Disclaimer
Cette critique développe une bonne partie des aspects du jeu, et est à la fois longue et la deuxième partie contient des gros spoilers sur l'histoire .
Je décline toute responsabilité si vous comptiez jouer au jeu sans spoilers et que vous avez continué de lire cette critique.
Bref résumé (parce que diantre, votre critique est bien longue, Mère-Grand)
Edition Enhanced STOP Jeu beau STOP Utilise une version custom de l'Aurora Engine STOP Mais souvent pas très bien STOP Volonté d'éviter choix noir/blanc qui devient choix A/B trop convenus STOP Soucis de caméra et d'UI STOP Beaucoup d'aller-retours STOP Pas mal de bonnes idées mais la plupart ont des soucis STOP Sexualité un peu gratos STOP Crashs et bugs, ou problèmes de script STOP Histoire, personnage principal et contexte pas inintéressants STOP Mais dialogues et déroulement simpliste STOP Cela dit, suffisamment intriguant pour que je joue un jour au 2 STOP
Bref, le jeu n'est pas mauvais, mais aurait pu être largement meilleur à mes yeux, sans trop lui en demander. Peut-être qu'une partie de ce que je lui reproche est lié à mon expérience peut-être incorrecte du jeu, mais pas tout.
Cela dit, malgré les défauts mentionnés, je pense qu'il a retenu mon attention (et que CD Projekt a une réputation suffisamment bonne) pour que je joue à sa suite.
Du coup, bon, commençons.
On se lance
Vague contexte, remarques générales
The Witcher est un action-RPG inspiré d'une série de romans. Je ne m'attarde pas plus sur ces romans, je ne les ai pas lus.
Je vais parler du gameplay et de l'interface en détail avant de m'arrêter sur ce qui est plus spécifique à l'histoire et à l'univers du jeu.
A noter un bon point déjà : j'ai joué à l'Enhanced Edition. Il s'agit d'une version largement remaniée du jeu, sortie à peu près un an plus tard, qui a apparemment remanié certains aspects du jeu (train de vie des PNJ, inventaire, réduction des temps de chargement, amélioration des menus...), corrigé des bugs, et ajouté du contenu supplémentaire (OST + musiques bonus, des petites aventures annexes, une BD digitalisée, moteur de jeu accessible et remaniée, des clips making of...).
Ce qui est beau, c'est que ce contenu supplémentaire était gratuit pour les individus ayant acheté le jeu original en édition non en-hen-sè-deux. Un geste sympathique de la part de CD Projekt, et qui est une raison de plus pour laquelle je trouve cette entreprise attentionnée auprès des joueurs.
Autre remarque : il a fallu que je fasse une petite manip' pour jouer au jeu avec les textures en qualité élevée, manip' pas compliquée qui se trouve très rapidement après quelques recherches sur le net.
Le jeu est basé sur l'Aurora Engine, le moteur de jeu de Neverwinter Nights (vendu avec le jeu, avec lequel on peut créer ces propres aventures). Le level design a l'air de posséder quelques points communs (notamment le découpage en zones avec temps de chargement), mais si The Witcher est beaucoup moins gros, ses niveaux sont par contre plus complexes et recyclent moins de décors. Ayant joué aux deux, j'ai pu constater des différences de design et d'implémentation, pas toujours judicieuses, peut-être. NWN est sorti en 2002, ses extensions en 2003-2004 et son dernier patch en 2006, il me semble, et The Witcher est sorti en 2007.
De ce que j'ai vu, le jeu reprend aussi en grande partie les mécaniques permettant de paramétrer le comportement de l'IA, une bonne partie de l'interface utilisateur (inventaire, journal, système de conversation, ...). On y reviendra plus tard.
Esthétiquement parlant
Premier constat en jouant au jeu : il est plutôt beau. N'ayant pas joué à beaucoup de jeux en hache dé, je peux être impressionné par un jeu de 2008 (avec les graphismes au max). Les types qui ont fait les textures ont fait du bon boulot, les effets spéciaux sont plutôt cools, le cycle jour/nuit et la météo rendent bien, l'eau mouille, ... Bref, graphiquement plutôt beau.
