Je précise un truc : j’avais jamais joué à The Last of Us avant ce jeu, donc je peux pas juger ses qualités de remake, j’en parle comme de n’importe quel jeu, et croyez-moi, ça vaut mieux pour lui car, chef-d’œuvre ou pas chef-d’œuvre, rien ne justifie de sortir trois putains de fois le même jeu en 10 ans. The Last of Us c’est la saga où y’a moins de jeux que de remaster, et j’adore les ressorties d’anciens jeux, mais y’a des trucs indéfendables.

Quel jeu incroyable. Je connaissais The Last of Us de réputation, je savais que je m’embarquais dans un sacré truc, mais je m’attendais pas à quelque chose d’aussi rafraichissant et maîtrisé. Le jeu est original, bien mis en scène et mémorable. Il m’a mis un grand coup, j’arrivais plus à penser à autre chose dans mes journées, et j’avais une impression quasi constante de dépaysement, tant le jeu à ce côté unique qui le rend justement mémorable. C’est un futur classique, voila tout, et ce car il est juste bourré de professionnalisme et de passion. Je vais tenter de dresser le portrait de tous les trucs très bien vus dans ce jeu, histoire de transmettre cette putain de leçon de gamedesign.

Un aspect prédominant de ce jeu, c’est le côté narratif. Un jeu avec une base aussi solide, ça a tendance à faire un scénario décoratif, sauf que là la narration est sûrement la meilleure chose du jeu. Ce qui m’a surpris, c’est que je pensais vraiment jouer à un jeu de zombie avec TLOU, hors au final, les trois quarts de nos adversaires sont des humains. Et puis je m’attendais aussi à un lore puissant sur les conséquences mondiales de la pandémie, sur l’organisation de la Société, sur le monde post-apocalyptique qu’on explore, et pourtant le jeu restera très vague. On pourrait se sentir trahi, et voir ça comme un manque (franchement je trouve effectivement que ça manque de lore), mais le jeu à un propos très riche, très loin de tout ça. On parle pas de zombies, ou du monde, on parle d’humains, de comment font les humains dans cette situation, le vrai propos est là. La fille du héros ne meurt pas sous les crocs d’un infecté, mais sous les tirs d’un putain de soldat (pas de spoil on voit ça en 30 min de jeu). On trouve un peu de tendresse et de belles rencontres, m’enfin ce qu’on retiendra, c’est les vis, les morts, les meurtres, les injustices, la solitude. Dans l’anarchie, tout le monde devient fou et perd ses valeurs et son humanité, avec seulement des actions instinctives : l’Homme vaut pas beaucoup plus qu’un zombie dans ce jeu, si ce n’est qu’il a la raison, donc il a de quoi être bien pire. Et nos personnages, ce sont pas des héros, ils vont pas ramener la paix dans le monde. On incarne des survivants, comme les autres, à la différence qu’on lutte moins contre la mort et la pauvreté que contre la solitude. A ce titre, on a des persos moralement gris, et tourmentés. Ca et les dialogues juste exceptionnels font qu’on s’attache et qu’on s’implique : on vit cette histoire passionnante autant avec les personnages que pour eux, on a une implication émotionnelle très forte et dont le jeu va abuser avec des instants extrêmement émouvants. Oui, c’est un homme meurtri qui écrit ce texte, et ça lui va, parce que c’était bien.

Mais le narratif est faible sans une bonne DA pour le prendre par la main, et ici, elle vaut son pesant de champignons (le cordyceps, tout ça…). On a dans les villes, dans les repères d’infectés, un peu partout une grande place donnée à la végétation et à l’organique. Le monde nous crie que la nature a repris ses droits sur la Société, dans tous les sens du terme. On a des décors somptueux et immersifs, et une lumière admirablement gérée qui habille à la perfection chaque scène du jeu pour lui donner plus de force. La lumière dans un jeu, c’est typiquement le genre de truc que je vois pas, mais là, je pouvais pas ne pas la voir. Et pour l’aspect purement graphique, c’est évident qu’on a affaire à une réédition, le jeu tape les rétines, et on sent que la puissance de la console est bien employée. En même temps pour un remake de remaster j’espère bien que ça en jette, mais il faut pas en parler, c’est vrai, pardon.

