(Pas de spoilers, je resterai aussi évasif que possible sur le scénario.)
Je suis amer. Non parce que le jeu et son histoire sont différents de ce que j'attendais. J'attendais rien. Non parce que ces développeurs cherchent inlassablement à insérer au chausse-pied toutes les causes de SJWs de l'ère twitter. C'est parfois risible mais ça part pas d'une mauvaise intention. Non, ce qui me fait grincer des dents en repensant à The Last of Us 2, c'est à quel point il maltraite, bafoue le joueur, la majorité des personnages et tout ce qui faisait la saveur narrative du premier jeu.
Il n'y a que le gameplay et toute la production value dantesque qui sauvent les meubles. Sur ces aspects, c'est quasiment irréprochable. J'ai même eu l'illusion de toucher la perfection lors des premières grosses phases d'infiltration impliquant les chiens, ces sangsues olfactives qui ne vous laisseront jamais tranquille planqué derrière une caisse, comme beaucoup de jeux du genre nous ont appris, mais qui vont inciteront, avec le reste de la dynamique proactive des IAs, à réviser constamment vos plans, parfois toutes les 5 secondes, pour pouvoir poursuivre et survivre. En tant que grand fan de MGS, ces phases de jeux, au sein de tout l'écosystème basé sur la survie, l'improvisation, la rareté des munitions, furent des instants de pure jouissance ludique. Ce n'est pas toujours parfait et on termine quand même le jeu avec une petite lassitude, mais dans ses meilleurs moments je ne peux qu'admettre que ce fut pour moi le gameplay d'infiltration (et même gameplay de Third Person Shooter tout court) le plus satisfaisant, le plus immersif et dynamique que j'ai pu expérimenter dans ma vie. Même MGS V(que j'adore pour son gameplay) se fait détrôner sur ce point. Je pourrais disserter davantage sur ce sujet mais il y a malheureusement plus important à traiter dans cette critique.
J'avais fait le nécessaire pour échapper à tout spoiler pour ne pas influencer mon appréciation du récit, mais avec toute l'ouverture et la bonne volonté du monde, il me fut impossible de ne pas haïr l'écriture de ce scénario lors de trop nombreuses occasions. Je ne sais même pas comment m'y prendre et par où commencer, et encore une fois je vais essayer de ne rien révéler de précis ou d'important.
Sans surprise et comme indiqué dans la promotion, le thème du jeu est la vengeance. Thème déjà traité mille fois, mais soit. Tel The Last of Us 1, s'aurait pu être une revisite fine et élégante d'un thème ou d'un récit intemporel. Le gros problème c'est qu'il n'y a aucune finesse, aucune élégance et qu'en plus, ce traitement ne se contente pas d'être médiocre. Avec une arrogance, une bêtise et une maladresse sans pareil, le scénario va manipuler tout le monde, ses personnages (nouveaux et anciens), leurs psychologies, ainsi que le joueur lui-même. L'une des plus grosses souffrances de ce jeu est qu'il refuse de donner le contrôle au joueur sur les actes et les choix absurdes ou gerbants des personnages qu'il incarne. Il n'y a aucun échappatoire, vous êtes pris littéralement en otage, la tête sous l'eau, ou la tête dans la diarrhée de l'auteur persuadé d'être un génie transgressif et hyper vertueux. Saviez-vous que la vengeance c'était mal ? Vous inquiétez pas, si vous êtes un peu trop con, on va passer 25 heures à vous le répéter, à vous le faire sentir dans vos tripes, comme si vous étiez des enfants de 12 ans sans aucune expérience dans la vraie vie. Comme si vous n'aviez jamais lu des livres et vu des films dans votre vie. Et puisque ça ne suffit pas et que l'auteur veut vraiment montrer que vous êtes des singes et que lui est un grand philosophe des Lumières, il va vous obliger à mal agir. Il n'y aura qu'une seule option : la violence, le massacre de masse écervelé. Cette connerie monumentale va très loin puisque ils vont littéralement vous obliger à presser un bouton QTE pour tuer, sans quoi vous ne pourrez jamais débloquer la suite de la cinématique qui resterait en suspend jusqu'à ce que votre PS4 rende l'âme en 2175.