Par contre, la variété des modèles laisse franchement à désirer. A part peut-être une vingtaine ou trentaine de personnages principaux, les dizaines de PNJ restants (parfois des personnages secondaires pas si anodins) n'ont qu'une vingtaine de modèles à se partager, modèles qui sont du coup réutilisés de façon abusive. C'est un peu perturbant, d'autant que NWN ne possédait pas ce problème (après, le jeu est beaucoup moins beau, la caméra plus dézoomée et on prend peu la peine de zoomer pour voir les détails taillés à la serpe sur les persos).
La plupart des cutscenes utilisent directement le moteur du jeu, mais de temps à autre, Geralt a des petits moments de réflexion au cours desquels quelques images s'affichent à l'écran pour souligner ses propos. Le style est très différent, mais pas désagréable. La cutscene du début et celle de fin n'utilisent pas le moteur et sont à mes yeux pas très jolis.
Si le jeu est dans l'ensemble plutôt beau, les animations ne suivent pas toutes. Les bras des personnages passent un peu à travers les vêtements amples, les cheveux passent à travers les épaules. Certaines des cutscenes m'ont fait rire tellement certaines animations étaient peu naturelles. Dans l'ensemble, ça passe. Mais Geralt (le perso principal, celui qu'on contrôle) est un peu rigide, et si en combat il fait des pirouettes et se trémousse dans tous les sens, son visage reste complètement inexpressif. Il ne sourit pas, ne s'énerve pas (sauf, curieusement, dans les cutscenes de début et de fin), et de même pour la plupart des autres personnages. Ca met un peu la pression sur les doubleurs, et hah, ils font ce qu'ils peuvent, mais c'est un peu difficile de ressentir l'émotion des personnages dans ce jeu.
Son, euh, sonaristiquement parlant... ?
Puisque j'ai mentionné les voix vite fait, parlons du son. Les musiques sont dans l'ensemble correctes, mais certainement pas transcendantes. Une ou deux m'ont un peu plus marqué (mais pas tant que ça non plus), d'autres m'ont un peu plus agacé.. Par contre, elles sont peu nombreuses, et l'architecture des zones du jeu fait qu'on les entend beaucoup trop souvent... (un problème beaucoup moins présent dans NWN). On y reviendra.
Le doublage est correct, certaines voix correspondent très bien aux personnages, d'autres sont moins réussies (un accent français raté m'a fait sourire, notamment). Je n'ai rien de réellement pertinent à dire à propos des bruitages, et comme le jeu était à l'origine en polonais, je suis prêt à accepter un accent français bizarre. Je trouve globalement que les personnages parlent trop lentement, cependant (un peu comme dans les Metal Gear Solid, tiens), ce qui m'a poussé à zapper les dialogues en lisant les sous-titres et m'a parfois fait louper des informations, sans possibilité de revenir en arrière (NWN gardait les dernières lignes de dialogue dans un menu, menu qui aurait été bienvenu ici).
Ah, quelques coquilles dans les textes, tiens. Rien de bien méchant.
Userinterfacetiquement parlant
Le jeu a par contre crashé six fois pendant mes quelque trente heures de jeu (Steam affiche 42, mais Steam ne sait pas que je l'ai laissé plusieurs heures tourner sans y jouer). Les crashs étaient aléatoires, imprévisibles - pas une manip' inhabituelle de ma part, en somme. Un peu inattendu pour une édition définitive, d'autant plus que l'Aurora Engine de NWN dans ses dernières versions est très stable... Une référence que certains comprendront : 'deux heures de jeu pour crever comme ça...' Heureusement que le jeu laisse la possibilité d'avoir des autosaves.
La caméra m'a posé quelques soucis... Le jeu possède trois modes de caméra (éloignée, moins éloignée, et posée au-dessus de l'épaule de Geralt). Aucun des trois modes ne m'a convaincu. Celle éloignée était trop lointaine pour moi, celle rapprochée était très sensible à mon goût (même en imposant une sensibilité minimale), celle moins éloignée déconne parfois un peu. Dans les trois cas, on a parfois des soucis pour se déplacer à la souris. En fait, si on clique sur un objet avec lequel on peut interagir (ennemi, PNJ, coffre, ...), Geralt va automatiquement effectuer l'action correspondante. Le problème, c'est que les zones sur lesquels on peut cliquer pour l'objet débordent largement, et on se retrouve à ouvrir un coffre quand on voulait juste éviter un ennemi. Cela arrive souvent, surtout quand la caméra fait un peu des siennes, et c'est pénible.
