J’ai été dans ce jeu sans trop savoir à quoi m’attendre : je savais qu’il y avait de la flotte, que la musique était folle et que y’avait Quantic Dreams sur la jaquette. J’étais pas mort d’envie de jouer à ce jeu, et pourtant il m’a impliqué comme je l’avais rarement été dans un jeu video. J’ai pas l’impression qu’il n’est fait à beaucoup l’effet qu’il m’a fait, j’ai l’impression que du haut de ses 10 heures (je suis gentil) de durée de vie, beaucoup l’ont classé dans la catégorie « bon petit jeu » de leur mémoire sans en faire plus. Pourtant moi je me voyais plongeur en jouant à ça, moi il m’a fait voyager ce jeu et je suis toujours chagriné d’avoir dû rentrer chez moi, il est pour moi ce genre de jeu qui, quand je pose ma manette, me fait me dire « c’est ça que j’aime dans le jeu video ». Je vais tenter de retranscrire par mon œil ce que j’ai perçu dans ce jeu, au moins pour y revenir un peu.


Le point fort du jeu, c’est son immersion. C’est le truc à ne pas rater dans un jeu video, et le truc à ne vraiiiiiment pas rater dans un jeu de plongée. Avec son titre, Under the Waves, le jeu t’avertit déjà que quelque chose va te peser pendant ton voyage, et c’est sûr qu’on va rester sur nos gardes assez souvent. Ça peut être le fait de se retrouver paumé dans l’océan et de voir que du bleu aux alentours, ça peut être le stock d’oxygène, ça peut être une réplique bien sentie, ou juste une musique, parce que c’est vrai qu’elles sont belles à pleurer ces musiques : ça peut être plein de chose, mais le jeu ne met pas à l’aise, et c’est fort.


Mais cette immersion, elle prend racine dans autre chose, c’est la crédibilité de l’histoire. Chaque personnage est équilibré et compréhensible, chaque réplique est pesée et fait sens, les doubleurs sont invraisemblables : on est pas, nous, humain, rejeté de cet univers, on y trouve vite un prolongement du notre. Ça, pour moi, ça s’illustre par deux choses :


- Le journal. Il est très complet, très intéressant, a l’amabilité de se diviser en catégories pour qu’on puisse lire ce qui nous intéresse (je garde des sueurs froides en pensant aux moments lecture de pavés dans le premier Life is Strange après un choix ultra intense) et il donne beaucoup de vie à l’univers, en prenant en plus la peine de glisser quelques anecdotes sur la faune marine par exemple pour maintenir le lien avec le joueur.


- Le fait d’être Stan, employé quarantenaire dans une multi-nationale. Il est bien plus que ça, on le découvre après, mais le premier truc qu’on voit de lui, c’est qu’il parle à un collègue à l’air blasé. Derrière on a plein de petits éléments qui nous encrent dans cette posture : on se réveille toujours de la même façon, et on rentre toujours chez nous de la même façon, on a notre café, notre coup de fil, Mercury (j’espère ne pas être le seul à ne pas pouvoir m’empêcher de lui parler) prendre et garer Moon, peut être crafter ou lire notre journal, bref, on crée notre routine dans ce jeu. Ou alors pour sortir de chez nous, on peut pas juste sortir, on doit prendre le sous-marin. Ok c’est logique de le prendre car ça va plus vite, mais au début du jeu je suis mort étouffé parce que j’avais pas eu le réflexe de prendre le sous-marin, et cette nécessité elle m’a semblé un peu laborieuse, si je veux aller choper trois algues j’aimerais avoir le droit de le faire sans consommer trois semi-remorques de bâtons d’oxygène. Mais au final, ça me donnait l’impression de respecter une procédure, ça me maintenait dans ce cadre, et j’ai fini par bien aimé. En bref, quand j’allumais ma Play et que je me callais dans mon canapé, j’avais l’impression de commencer une journée de taf, d’un super taf, mais quand même, et je me sentais impliqué.


Du coup c’est dommage de la saboter sur deux trois détails. Quand t’es à ce point-là dans un jeu, la moindre sortie est VIOLENTE. Les personnages m’ont sorti plusieurs fois du jeu, enfin le personnage. Pas sur des questions d’écriture, mais sur sa modélisation. C’est peut-être très personnel comme impression, mais j’ai trouvé Stan très mal fait, et le super travail de doublage était parfois un peu annexé par le visage sans vie que montrait l’orateur. Alors on passe notre vie de dos ou dans une combinaison donc c’est pas dramatique, ce qui pique par contre, c’est les bugs. Visuels, auditifs, crashs : y’a de tout et pour tous les goûts. C’est vraiment dommage, ça aurait peut-être mérité un peu plus de polissage, je sais pas. Après tout ça est anecdotique, mais c’est là, et c’est embarrassant.



Ceci dit, ce qui m’a charmé personnellement, c’est le côté aventure de ce jeu. Under the Waves nous lâche dans un open world miniature, une formule que j’adore, et il nous donne pleins de petites missions basiques, pour nous ramener à la condition de travailleur comme je le disais, mais aussi pour nous forcer à explorer un petit peu le monde qui nous entoure. Y’a pas mille choses à voir, quelques épaves, quelques items, quelques bestioles. Mais faut s’imaginer que dans ce jeu, tu es un humain lambda (à peu près) au milieu de nulle part (moins à peu près). Et quand tu te sens comme au taf, que tu es grisé par l’immensité de l’océan, par les belles collines et par cette foutue musique, et que là, tu trouves un hélicoptère sous une grotte, ça a l’air 100 fois plus incroyable que ça ne le devrait. Et puis y’a les animaux. Là-dessus les développeurs voulaient vraiment, j’ai l’impression, que t’en ai pas rien à foutre, alors ils leur ont fait des entrées de journal, des missions photos, des missions de routine… Et ça marche, j’étais toujours content de croiser un calamar ou une tortue, et j’ai eu beau voir des dizaines de créatures invraisemblables et titanesques dans ma vie de joueur, peu m’ont fait ressentir ce que j’ai ressenti en voyant pour la première fois la baleine.


