Vacances de Noël 1992. Vous avez passé une dernière journée en pyjama devant la télé pour terminer Zelda : A Link to The Past avant de retourner au collège. Des souvenirs plein les yeux et l’estomac encore gavé de chocolats, vous vous endormez après un combat acharné contre Ganon. Vous vous réveillez en décembre 2013, plus de 20 ans ont passé, et vous introduisez fébrilement la cartouche de Zelda A Link Between Worlds dans votre 3DS. Pas de DeLorean pour vous transporter dans le passé, mais la musique de l’écran-titre et votre petite maison sur le promontoir rocheux vous ramènent immédiatement 20 ans en arrière. Les indices ne trompent pas : vous êtes de retour chez vous, comme si rien ou presque n’avait changé. Recyclage diront certains, véritable Madeleine de Proust diront les autres. Le voyage dans le temps peut commencer…
Si lors de la première présentation du jeu, le sentiment de recyclage ad nauseam pouvait légitimement dominer (et pas seulement à cause de couleurs criardes rendant très mal sur PC), une fois l’aventure d’une grosse quinzaine d’heures terminée, le doute n’est plus permis. A Link Between Worlds est assurément un grand jeu pour ceux n’ayant pas connu A Link to The Past… mais il l’est encore plus pour qui a parcouru Hyrule il y a plus de 20 ans sur Super Nintendo (ou plus récemment sur Game Boy Advance). Les auto-références et l’effet « nostalgeek » viennent en effet sublimer le travail accompli par Nintendo. Au premier abord, on pensera immédiatement à la fainéantise de la firme de Kyoto qui a eu l’idée de recycler un maximum le monde d’Hyrule de 1992 (et le monde des Ténèbres y associé). Tout semble en effet étonnamment familier au premier abord (le village Cocorico à l’Ouest, les Bois Perdus au Nord, la Château d’Hyrule au centre…). L’occasion également de se rendre compte (l’expérience acquise sur les jeux open-world modernes n’y étant pas étrangère) que le monde d’Hyrule n’est pas si vaste qu’il n’y paraît (quelques minutes pour aller d’un bout à l’autre seulement) là où il nous impressionnait par son immensité à l’époque. Pourtant, assez vite, on se rend bien compte que beaucoup de choses ont changé : les habitants, le bad guy, l’emplacement et la configuration des temples et des palais... Si on devait pousser la comparaison, il y a –presque- autant de différences entre les deux jeux qu’entre Silent Hill et son reboot, Silent Hill Shattered Memories. A brave new World (ou presque) !
Au-delà de la réalisation technique en 3D (ultra-fluide) bluffante à laquelle la 3DS rend vraiment honneur (par comparaison avec les premiers screens saturés disponibles sur internet), tout un tas de petites nouveautés (en dehors des palais totalement remaniés) vont vite vous faire oublier cette première impression. La possibilité de louer (puis d’acquérir) les différents items du jeu (bombes, grappin, marteau, arc…) peu après le début de l’aventure change déjà énormément la donne puisqu’on peut désormais aborder les donjons dans l’ordre dicté par notre simple curiosité. Cela présente certes l’inconvénient de gâcher un peu la découverte des items et de niveler fatalement la difficulté des donjons, mais cela offre en retour une liberté franchement appréciable. Il y a aussi la possibilité d’upgrader les items grâce à la quête de Ti’gorneaux (des crustacés planqués un peu partout sur la map). Et bien évidemment, toujours ces quarts de cœur cachés aux quatre coins de la carte et quelques mini-quêtes ou cavernes secrètes pour upgrader son épée, son bouclier et sa tunique. Cerise sur le gâteau, le jeu intègre plutôt bien le StreetPass en permettant aux joueurs nomades de s’affronter dans des arènes dédiées (avec une cinquantaine de défis/succès à la clé).
Mais la grosse nouveauté vient surtout de la faculté de se faire aussi plat qu’une feuille de papier (façon Paper Mario) pour se coller aux murs, se glisser dans les interstices et atteindre ainsi des endroits insoupçonnés. L’idée de départ est déjà bonne en soi… mais est surtout exploitée à merveille dans la plupart des donjons avec des trouvailles de gameplay qui vous décrocheront très souvent un « Bien vu ! ». Loin du gimmick, cette idée enrichit ainsi considérablement les énigmes et la façon de les résoudre puisqu’il faudra souvent raisonner en plusieurs dimensions. Une vraie résussite !
Maintenant, il faut reconnaître en toute franchise que tout n’est pas parfait. Il y a bien sûr cette petite impression de « déjà-vu » qui fera regretter à certains une map véritablement inédite (avec les mêmes trouvailles et concepts). De même, la facilité déconcertante du jeu (boss de fin mis à part) pourra énerver avec des donjons qui se plient en 20-25 minutes maximum (en dehors du Château de Lorule) et des boss qui ne feront jamais vraiment le poids. Résultat, si le plaisir de jeu est total, l’aventure paraît défiler à grande vitesse à mesure que les 11 donjons sont avalés et le générique de fin arrivera ainsi trop vite pour beaucoup (15-20 heures après le début de l’aventure). Pourquoi n’offrir un niveau de difficulté plus coriace qu’une fois le jeu terminé?! Mais il restera en tout état de cause le plaisir du post-game qui promet pas mal de rab (entre les secrets, les quarts de cœur, les Ti’gorneaux, il y a de quoi faire…). Enfin, l’idée des items disponibles à volonté dès le départ passera pour une fausse bonne idée pour beaucoup….
Mais au-delà de son problème de difficulté (point noir récurrent chez les productions Nintendo), c’est sans doute l’aspect recyclage du titre qui empêchera peut-être Zelda : A Link Between Worlds de rentrer au Panthéon des classiques parmi les classiques. Il sera toujours vu comme le « fils de » ou la « suite de ». Mais vu le soin incroyable dont il a bénéficié et le nombre de trouvailles de gameplay qui renouvellent en permanence les donjons, il serait dommage de s’arrêter à ce point de détail tant le plaisir procuré par cette aventure est grand. Un classique de la 3DS, c’est déjà ça de pris.