Les soucis d'interface ne s'arrêtent malheureusement pas là... Beaucoup de choix au niveau des menus m'ont un peu laissé perplexe.
L'inventaire est minuscule. Certes, Geralt ne prend pas la peine d'emporter un sac à dos, et je vois bien qu'il trimballe ses épées sur son dos, donc pas possible d'en avoir vingt, mais pourquoi est-ce que je ne peux prendre qu'une seule arme légère ? Pourquoi est-ce que je peux trimballer deux épées en acier, et seulement une épée en argent ? Pourquoi est-ce que je peux porter 25 (voire plus) ingrédients d'un même type (pour les potions et les bombes), mais seulement 10 diamants dans un même slot ? Pourquoi est-ce que si l'inventaire est aussi petit chaque contrat pour une quête annexe occupe un slot alors qu'on peut porter un nombre infini d'objets relatifs aux quêtes principales ?
Les dialogues sont très semblables à ceux de NWN. On peut faire des choix, ou parfois effectuer une action (offrir un cadeau, donner des pots-de-vin, par exemple). Par contre, il arrive très souvent dans The Witcher qu'un choix mène à quelques phrases et qu'ensuite la conversation se termine. On est obligé de reparler au personnage auquel on s'adressait pour poser d'autres questions ou aborder d'autres sujets.
Cela paraît anodin, et je sais j'me répète, mais NWN ne souffrait pas de ce problème. Et ce problème n'en serait pas vraiment un si parfois, dès la fin de la conversation les PNJ n'effectuaient pas une action (comme se recoucher, si on les a tirés du lit pour leur parler) pendant laquelle on ne peut pas interagir avec eux. On doit donc souvent attendre deux à huit secondes entre chaque conversation à cause de ça, un détail frustrant et qui rend certains dialogues bancals... C'est dommage, et cela aurait très certainement pu être évité.
De façon semblable, Geralt range son arme automatiquement après un certain temps s'il n'est pas en train de massacrer des trucs, et la range aussi au début de chaque cutscene.
Une décision curieuse, parce que si un combat se déclenche, il faut ressortir son arme au début de ce combat, qu'on est vulnérable pendant quelques secondes et que c'est un peu débile. Parce que ça paraît encore plus ridicule de ranger son arme au moment où on aborde un ennemi costaud dont on sait qu'il va nous attaquer dès la fin des préliminaires...
Cycle jour/nuit, quêtes
Le jeu comporte un cycle jour/nuit. L'intérêt n'est pas purement esthétique. Certaines créatures n'apparaissent que la nuit, et les PNJ ont une vie active : ils dorment -pour la plupart- la nuit, se réveillent à l'aube, vont se promener, couper du bois, boire un coup dans la taverne, ... Certains personnages vont vous donner rendez-vous à une certaine heure de la journée, aussi.
Ce système est plutôt intéressant, et globalement bien pensé à deux détails près.
Le premier, c'est que très souvent, seule l'heure de la journée importe, et pas le jour. On peut donc passer une semaine à faire autre chose pour revenir à midi accomplir une quête. Je trouve ce choix compréhensible, ne pas laisser cette liberté au joueur aurait rendu le jeu impossible. Par contre, à un moment, sans prévenir, le jeu comporte une quête qui nécessite d'agir immédiatement, sans quoi elle se solde par un échec cuisant. J'ai subi l'échec, et je n'étais pas content. Pourquoi changer de règles sans prévenir ? Peut-être que le jeu a laissé des indices que j'ai ratés, mais cela reste dans l'absolu à mes yeux du game design très fortement discutable.
Le deuxième, c'est que pour accélérer le temps, il faut aller se reposer. On peut aller se reposer en discutant avec certains personnages, ou en trouvant un endroit où allumer un feu. Le souci, c'est que l'on se retrouve plus d'une fois à faire des allers-retours vers le coin de repos le plus proche pour accélérer le temps. Se reposer est également indispensable pour améliorer ses compétences, ou pour créer des potions, des bombes ou des huiles. Ce ne serait pas autant un problème si les endroits et les PNJ pour se reposer n'étaient pas aussi dispersés. Les chapitres 2 et 3 sont particulièrement pénibles pour ça... Dans l'une des zones, les PNJ avec option repos sont tous dans des maisons (ce qui implique un petit temps de chargement pour entrer et pour sortir), et le seul feu est loin. Et une autre grande zone ne comporte pas de feu, juste des temps de chargement.