L’univers sonore de l’œuvre n’a rien à envier au visuel, si ce n’est peut-être la B.O. C’est pas le truc qu’on critiquerait naturellement dans The Last of Us, et évidemment qu’elle est pas critiquable, elle est géniale, mais j’essaie tant bien que mal de trouver des défauts à ce trésor, et la barre est mise tellement haute par le reste du jeu que cette frange musicale manque selon moi du petit quelque chose qui la rendrait aussi mémorable que le reste, du truc qui pourrait rendre excellente une séquence potable de jeu. Mais bon c’est un point gris clair plus qu’un point noir, ou un point noir très amer à la rigueur, parce qu’actuellement j’écoute cette B.O., et j’ai le cœur totalement étranglé par l’univers du jeu qui me gagne à nouveau, et d’un coup Ellie commence à me manquer. Et puis elle a de la personnalité, et c’est pas plus mal qu’elle soit discrète vu sa place dans l’œuvre, bref, ça me serait jamais venu à l’idée de reprocher cette musique à un autre jeu, mais je veux pas dresser un portrait trop positif pour rester un minimum constructif et intéressant, et c’est vrai qu’en jeu, elle m’a pas transcendé. Et puis le reste, c’est une VF phénoménale (en même temps une VF avec Adeline Chetail c’est inratable), et surtout des effets sonores juste parfaits. Là encore, les effets sonores dans un jeu video, c’est pas un truc qui me reste en mémoire, mais là, y’a tellement de séquences où le son est brillamment utilisé que ça peut que rester. La séquence qui personnellement m’a marqué et que je ne pense pas oublier, c’est la première rencontre avec les claqueurs, aveugles mais ultra sensibles auditivement (là encore, c’est plus des bases que du spoil). J’ai esquivé le claqueur en tuant discrètement les autres infectés, je me prépare à sortir en pensant que c’est quand même un mob faiblard pour la description qu’on m’en avait faite, et en virant le chariot devant la sortie, celui-ci fait un grincement, et d’un coup j’entends le couinement du claqueur qui m’avait entendu, et là, j’ai eu un profond coup de flippe. Génial.


Car forcément, le son, c’est utile pour supporter un survival-horror comme TLOU. Et la dimension horrifique de ce jeu est parfaite. Hormis le fait que tout ce qui touche de près ou de loin aux infectés (qui d’ailleurs sont super bien designés et eux aussi ultra originaux) est quand même bien dégueulasse, ce qui est basique, mais bien foutu et à ne pas oublier, le jeu place très efficacement la peur dans son intrigue, avec une plus grande recherche, en y repensant, du choc et de l’angoisse du joueur au début, où on est nettement plus mal à l’aise et sur nos gardes que par la suite. Cela s’installe facilement avec le son, les monstres dégueulasses, ou bien les scènes d’action, sur lesquelles je vais revenir. Au fil du jeu, on gagne en aisance, donc on est moins effrayé facilement, forcément, mais on a toujours nos premières expériences en tête et on reste sur nos gardes, parce que TLOU sait aussi nous rappeler à l’ordre si on devient trop confiant. Le jeu a aussi une utilisation sympa du gore : soit chez nous, pour nous montrer que tel mob/situation est à prendre au sérieux, soit chez les inconnus, pour montrer que… bah, que c’est la merde, soit chez nos adversaires, pour qu’on puisse pas passer à côté du fait qu’on a rien de héros. Les bombes à clous, qui ont pas un nom spécialement offensif, m’ont fait un drôle d’effet la première fois. Bref, la peur est pleine de substance dans TLOU, et est une valeur ajoutée nécessaire pour rendre le récit crédible, tout comme les éléments de survie.

