! Vous aimez vous donner mal au coeur en passant votre temps à tourner la caméra dans tous les sens pour savoir où se trouve la suite du tunnel en plein air dans lequel vous êtes pris tel un rat ? The Last Of Us est fait pour vous ! Vous aimez appuyer sur croix pour collecter des objets à l'utilité toute relative dans des environnements superbement modélisés ? The Last Of Us est fait pour vous ! Et le must : vous aimez vous détendre en déplaçant laborieusement des palettes ? The Last Of Us est fait pour vous !
Naughty Dog n'a en réalité pas assumé son choix initial (le film interactif), et propose un jeu mal fichu en annexe de son blockbuster en image de synthèse.
NB : Que quelqu'un fasse savoir aux développeurs de Naughty Dog qu'un être humain n'a pas besoin d'appuyer ses fessiers sur ses talons pour pouvoir se servir de ses oreilles.