Je pense sur ce point qu'il aurait été plus judicieux de laisser Geralt acheter une tente ou je ne sais quoi, et de permettre de se reposer si aucun ennemi n'est à proximité (comme dans NWN, tiens (je sais je me répète, mais je justifierai un peu plus pourquoi plus loin)).
Les quêtes se déroulent parfois un peu curieusement. On est parfois contraint de discuter avec des personnages dans un certain ordre, qui n'est pas nécessairement très naturel ou intuitif, pour déclencher ce des évènements. Je me suis retrouvé plus d'une fois à me promener sans trop savoir ce que je devais faire, ou à faire un aller-retour parce que j'avais discuté avec un personnage plus tôt que prévu et qu'il fallait procéder différemment.
Dans NWN, le découpage en zone est encore plus important, et les temps de chargement sont du coup plus nombreux (et un petit peu plus lents), mais les allers-retours sont beaucoup moins nombreux et intempestifs grâce à une approche au niveau du level design différente. A la place, dans The Witcher, on finit par être agacés par certaines des musiques qu'on entend en boucle parce qu'on passe trop de temps dans une même zone...
Si en plus l'inventaire limité et les quêtes imposent d'effectuer des allers-retours supplémentaire, le jeu perd beaucoup en fun. La durée de vie est artificiellement prolongée, mais personnellement j'aurais préféré une expérience de jeu plus courte, moins chatoyante et mieux pensée. Certains des points qui m'ont le plus frustré ci-dessus auraient pu être corrigés très facilement...
Combats, amélioration de compétences et difficulté
Ah, je n'ai pas parlé des combats. C'est... ça va. Je n'ai pas trouvé ça génial, mais le système basé sur des timings pour attaquer, enchaîner des attaques, esquiver, changer de mode de combats, ben ce système passe. Le seul point qui m'ait frustré concerne le fait que Geralt peut rater des esquives s'il se trouve près d'un obstacle, et que les animations et la façon dont on rate le timing ne sont pas du tout intuitifs. Ca m'est arrivé plusieurs fois, mais c'est peut-être plus moi qui n'ai pas fait l'effort de comprendre jusqu'au bout les mécaniques de combat qu'un souci du jeu lui-même.
Par contre, le jeu n'est pas très dur. Je n'ai quasiment jamais fait l'effort d'esquiver ou de boire des potions (pourtant très présentes dans le jeu), et à part deux-trois combats plus difficiles sur la fin, ben, euh, suffisait de bourriner, quoi, même en mode normal. J'ai trouvé la difficulté inégale, par contre -certains ennemis nous bousillent si on ne les enchaîne pas correctement, et rapportent peu d'XP, d'autres sont des lopettes, meurent en trois coups de flammes et donnent plus d'XP. C'est peut-être dû à mes choix d'améliorations de compétences, ou à la façon dont j'ai progressé dans le jeu.
Un autre point qui m'a énervé. Deux grandes zones sont communes aux chapitres 2 et 3. Lorsqu'on change de chapitre, des nouvelles créatures plus puissantes apparaissent dans certaines de ces zones. Le jeu essaie vaguement de justifier leur apparition mais c'est plus un artifice servant le gameplay qu'une explication convaincante.
Le système de compétences est intéressant. On peut booster différentes compétences (améliorer le combat en groupe, le lancement des sorts, ...), mais celles-ci sont réparties en trois catégories (bronze, argent, or), qui font qu'on est obligé de répartir un peu les compétences et qu'on ne peut pas devenir trop puissant trop vite (les améliorations de type or sont peu nombreuses et ne se débloquent que vers la fin du jeu). C'est pas une mauvaise idée. Après, cela dit, on a peu de variété dans les combats. On peut se battre avec quelques armes, lancer un choix de cinq sorts, et voilà.