C'est profondément insultant et arriéré d'oser imposer ça en 2020. Après toutes les œuvres qui sur des décennies ont révolutionné le médium, soit en permettant un choix clair, soit en cachant des chemins scénaristiques alternatifs (ce que faisait déjà Kojima il y a 20 piges), soit en embrassant pleinement le médium pour transmettre un propos.
Là où ça donne encore plus envie d'éclater le jeu contre un mur, c'est que dans un deuxième temps cet auteur a le culot de vouloir vous faire culpabiliser sur des choix que vous n'avez jamais fait. Nan mais il se fout du monde ?!
J'en viens à expliquer le titre de ma critique. Les personnages principaux ont des comportements incohérents, forcés par des psychologies fumeuses bricolées ou tordues pour l'occasion (Ellie qui est plus immature et capricieuse que lorsqu'elle avait 14 ans...). Comme expliqué dans le précédent paragraphe, le but de l'auteur est affreusement simple, donc pour accomplir ce but il va juste tordre tout le reste, créer des situations, des drames, des injustices, des flashbacks à n'en plus finir pour justifier son caprice, son caca scénaristique. C'est pas les personnages qui, en évoluant, dirigent et produisent naturellement le récit, non. C'est un schéma narratif faussement subversif tenant sur ticket de caisse qui va essayer de retourner ou bousiller tout le reste pour que le château de cartes tienne debout. Ce serait un jeu lambda, je m'en ficherais. Mais venant de ceux qui ont créé The Last of Us, c'est absolument choquant et honteux.
Les nouveaux personnages, et de manière générale les persos secondaires n'ont pas de substance et de vrai développement. Leurs psychologies se résument beaucoup trop de fois à des histoires de coeur juvéniles et des problèmes relationnels lambda en mode Dawson absolument déconnectés du contexte post-apocalyptique. Plus tragique encore, les morts ne provoquent quasiment aucune émotion (si ce n'est la consternation envers l'écriture) et l'auteur ne fait absolument rien pour les rendre marquantes. Trop souvent Jean-Michel se prend une balle et on enchaîne direct sur une scène d'action, sans qu'une larme soit versé, sans qu'il y ait de moment de deuil alors qu'on a passé des heures avec la personne concernée. Nan, Neil Druckmann veut que ce soit des morts brutes comme dans Game of Thrones parce que choquant (donc cool), sauf qu'il n'a aucun talent pour créer l'émotion qu'il y a autour.
En réalité, j'aurais pu pardonner, tolérer ce récit décousu, cynique et binaire dans son propos, s'il s'agissait d'un film où je ne serais pas forcé de m'identifier avec le protagoniste. Mais là Neil Druckmann n'assume pas de faire un jeu vidéo tout en faisant un. Il veut tellement être un "Auteur" au sens prestigieux et cinématographique du terme, qu'il va forcer son récit dans la bouche du joueur, en faisant fi de toutes les incohérences ludonarratives, en ignorant les caractéristiques inhérentes du médium. Je veux dire, comment tu peux justifier une vengeance (peu importe le dénouement final) lorsque les personnages que t'incarnent passent des dizaines d'heures à charcuter des centaines d'êtres humains pas moins bien/mal intentionnés qu'eux ? Tu peux bricoler tous les flashbacks que tu veux(et y'en a des tonnes), ça demeure ridicule et juste con.
C'est simple, d'un point de vue strictement scénaristique, je me suis senti comme au sortir de l'épisode 9 de Star Wars et de la fin de Game of Thrones... Encore une fois j'ai adoré le gameplay, les décors et une toute petite poignée de scènes, mais l'écriture du scénario m'a tellement déçu et affligé que ça a même fini par ruiner mon plaisir de jeu. Durant la première dizaine d'heures je pensais déjà au jour où je le recommencerais à nouveau. Depuis c'est devenu totalement inconcevable pour moi tellement l'aventure est ponctuée de scènes minables et détestables.
Gameplay (mode difficile) : 9/10
Scénario : 3/10
Expérience globale : 5.5/10, ça dépend des jours.