Je dois vous faire une confidence : j'ai été déçu par The Witcher 3 !
Alors bien sûr, déception est un bien grand mot et je dois reconnaitre que j'aimerais avoir à faire plus souvent à des déceptions qui atteignent une telle maitrise. Du coup, si je vais évoquer tôt ou tard quelques-unes des indéniables qualités du jeu dont il est question aujourd'hui, ma critique portera davantage sur ses défauts que sur celles-ci… la raison est simple : vous connaissez déjà toutes les qualités de The Witcher 3, inutile donc de vous les rabâcher une fois de plus.
 
Commençons par le commencement et parlons de l'intro. Bien que celle-ci ne soit pas mauvaise, elle souffre de quelques écueils déjà présents dans les précédents volets de la série : sa manière de nous dévoiler son univers. La dernière fois que j'avais joué à un épisode de la saga c'était il y a environ 5 ans avec The Witcher 2, et j'avoue que j'aurais aimé avoir quelques petits rappels concernant les deux premiers jeux vidéo de la série. En plus de ça, les jeux The Witcher (The Witcher 3 compris) ont tendances à parler au joueur comme si ce dernier avait déjà lu les bouquins. Du coup, on est soit largué, car on nous parle de personnages que l'on ne connait pas, soit c'est totalement l'inverse et on assiste à un dialogue d'une dizaine de minutes bourrés d'informations dont la moitié auraient pu être amenées plus tard : c'est le cas notamment quand on parle avec l'ambassadeur var Attre au château de Wzyima… c'est du « tout ou rien » en somme.
 
Évoquons un autre point bien précis du jeu dont il est question ici (et qui risque de faire grincer quelques dents) : The Witcher 3 n'est pas un (bon) RPG ! J'en vois déjà plusieurs d'entre vous s'empresser de déprécier la critique et c'est très exactement pourquoi je vais devoir m'expliquer un peu.
Si je devais définir le « jeu de rôle occidental » succinctement je dirais que le genre repose sur les quatre libertés suivantes :
• Liberté d'explorer (peu ou pas dirigiste, possibilité d'aller où bon nous semble en fonction de notre niveau et de nos compétences) ;
• Liberté sociale (possibilité d'interagir avec les PNJ de plusieurs façons différentes et avec son lot de conséquences) ;
• Liberté de gameplay (possibilité d'engager une situation de plusieurs manières différentes) ;
• Liberté de créer son avatar (choix d'une classe, d'un alignement, d'une apparence…), une liberté forcément liée aux trois autres cités juste au-dessus.
Si le premier point est remporté haut la main par The Witcher 3, que le second l'est aussi (mais pas autant que le premier nous y reviendrons plus tard)… ce n'est effectivement pas le cas des deux derniers. Bien évidemment, Geralt étant un personnage bien défini, il est évident de ne pas pouvoir créer « son Geralt » et je suis donc logiquement prêt à faire l'impasse dessus. C'est par contre plus contraignant quand on s'intéresse au gameplay, plus répétitif et limité qu'il y parait.
 
En effet, les combats ne sont pas des plus réussis et on a très vite l'impression de faire tout le temps la même chose : ils se suivent, se ressemblent et s'éternisent parfois, notamment quand on affronte un adversaire Sac-à-PV… inutile de vous dire que faire le jeu en mode de difficulté max n'arrange rien tant ce dernier a plus tendance à rajouter de la longévité qu’autre chose. Pour le coup, le choix qui a été fait par les développeurs n'est selon moi pas des plus judicieux. On a droit d'une part à un système classique avec des niveaux à gagner et des points de compétences à débloquer dans différents arbres dédiés. D'autre part, s’il est possible de créer plusieurs build (c'est-à-dire d'associer différentes compétences et attributs à Geralt), il est cependant impossible de passer de l’un à l’autre à la volée. La faute à un trop grand nombre de points d'expériences nécessaires pour concevoir un build ou tout simplement du fait que changer ses compétences et attributs prend pas mal de temps.
Résultat : on joue tout le temps de la même manière et avec les mêmes attributs (je n'ai par exemple dépensé aucun point de compétence dans l'arbre d'alchimie), et le jeu ne nous suggère pas de renouveler notre façon de jouer, bien au contraire. À ce compte-là, les développeurs auraient dû aller plus loin et se passer d'encore plus de mécaniques RPG, notamment des niveaux qui n'ont rien à faire dans un jeu où on contrôle un sorceleur âgé de presque une centaine d'années et dont le talent au combat est déjà censé avoir atteint son paroxysme. En fait, je crois que j'aurais préféré un système basé sur les styles de combat, un peu comme dans le premier épisode, mais modernisé et dynamique comme dans le trois, et dans lequel le but serait avant tout de trouver les bonnes tactiques afin de défaire chaque type d'ennemis dans différentes situations… en tous cas, je dois bien avouer que ce n'est pas le gameplay de The Witcher 3 qui marquera ma vie de joueur.
 