On a droit à quelques mini-jeux, aussi. Du poker dice pas désagréable, et des bastons au poing dans les tavernes (pas très différentes des combats).
Artificielle intelligance
Dernier point avant l'histoire : l'IA.
J'ai mentionné que la ville était vivante et les PNJ animés. C'est pas mal du tout, et plus poussé que dans NWN (les animations sont nettement plus nombreuses, notamment). Certains modules (aventures créées par les joueurs) de NWN ont par contre fait aussi bien, voire mieux, largement mieux, même, ce qui n'est pas chose aisée. En fait, dans The Witcher, on a très peu de possibilités d'interagir avec l'environnement (attaquer/discuter/ouvrir coffre, et c'est à peu près tout), ce qui est fort dommage. A part peut-être un jongleur qui fait des pirouettes et qui se fait applaudir, les développeurs n'ont pas fait preuve de fantaisie au niveau des scripts.
Cela contraste un peu avec des modules de NWN (j'en ai un en tête) dans lequel on peut se faire arrêter quand on se promène à poil dans la rue, et dans lequel les gardes nous attaquent s'ils nous voient forcer une serrure. Certains individus ont fait des trucs incroyables tous seuls (je me souviens aussi d'une fête foraine dans un autre module, et d'avoir été impressionné par la façon dont le créateur avait utilisé les scripts pour créer des attractions) que cent personnes n'ont pas pu faire dans The Witcher, malgré une base commune - l'attention a visiblement plus été portée sur les graphismes et les animations dans TW.
L'IA des ennemis est par contre moins bonne que dans NWN. Dans The Witcher, un ennemi nous attaque s'il apparaît près de nous ou si on se trouve suffisamment près de lui. Point. Dans NWN, un ennemi qui nous attaque fait l'effort d'envoyer l'alerte à ses compagnons proches, il peut éventuellement se soigner, faire deux-trois autres petites actions.
Ah, par contre, le pathfinding est globalement largement amélioré dans The Witcher. On peut cliquer quasiment n'importe où d'accessible, même un endroit très éloigné à peine visible, et Geralt s'y rendra de façon à peu près optimale. C'est sympa, et le serait plus sans ces problèmes de clics mentionnés plus haut.
Début des spoilers
Résumé approximatif
Parlons un peu plus de l'histoire et de l'univers, maintenant... (début des gros spoilers)
Geralt est un witcher. Une espèce de mutant devenu puissant et apte à chasser des monstres suite à un entraînement douloureux, et stérile en bonus. Au début du jeu, d'autres witchers le trouvent blessé, et (cliché) amnésique.
Le prologue est un tutoriel, et les évènements (les secrets des witchers se font voler par un vilain mage pas beau et une espèce d'assassin à lunettes au dialogue prévisible). Les witchers se séparent pour enquêter. Geralt va à Vizima, une, euh, une grande ville.
Dans cette ville, on enquête, on a un peu d'aide, et on se retrouve également impliqué dans un conflit concernant deux factions : ze Order of The Flaming Rose, et les non-humains. On se retrouve plus ou moins contraint à faire des choix autour de ces factions, entre autre, choix qui auront un impact sur les chapitres suivants.
Une fois la trace des voleurs retrouvés, on est temporairement écartés du conflit, avant de retourner à Vizima et de découvrir une ville en feu et en sang ; la situation a dégénéré, chevaliers de l'Ordre et non-humains se tapent dessus.
On se rend compte que les vols étaient liés à une conspiration, l'accomplissement des buts des organisateurs aurait des conséquences assez fortes (le roi serait tué, notamment), du coup on se bat pour éviter ça. On arrive à la fin du jeu, on comprend que les conflits ont été encouragés par le Grand Maître de l'Ordre, qui nous explique de façon cliché dans une séquence de fin un peu pénible qu'il a vu le futur, que l'humanité périrait et que ses actions avaient pour but d'éviter ce futur.
Voila, dans les grandes lignes, le scénario du jeu. On se retrouve placé dans des situations pas inintéressantes, et la situation dans laquelle on se retrouve à la fin du jeu laisse la possibilité à The Witcher 2 d'être un bien meilleur jeu que son prédécesseur scénaristiquement parlant (et je pense qu'il peut l'être aussi au niveau du gameplay, cf plus loin).