Ma transition est toute trouvée : la survie dans The Last of Us est aussi vraiment chouette. Pourtant, tout ça est très secondaire : de la gestion de ressources communes et du bricolage d’arme. Pas de barre de faim, ni de vrai gros système prépondérant dans le système de jeu de TLOU. Et pourtant, cet aspect est capital. Pour expliquer ça, je dois développer le gameplay concret du jeu, qui est vraiment génial, évidemment. The Last of Us est fort par sa capacité à laisser le joueur trouver lui-même la meilleure approche de combat. Parfois, il faudra tuer tout le monde discrètement, et d’autre juste tuer deux trois emmerdeurs au sniper et s’enfuir. Chaque option est fun, et aucune ne peut être négligée. Et tout le principe d’équilibre de la difficulté repose là-dedans : il faut pas juste gagner dans TLOU, il faut gagner de la façon la plus optimisée et plaisante pour le joueur. J’ai dû mourir à peine 20 fois dans ce jeu, pas parce qu’il est facile, mais parce que j’avais pas le temps de mourir, je recommençais quand je faisais une action qui me plaisait pas. Du coup le joueur est très libre dans sa façon de se battre et dans ses objectifs, et quand il les atteint, c’est forcément satisfaisant. C’est un système rafraichissant, là encore, et qui marche parce que tes ressources sont limitées. Tu peux pas utiliser toujours la même arme, car tu vas très vite manquer de munitions, et le jeu te donne de quoi recharger tes armes une par une, donc chaque balle doit être réfléchie et les armes bien choisies. Tu peux pas tuer tout les claqueurs, sinon tu auras plus de surin pour les salles secrètes, et le reste de tes ressources en pâtiront. Aussi, on a des accessoires qui permettent d’encore enrichir nos options de combats, mais qui amènent d’autres choix : si tu abuses des Molotov pour t’en sortir, tu pourras plus te soigner, ce qui peut pourtant être utile, si si, je vous jure. Bref, on est très libre, mais on a des éléments à prendre en considérations, et même si la survie semble pas centrale dans le jeu vu comme ça, on est constamment dans la peau d’un survivant en jouant à TLOU. Et encore une fois, c’est exécuté brillamment.


Bon, ça serait peut-être bien qu’il est des défauts ce jeu de con. Et ça tombe bien j’ai un vrai reproche à lui faire, pas comme le lore ou la musique, un vrai point noir du jeu. On nous en dit trop peu. On est paumé. Vous me direz : « Bah oui dans la vraie vie en milieu hostile t’as pas un glossaire des différentes techniques » et c’est vrai, mais peut-être que c’est pas pour rien qu’on est pas dans la vraie vie, et que y’a des trucs pas fun. Trouver soi-même comment engager un combat, c’est fun. Devoir commencer une grosse partie des scènes de combat par deux ou trois try kamikaze juste pour savoir où est la sortie, bof. Découvrir aux deux tiers du jeu que y’a pas trois, mais quatre races d’infectées, et que tu sais rien de la quatrième, et que ça a pas l’air d’être voulu, c’est pas fun. Par moment j’avais l’impression que l’IA était mal foutue, ou que les contrôles beuguaient, ou qu’un combat était perdu d’avance, mais avec du recul rien semblait bizarre, il me manquait juste des clés que le jeu aurait dû me donner. Après je suis peut-être con, c’est vrai. Mais j’ai l’impression que le jeu a de vraies lacunes sur ce point-là. Il a probablement des lacunes ET je suis con, c’est possible aussi.

Ah, et le jeu a une durée de vie un poil trop courte à mon avis, ainsi qu’une fin un peu abrupte, j’aurais pas été contre un épilogue un peu plus fourni. C’est un détail, mais voila.


Je vais pas conclure en bourrinant plus à quel point ce jeu est génial, unique et bien réalisé (même si je suis en train de le faire), parce que ça transpire dans toute cette critique, à quel point il m’a impacté. Pour moi il est trop jeune pour être appelé classique (ET POUR ETRE RESSORTI DEUX PUTAINS DE FOIS), mais c’est un jeu qui survivrait à l’épreuve du temps, sans l’ombre d’un doute. Il y a un deuxième opus. Ca me fait paniquer d’imaginer qu’il puisse être meilleur que le premier, et ça devrait vous faire paniquer aussi, si vous êtes étranger à cet univers, de ne pas avoir raté un chef-d’œuvre, mais deux.

19/20


BlobfishWallaby
9
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le 27 déc. 2024

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