Du coup, vous vous en doutez, mais je vous ai un peu menti : que The Witcher 3 ne soit pas un RPG ne me gêne pas, loin de là. Le problème c'est qu'il reprend parfois certains aspects du genre, parfois non… mais très souvent de façon arbitraire. Un détail ridicule mais ô combien révélateur est le vol : volez devant des gardes et c'est un nouveau combat (généralement très difficile) qui débute, rentrez dans une maison et volez l'intégralité des objets qui se trouvent à l'intérieur et… rien, pas même une remarque provenant des résidents.
Ça en est de même concernant les choix à faire. Il y a un fort contraste entre les quêtes secondaires, nous permettant d'enchainer les choix cruciaux, et la quête principale. Si on excepte les choix concernant la destinée de Ciri… et bien il n'y en a pratiquement aucun d’intéressant ni d’important à faire lors de cette même quête principale : pour le coup, on est loin des deux premiers The Witcher qui proposaient des actes très différents en fonction du camp choisit à un moment donné. Aussi, je n'apprécie pas Yennefer ; je peux comprendre que ce soit un personnage important et qu'elle doive rester auprès de nous quoi qu’il arrive, mais j'aurais tout de même fortement apprécié pouvoir la délaisser un peu. C'est dommage parce que les développeurs affirment avoir voulu créer un côté « famille » entre les personnages de Geralt, Yennefer et Ciri (je suppose d'ailleurs que c'est le cas dans les romans)… et franchement, autant la relation Geralt/Ciri est brillamment écrite en plus de proposer l'une des plus belles séquence du jeu vidéo, autant l'écrasante majorité des scènes avec Yennefer ne fonctionnaient pas sur moi. Pire encore, elles m'ennuyaient !
Pour en revenir au sujet débuté plus haut, ce contraste entre les choix proposés lors des quêtes secondaires et la quête principale est assez frustrant et a sans nul doute contribué au fait que j'ai beaucoup moins apprécié faire cette dernière plus que les quêtes secondaires… surtout arrivé à son dernier quart. Une fois la défense de Kaer Morhen terminé le jeu n'arrive pas à retrouver l'intensité de cette quête, et aboutit sur un boss final vachement décevant.
 
Pour en revenir à Ciri, c'est un personnage brillamment bien écrit et extrêmement attachant. À vrai dire, si son gameplay n'était pas aussi inintéressant et limité, je pense même que j'aurais préféré continuer l'aventure avec elle tant les développeurs ont réussis à introduire en elle un charme encore trop rare pour un personnage de jeu vidéo… et encore plus pour un personnage féminin. Même Geralt gagne en intérêt quand Ciri est dans les parages, notamment car il arrive dans ces moments-là à montrer une autre facette de lui-même, beaucoup plus humaine et surtout celle d'un père dont l'avenir de sa fille adoptive compte plus que tout.
Alors certes, au moins deux tiers de l'aventure de The Witcher 3 sont centrés autour de « il faut trouver Ciri », et ce même objectif ne nous empêchera pas de parcourir l'intégralité de la carte pour achever des quêtes secondaires dont les enjeux se montrent toujours moins importants que cette tâche principale qu'on nous a confiés. Mais encore une fois… quelles retrouvailles ! Quel moment formidable de voir Geralt prendre Ciri dans ses bras pour la première fois après avoir vécu trois aventures en compagnie du loup blanc.
 
Oui, The Witcher 3 a des défauts, oui il n'est pas parfait, oui il m'a déçu, et non je n'accroche pas à son univers plus que ça… mais tout de même, quelle aventure ! Quel plaisir de parcourir Velen et ses marécages, de tomber au hasard sur un événement nous menant tout droit vers une énième quête secondaire remarquablement bien écrite. Quel régal de scruter chaque détail de l'environnement, de se rendre compte que pratiquement rien n'a laissé été au hasard par les développeurs. Quelle surprise de voir que ces mêmes développeurs de chez CD Projekt Red se sont davantage intéressés aux affres de la guerre qu'à la supposée gloire que celle-ci est censée rapporter quand on joue à de nombreux autres jeux du même genre. Quelle joie d'entendre ce doublage irréprochable, de constater le travail ahurissant effectué par les nombreux acteurs qui ont partagé leur voix pour que tout joueur puisse prendre un maximum de plaisir en parlant aux différents personnages ou écouter les quelques chants de cet univers.
J'ai beau eu faire The Witcher 3 plus de cinq ans après sa sortie, nul doute que les prochains RPG auxquels je m'adonnerais devront redoubler d'efforts dans l'écriture de leur quête et la maitrise de leur univers tant le jeu dont il est question ici pose la barre haute sur de nombreux points. D'ailleurs, toujours concernant l'écriture des quêtes secondaires, mis à part les titres se déroulant dans un univers complètement différent tel que Fallout New Vegas, seul Enderal a réussi à me proposer des quêtes dont le niveau se rapproche de celles du jeu dont il est question ici.
The Witcher 3 est, malgré tout ce que je pourrais lui reprocher, un jeu à faire absolument. Ne serait-ce, encore une fois, que pour ses quêtes secondaires ou pour scruter chaque détail de cet univers. Mais ça, vous le saviez déjà avant même de lire ma critique, car j'ose espérer que vous vous l'êtes procuré avant moi.
 
+Une vraie maitrise du monde ouvert
+Bourrés de détails
+Les quêtes secondaires qui à elle seules mettent à genoux 99 % de la concurrence
-Pas vraiment le RPG idéal
-Parfois trop d'informations… parfois pas assez
-Le dernier quart de l'aventure
-Gameplay plus répétitif et limité qu'il n'y parait

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le 1 juin 2021

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MacCAM

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