Frustration
Trois problèmes principaux :
Les choix qu'on effectue, certes moins noir/blanc qu'ailleurs, ne sont pas tellement moins arbitraires et limitants
Les dialogues, les comportements des personnages, et certains éléments du scénario sont simplistes, et parfois pas très rationnels
Le jeu justifie un certain nombre de choses par du bullshit et certaines séquences sont difficilement crédibles.
Bullshit & Cie
Commençons par le troisième point. Déjà, un truc qui m'a fait péter un câble devant mon ordi quand j'ai constaté ça : Geralt, un individu à peine capable d'enjamber une marche, SAUTE pendant les cutscenes. Il le fait au moins deux fois, pour atteindre des zones qui sont le reste du temps visibles mais inaccessibles. Argh.
Une autre séquence implique un loup-garou. Personne ne l'avait mentionné auparavant dans le jeu, me semble-t-il. On le pourchasse dans une partie de Vizima en pleine nuit, on fait beaucoup de bruit, et pas un soldat ne lève le petit doigt pour voir ce qui se passe, personne n'ouvre sa fenêtre, nope nope. Et -cela rejoint le deuxième point- si on ne le tue pas, on peut aller voir l'homme le lendemain, et pas de nouvelle option de dialogues (ou alors quasiment rien). Il faut discuter avec sa demoiselle. Pourquoi ? Et son origine n'est jamais justifiée, jamais expliquée. Et la ville s'en fout complètement.
Vers la fin du jeu, j'étais accompagné d'une sorcière (personnage important dans le jeu, avec laquelle mon Geralt entretient des relations plus que cordiales). Elle a un caractère bien trempé, est puissante, et n'hésite pas à cacher des choses à Geralt. Il lui est arrivé une fois ou deux de justifier des faiblesses du scénario par du magic bullshit (capable de détecter des sources de magie assez rapidement , mais apparemment pas de trouver le repère des voleurs avant un certain temps, malgré la présence d'un miroir de communication).
Devant la porte du Grand Méchant Du Jeu, Geralt se tourne vers elle : 'J'ai oublié mes potions. Flûte alors'. 'Sacwé Hub- euh, Geralt. Voyons, qu'est-ce que tu ferais sans moi ? Jr vais les chercher, brave étourdi.' Et hop, on l'éloigne, on peut affronter le Grand Méchant seul.
Geralt, witcher solitaire avec des années d'expérience, ayant survécu à pas mal de dangers, oublie ses potions ? Et l'indique seulement après plusieurs heures passées ensemble à se frayer un chemin dans une ville déchirée par des combats ? Triss, la sorcière, qui passe son temps à demander à Geralt de faire des trucs pour elle, part les chercher ??? Et est-ce qu'elle sait seulement où elle va ???
Mentionner Triss me fait penser aux relations amoureuses dans ce jeu (== le sexe, grossièrement), ce qui me fait subtilement (plus que ce que vous venez de lire au-dessus en tout cas) transiter vers (et m'arrêter quelque part au milieu entre le troisième,) le premier et le deuxième point.
Désolé pour le dernier paragraphe, il est un peu sale.
Sex is meaningless
Dans sa version non censurée, le jeu n'hésite pas à montrer des dryades toutes nues. Inhabituel, mais soit. Il arrive de temps à autre qu'on puisse séduire une femme/créature dans le jeu ; il semblerait que les witchers ont un peu de virilité et de charme, malgré leur visage apparemment figé. Ces scènes de séduction (qui permettent de débloquer une carte un peu érotique) sont purement gratuites. Elles n'apportent rien à l'histoire (à une minime exception près), les personnages n'en parlent même pas après. Aucun impact. Fire and forget. Pourquoi pas, Geralt n'a pas beaucoup d'attaches ni d'émotion.
Je trouve la gratuité du sexe un peu plus bizarre. Certaines des conversations sont bancales, et j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi le sexe est plus utilisé comme une récompense en fin de quête... Je sais pas, je trouve ça sans grand intérêt. L'un des modules de NWN auxquels j'ai joué abordait la sexualité de façon beaucoup plus crédible, naturelle et intéressante.
