Un jeu qui a du corps !
The Missing nous propose d'incarner J.J. McField, une jeune femme partie en vadrouille avec sa meilleure amie Emily pour laquelle elle éprouve un profond béguin. Après la disparition de sa camarade,...
le 21 juin 2024
Et pour ce soir :
The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories, 2018, de White Owls et Swery et produit par Arc System Work.
Synopsis démembré ; Jackie Jameson Macfield, alias J.J. (prononcez Jay Jay) est une jeune femme partie en camping avec son amie (voire peut-être plus que ça) Emily sur « l’Island of Memories ». Durant la soirée, Emily disparaît et J.J. se met donc à sa recherche sur cette île un chouïa cauchemardesque. Une recherche qui va s’avérer tout d’abord infructueuse et particulièrement électrique car, sur le chemin, cette pauvre J.J. va se faire frapper par la foudre. Sur son cadavre passe des cerfs un peu chelou dont un avec une blouse de médecin. Et de cadavre, J.J. va se reconstruire pour revenir à la vie par la magie de… bah sinon, y’a pas de jeu. Du coup, J.J. ne peut pas mourir mais peut se blesser, perdre des membres pour essayer de retrouver Emily. Et je peux vous dire que cette pauvre J.J. va passer une soirée particulièrement difficile en terme médical…
Un petit double historique, de moi vis-à-vis du jeu et du jeu en lui-même. Etant un éternel pigeon, j’étais tombé sur le jeu édité par Limited Run Games et la jaquette du jeu, une jeune femme blonde qui se frotte les lèvres, un peu de sang sur l’avant-bras dans un décor de fleurs et d’une éolienne de pompage, avec une jeune femme de dos. Avouez que ça donne envie. Une recherche sur le net plus tard, on me vend un jeu qui ressemble à Limbo avec un scénario qui se dévoile lentement et plutôt subtilement, ainsi qu’une chouette fin, et me voici sur eBay à essayer de ne pas trop me faire plumer pour me procurer mon exemplaire.
Maintenant, parlons du jeu lui-même. Il est développé par le studio White Owls et de Hidetaka « Swery » Suehiro, un créateur de jeu vidéo un peu spécialisé dans les trucs chelou depuis 2010 avec l’un des jeux les plus polarisant de l’histoire du jeu vidéo : Deadly Premonition. Je vous invite à voir le site des développeurs, c’est bien barré à la japonaise. Et The Missing garde certains traits qu’on trouvait chez Deadly Premonition, notamment l’humour noir et son scénario bien plus profond qu’on ne pourrait le croire. En bon créatif barré, Swery s’est dit « et si on poussait les joueurs à aller vers les dangers volontairement pour se mutiler et avancer dans l’histoire et les pousser à désapprendre ce qu’ils ont appris en jeu vidéo et genre aussi dans la vraie vie, genre pas mettre la main sur la scie qui tourne ». Et boom, voilà The Missing !
Une chose à savoir sur le jeu, c’est les deux messages au démarrage. Le jeu commence en disant que ce jeu a été conçu avec la conviction que personne n’a tort d’être ce qu’il est, et qu’il contient des scènes explicites incluant de la violence extrême, de la sexualité et des représentations du suicide et de la dépression. Ces messages ne sont pas là pour se donner un genre, car ils sont la toile de fond de toute l’histoire. Je vais spoiler un peu le jeu donc arrêtez-vous ici si l’envie de tenter l’expérience vous le dit, mais sans divulgâchage, l’expérience est particulièrement intéressante et originale dans le paysage vidéoludique et sur les thèmes abordés, mais qu'on l'apprécie plus sans rien savoir dessus donc si vous voulez tentez, la lecture se termine ici.
Dans cette île où rien n’a trop de sens (et où on est parfois poursuivie par un monstre armé d’un immense cutter…), J.J. va devoir braver les démembrement, l’électrocution, l’immolation et même la rupture vertébrale pour avancer dans un plate-former qui n’invente rien mais qui propose de jolies panorama. Je n’ai pas apprécié outre-mesure le gameplay du jeu justement du fait de son aspect relativement générique (à l’exception naturellement du travail autour de la mécanique du démembrement), les énigmes restent simple et trop longue parfois et les checkpoints ne sont pas tous bien conçus (le tout dernier chapitre, p’tain…). Pourtant, tout le sel va venir de sa narration qui est articulé autour du téléphone et de deux types de contacts : les contacts liés à l’avancée dans le jeu (la mère de J.J. et F.K. qui est… la peluche de J.J…. Je vous ai déjà dit que c’est barré ?) et ceux dépendant des … donuts qu’on récupère durant le jeu (oui oui…). On peut donc voir les différents messages qu’échangeait J.J. avec des camarades de classe, son prof avec qui elle est assistante et des amis, d’abord les plus anciens puis au fur et à mesure vers le plus récent.
Très vite, on sent qu’un secret est gardé par J.J., quelque chose qui a un lien avec les évènements de cette île. Sans trop en dire, il y a beaucoup de symbolique dans les décors, les messages et même certains ennemis de la psyché de J.J. et le jeu aborde avec une certaine subtilité toute la violence de l’éveil à la sexualité, ainsi que la sensation d’être différent, la peur du regard des autres, le conservatisme parental (et sociétal), la pression scolaire et familiale, le rejet et la dépression, et ce, sans aucun aspect rentre-dedans au chausse-pied. Je lisais une critique sur Reddit au sujet du jeu qui disait que le final avait tendance à rester en tête et il faut avouer que c’est le cas. Les images de fin, ce moment où tout s’illumine enfin, où le secret passe par la lumière et où chacun se montre tel qu’il est me reste encore en tête à l’écriture de ce test et je retrouve tout à fait le choc que fut Limbo à l’époque, avec un message moins cryptique néanmoins mais plus ancré sur du réel. Bref, The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories (ou Le Manquant comme l’écrit la traduction française) est un jeu atypique qui mérite d’être expérimenté, ne serait-ce que pour son scénario ainsi que sa mécanique contre-intuitive de gameplay. Pas parfait, mais vraiment marquant. 7/10
Créée
le 28 nov. 2022
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