Mais est-ce qu’au moins il est beau, ce monde qu’on explore ? Pour moi, ce point est un peu plus gris, même s’il reste globalement positif. Je trouve certains graphismes pas terribles par endroits, et que la DA se repose beaucoup sur les points d’intérêts et sur la flotte. Mais en même temps sous l’océan si tu te reposes pas sur la flotte c’est la flotte qui se repose sur toi : c’est une ressource à exploiter. Et puis la géographie de la région est superbe, les bâtiments de la quête principale sont superbes, et dans l’ensemble tout marche très bien. C’était pas si gris que ça en fin de compte.



Mais il faut pas oublier le plus présent : le côté narratif. Alors j’ai parlé des personnages, et un petit peu aussi de la façon dont le jeu se met en scène, alors je vais surtout parler du scénario. Pour moi il se découpe en trois grands axes :


- L’essentiel, le deuil et l’isolement. Avec beaucoup de suspens, d’émotions et de poésie, le portrait franchement réaliste d’un homme tourmenté nous est dressé. Le jeu parle avec justesse, nuance, et prend aux tripes par une mise en scène qui implique le joueur. C’est d’ailleurs bien joué de ne pas avoir un peu détaché le dit joueur du jeu par une histoire aussi personnelle, mais on la vit par procuration, son histoire, on la vit comme un tier et parfois on a envie de lui hurler quoi faire, à Stan, mais à force de moments puissants et émouvants, c’est de plus en plus dur de ne pas le comprendre. Parce que le jeu joue avec les limites de la folie, et au bout d’un moment on n’y pense même plus, parce qu’on vit avec Stan cette histoire, et on se prend au jeu, on a envie que ça soit vrai, pour nous aussi ça a l’air vrai. Bref très maitrisé, très émouvant, je sais pas trop en quelle mesure je peux en parler sans dévoiler trop, le mieux c’est de le vivre.


- Le message environnemental ensuite. Un message important, qui est martelé tout le long du jeu en long et en large. Ca pourrait être un peu lourd, parce que pour un sujet « secondaire », il prend quand même beaucoup de place, mais il évite le piège d’un sujet omniprésent, trop plat et sans intérêt, avec la question sous-jacente : « En quelle mesure c’est notre faute ? ». Chaque objet utilisé, chaque accélération produit des déchets, et en prime, Stan, écologiste convaincu, bosse pour une multinationale du pétrole. Under the Waves pose des questions, attaque sa thématique par un axe et le fait avec habileté. Et le joueur est impliqué : la première fois que j’ai utilisé un bâton d’oxygène et que j’ai mis du plastique dans l’océan, j’ai ramassé le plastique en me disant « oh tient on peut ramasser nos déchets c’est marrant ». Mais la cinquantième fois, après une mission qui t’a retourné ou quand tu es coincé sur un truc et que ça devient frustrant, tu te dis « et puis merde je suis pas à un plastique près ». C’est ce que beaucoup se seraient dits dans la vraie vie, moi inclus, des fois on a pas l’énergie pour ça. Mais indirectement le jeu te fait culpabiliser, parce que l’océan que tu vois se salir en râlant contre ces salauds de l’entreprise, et bah tu commences à aller dans leur sens. Alors ça marche, le message passe tout en délicatesse.


- Ceci dit, j’ai vu des éléments qui peuvent aller vers une troisième catégorie, et qui me semblent vraiment pas fonctionner : tout le mystère autour de l’entreprise et des diverses bizarreries qu’elle pourrait avoir causé. Ça marche pas. Ça marche pas parce qu’à la base, ça me semble logique de tout mettre sur le compte de la boîte qui respecte rien parce que c’est comme ça, le Dieu Sou est là, et de Stan qui… a quelques difficultés. Et puis le jeu semble te dire que y’a un truc de plus, un secret, et ça intrigue, mais ça intrigue trop tard, le suspens peut pas se permettre de perdre le temps qu’il faut au joueur pour comprendre qu’il doit s’y attarder. Mais de toute façon, c’était pas la peine de nous intriguer : on aura jamais la moindre réponse. En même temps c’est normal : dans un jeu qui se veut poétique, tu peux pas donner des explications à la pelle, mais alors ça servait à rien de nous hype avec des petites répliques du genre « On va enfin découvrir ce que cache l’entreprise », elle cache que dalle l’entreprise, ou alors elle sait vraiment pas comment il faut faire pour cacher quelque chose.



Mais bon au final ces défauts ne pèsent pas lourd. Under the Waves est une superbe aventure, bourrée de qualités et qui ne laisse pas indemne. Elle remplit ses promesses à la perfection, et je ne peux que la recommander : dans le pire des cas, ça fera toujours quelques bouteilles de moins dans l’océan.

18/20


BlobfishWallaby
9
Écrit par

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le 1 nov. 2024

Critique lue 13 fois

BlobfishWallaby

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