You must choose, Neo
Enfin bon, on peut avoir une relation plus approfondie avec deux des femmes du jeu (Triss la sorcière et Shani la, euh, médecin ?). Elles ont toutes les deux connu Geralt par le passé. Par approfondie, je veux dire qu'on aura droit à quelques lignes de dialogues pas très profonds supplémentaires par rapport à la moyenne.
Mais le jeu impose à un moment de faire un choix, en confiant un gamin au pouvoir magique un peu instable à l'une ou l'autre. On choisit une femme, l'autre nous envoie promener, et on ne peut plus interagir avec cette dernière. J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi. Geralt n'a pas le droit de s'expliquer, et la femme ne veut rien savoir, ne veut pas entendre d'explications, malgré le fait qu'ils se connaissent depuis des années, que le choix n'était peut-être pas lié à des raisons sentimentales, et que Geralt est de toute façon un witcher dont la génétique le pousse à s'en aller pour faire couler du sang vert. En plus, le jeu veut que l'on fasse de lui un coureur de jupons.
Après cela, si on entretient la relation amoureuse avec l'élue (il suffit d'être plus ou moins sévère avec l'enfant, woaw), on a droit à une deuxième carte érotique de sa part, et dans le chapitre suivant, on peut échanger une lettre ou deux. Dans ces lettres, Geralt s'exprime de façon beaucoup plus détaillée, parle d'émotions que son manque de muscles dans les joues le rendent incapable de montrer.
Plus tard, le couple se prend à rêver d'une vie normale, et entretiennent des propos qui sont en décalage complet avec leur statut de sorcière et de witcher. C'est bancal, rien dans le reste du jeu ne laisse supposer qu'ils aient envie d'une vie normale -surtout Geralt.
L'idée n'est pas absurde. Les intentions sont bonnes (comme pour tout ce qu'il y a dans ce jeu, d'ailleurs). Mais aaaaaaargh putain quoi. Pitié. Il y avait moyen de faire tellement mieux.
J'ai été perplexe devant les conséquences de mon choix pour la garde de l'enfant, je l'ai été encore plus pour un autre choix.
J'ai mentionné deux factions. Les witchers sont censés être neutres, mais on peut accomplir des quêtes pour l'une ou l'autre des factions. A plusieurs reprises, le scénario nous impose d'être assisté par ou d'assister l'une ou l'autre de ces factions.
J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi, si on se retrouve obligé d'abandonner sa neutralité, on n'a pas la possibilité, de discuter. Les elfes sont consommés par la haine, l'Ordre se justifie, euh, je ne sais même plus comment mais ce ne devait pas être très profond. Un witcher neutre, un arbitre parfait, non ? Chercher le dialogue, dans l'espoir de sauver des vies... ?
Eh ben non. On n'a pas ce choix. Geralt n'est pas dégourdi. Il laisse les évènements lui imposer des choix plutôt que de prendre les devants. Sauf quand il s'agit de rattraper les voleurs. Là il se bouge les fesses.
Et en plus, c'est un mutant, il n'est plus très humain, les gens sont incapables de lui faire confiance quand il ne s'agit pas de buter des monstres ou quand ça compromettrait le déroulement du scénario (tandis que plus tard, le roi laisse la vie de sa fille entre les mains de Geralt, chose qu'il avait déjà faite par le passé... Très cohérent).
Geralt est un personnage peu bavard, par nature et d'autant plus suite à son amnésie. Soit. Je suis prêt à accepter qu'il n'a pas envie de trop discuter, qu'il reste assez froid (et inexpressif, ne l'oublions pas), ne cherche pas à comprendre plus que ça, ait du mal à s'exprimer, ok.
Mais quand il est incapable de justifier un choix important correctement, ou qu'il se retrouve dans une situation où ouvrir la bouche et expliquer pourrait améliorer le sort de tout le monde, et que le jeu ne laisse pas cette possibilité, je trouve ça curieux.
On a le choix d'aider l'une des factions, et l'autre nous en voudra. Super choix. Pas manichéen, certes (enfin, pas tout à fait, cela peut complètement l'être selon la personnalité du joueur, un raciste anti-elfe verrait cela comme un choix noir/blanc, non ?), mais tout aussi arbitraire. Les conséquences de nos choix ne sont pas claires, on ne sait pas pourquoi certaines possibilités nous sont exclues, ou pourquoi les réactions des personnages sont telles.
