J'ai toujours considéré les jeux vidéos comme étant à la racine de mon ouverture à la pop culture. Une fenêtre, encore profondément ancrée dans le souvenir de mon enfance, sur la découverte des formes et des couleurs du monde. En effet, plus que du vacarme hésitant des grands espaces qu'on m'imposait, c'est de la perfection factice et virtuelle des écrans casaniers qu'est venue ma première étincelle intellectuelle. "Geek", pensent déjà les non-initiés. Laissons-les là, tant pis pour eux.
La Super Nintendo fut ma première console de salon, gracieusement offerte par un oncle que je n'ai de cesse de regretter depuis (premier motif sentimental), elle était grise, sobre, plastique, avalait des supports cent fois le format de ce qu'on lui servirait aujourd'hui et affichait une esthétique objectivement dramatique. Moi, de mon regard primaire et innocent, je la trouvais belle, poétique dans ses courbes et imposante dans sa maladresse. Ainsi eus-je vite fait d'arrêter de la considérer comme un simple prétexte vidéo-ludique et d'en faire un authentique objet de culte.
J'avais, à l'origine, en ma possession une quinzaine de cartouches. Je les essayai alors successivement, en passant sur les plus mauvaises et en me promettant de retourner aux plus accrocheuses. Le plaisir de mes explorations s'étala un moment, sans vague, puis vint la découverte de ce qui (et je m'y perdais presque) reste l'objet de cette critique.
Il m'est excessivement complexe d'exprimer, par écrit, l'émotion ressentie à la mention de ce que représente pour moi A Link to the Past. Les journalistes spécialisés s'échinent, depuis vingt ans maintenant, à disserter sur la substance même de l'oeuvre, tellement qu'ils en oublient son charme véritable : Zelda 3 est bien plus qu'un jeu vidéo, il est une icône globale, générationnelle, et un thème de vie. Posez donc la question aux joueurs qui, comme moi, en ont fait l'expérience à travers le prisme de l'enfance : l'immense majorité vous répondront par un méli-mélo d'anecdotes mélancoliques, prêts à s'embrumer les yeux en vous contant leurs nuits blanches, leurs émotions, et les souvenirs encore vivaces de leurs inspirations et de leurs rêveries d'époque.
Alors oui, j'aurais pu parler de l'OST monumentale, du génie des graphismes, des couleurs chatoyantes, de l'ambiance extatique, de l'ingéniosité du scrolling à zones, du renouvellement infini des énigmes, de l'innocence du scénario et de l'intarissable inventivité pionnière qui enrobe l'ensemble. Mais à quoi bon? Je me contenterai de vous conseiller en toute modestie d'y poser vos yeux, et de vous jurer qu'ils ne manqueront pas de briller.