Grand amateur de jeux vidéos, les Zelda 64 sont ceux ayant bercés mon enfance, et qui m'ont introduit à cette si grande passion. À la question "Quel est ton jeu vidéo préféré?", mon coeur a toujours chaviré entre Ocarina of Time et Majora's Mask. Mais en grandissant, je me suis aperçu que j'ai toujours choisi l'étrangeté, l'univers onirique et mystérieux de Majora's Mask, au grand Classique, épique et fondateur Ocarina of Time.
Ici, je ne parlerai point d'une quelconque chronologie, admise ou non, car ce n'est pas ce qui est le plus intéressant. Une des seule certitude possible lorsqu'on parle de la chronologie de Zelda, c'est que Majora's Mask est la suite directe d'Ocarina of Time. Suite narrative et spirituelle, les fans le savent et connaissent la moindre anecdote à ce sujet (le pari d'Aonuma à Miyamoto, les nombreuses contraintes de développement...), aussi je ne m'y attarderai pas plus, d'autres ayant pris soin d'expliquer tout cela comme il se doit.
Je préfère plutôt, dans cette critique, parler de ce qui fait le succès assez surprenant de ce jeu aussi singulier qu'étrange.
Car The Legend of Zelda: Majora's Mask est un jeu qui se démarque non seulement du reste de la série Zelda, mais aussi des autres jeux vidéo en général. Il surprend par sa manière de nous plonger dans un univers inconnu, sombre, bizarre, aussi bien de par son monde que par les personnes qui l'habitent. L'appellation du nouveau monde à découvrir: "Termina", le gameplay basé sur des masques de personnes décédées à porter ainsi que cette pression constante sur le joueur qui doit surveiller attentivement le temps qu'il lui reste... Autant d'éléments qui traduisent cette singularité.
En parlants des habitants de ce monde, les PNJ réagissent différemment, de manière complètement décalée à ce que devrait être la réalité quand leur mort imminente approche. Une mort symbolisée par la lune, au visage hideux et effrayant. Des réactions étranges qui font écho à notre monde: en effet,à l'annonce de leurs mort prochaine, certains n'hésitent pas à nier cette vérité qu'ils préfèrent ignorer, d'autres l'acceptent avec la plus grande simplicité du monde, et d'autres encore se préparent à l'inéluctable. Les rares personnages "sensés" du jeu sont ceux qui ont besoin d'aide, de la petite fille qui aimerait qu'on lui rende son papa malheureusement momifié, à un Kafei souhaitant retrouver sa forme d'adulte, afin de rejoindre sa future femme avant la fin, en passant par les Indigo-go's qui voudrait se reformer une dernière fois malgré la mort de leurs guitariste. Autant de situations que de quêtes annexes riche en mélancolie, nostalgie, et fatalité. Cette ensemble paraît bien solennel, quand bien même le vendeur de masque qui nous mandate pour aller chercher son précieux bien garde en permanence un sourire au lèvres (bien malsain tout de même). Fort heureusement, Majora's Mask ne se cantonne pas qu'au drame (qui est beaucoup plus suggéré dans l'inconscient du joueur qu'abordé de manière frontal), car malgré tout il déborde de vie, de couleur, de lieux dépaysant, comme tout bon Zelda qui se respecte.
Là est la richesse de Majora's Mask: si il résonne chez autant de personne, c'est qu'il dépeint les diverses facettes de la souffrance et du malheur. Il s'agit d'une ode à l'agonie, où on vous invite à sauver des gens qui finiront par mourir de toutes manière, écrasé sous le poids de votre propre quête: la lune. Qui n'a jamais rêvé qu'un inconnu comme Link puisse résoudre chacun de nos problèmes, et apaise nos souffrances aussi aisément qu'avec un Chant de l'apaisement? Chant qui n'aurait pu sonner plus juste par ailleurs, tout comme le reste de la bande son, magnifique (et sublimé par un artiste dont je mettrai le lien à la fin de cette critique).
Majora's Mask est un jeu pâte-à-modeler dans son interprétation et son analyse. Vous y voyez ce que vous souhaitez (ce qui a donné naissance à nombre de théorie, la plus connue étant la mort de Link et l'idée du purgatoire derrière la familiarité de Termina), en fonction de votre expérience. Vous pouvez refléter votre idée du deuil (peu importe lequel) à travers l'une des nombreuses quêtes annexes du jeu, voir en la Lune qui s'apprête à fondre sur le monde une métaphore de la maladie qui vous rattrapera inéluctablement, autant d'exemple qui donne au jeu une profondeur abyssale, une âme qu'il vous revient de définir, à l'image de son antagoniste, qui ne peut paraître plus abstrait (qui est vraiment Majora, pourquoi veut-il la fin du monde? Un chaos inexpliqué à l'image d'un certain Joker qui serait ici sans son Batman).
Ou, plus simplement, vous pouvez y voir un Zelda différent des autres, dans lequel on se plaît à se perdre, à être bercé par une mélancolie poétique, et une ambiance qu'on ne peut retrouver nul part ailleurs. À mon sens, c'est ce qui fait le succès de ce chef-d'oeuvre confidentiel, sa capacité à nous émerveiller, nous faire réfléchir presque malgré lui, si on s'en donne la peine. Et même tout cela mis à part, il nous reste un excellent jeu en tout point, dont la difficulté s'adressera à ceux ayant trouvé Ocarina of Time encore trop simple à terminer.
Je vous invite à écouter les compositions de l'artiste Teophany, ça se passe de mots: https://theophany-rmx.bandcamp.com
Vous pouvez aussi découvrir ce court métrage incroyable (qui m'a fait découvrir Teophany): https://www.youtube.com/watch?v=vbMQfaG6lo8
Ainsi que deux liens pour prolonger le plaisir, si ma critique ne vous a pas suffi/plu:
http://dreamnoid.com/articles/zelda-majoras-mask-le-jeu-cruel-des-enfants-et-les-regrets-de-ladulte/
https://www.gamekult.com/actualite/majora-s-mask-l-epreuve-du-temps-140341.html