Et en vérité, il existe un chemin neutre. On refuse à un moment d'aider une faction, et on décide de rester neutre. Et après, cette neutralité est critiquée ou mise en défaut à plusieurs reprises. Le jeu n'indique pas cette possibilité explicitment. Et ce choix n'est pas du tout naturel à effectuer, parce que le jeu nous impose auparavant d'interagir avec les factions. Combiné avec tout ce que j'ai dit précédemment, j'ai vraiment eu des soucis avec le déroulement du scénario de The Witcher.
Les dialogues
Allez, avant qu'on n'arrive à la conclusion. C'est un peu implicite dans ce que j'ai écrit ci-dessus, mais en plus des soucis de scénario, les dialogues sont souvent simplistes, courts, et naïfs.
Une fois qu'on a discuté avec quelqu'un, si l'histoire n'a pas avancé, ils ne raconteront rien de nouveau. Ils se limitent à ce qui est utile, ou utile au scénario. Des livres qu'on peut trouver ou acheter apportent un peu de contexte à l'histoire et développent vaguement l'univers. C'est tout. Les dialogues sont courts, et souvent, on pense qu'après telle action ou évènement tel personnage va pouvoir nous en parler un peu, et ce n'est pas le cas.
Dans le chapitre 2, un personnage appelé 'Gossip' nous parle un peu de la ville si on l'interroge. Je m'attendais après avoir découvert quelques trucs dans la ville, à ce qu'elle m'en dise plus, mais non. Ah, on peut la sauter, par contre.
Et c'est le cas pour des personnages principaux, aussi. C'est dommage... En fait, je pense que c'est dû au fait que l'intégralité des dialogues est doublée (et on a peut-être droit à des dialogues un peu plus raccourcis dans les versions doublées). NWN n'en doublait qu'une petite partie et les développeurs ont pu s'en donner à coeur joie sur le texte.
Si je ne trompe pas, six personnes ont travaillé sur le scénario, mais seulement deux sur les dialogues, d'après les crédits...
On approche de la fin...
Je crois que j'ai raconté la majorité des choses que j'avais à raconter...
Du coup, ouais... The Witcher est à mes yeux un jeu qui part de bonnes intentions, mais qui pêche par plusieurs décisions au niveau de l'interface, et dont l'histoire et les personnages manquent vraiment de profondeur. Les choix ont beau être gris, je ne vois pas en quoi ils sont meilleurs que des choix manichéens.
Je pense aussi que le jeu pêche parce qu'il détourne un peu un moteur de jeu plutôt spécialisé pour lui faire faire des choses qu'il n'est pas réellement destiné à faire.
Tu nous fais chier à autant comparer avec un autre jeu
Si je l'ai autant comparé à NWN, c'est d'une part parce que j'ai du mal à comprendre pourquoi certains choix dans le game design sont moins bons que dans NWN. Peut-être un manque de maîtrise du moteur, pour certaines choses ? Pour d'autres, je ne sais pas...
Neverwinter Nights est un jeu suivant les règles de Donjons et Dragons. La diversité des classes laisse énormément de possibilités au niveau du gameplay. Les dialogues sont très nombreux et très détaillés. On part explorer, on fait peu d'aller-retours, l'interface et les combats suivent des règles sans doute imparfaites mais très clairement définies ; le côté arbitraire vient de Donjons et Dragons, pas des choix des développeurs.
Et l'interface est bien mieux paramétrable dans NWN. On a plusieurs modes de caméra, et l'un d'eux est libre. Un autre exemple tout bête auquel je n'avais pas pensé est la minimap. Dans NWN, on peut la changer de taille, ou la virer, mais elle ne gêne pas. Dans The Witcher, elle est là, et elle est trop petite, et ne dézoome pas assez. Je me suis paumé une fois ou deux à cause de ça. Si on veut voir la version complète, il faut ouvrir un menu qui prend tout l'écran, arrêtant la progression. Elle ne m'a pas servi comme j'aurais aimé qu'elle me serve.
The Witcher est curieusement limité par ses graphismes, ses animations, et sa volonté de doubler les dialogues. On se retrouve avec des zones plus petites et plus condensées provoquant des aller-retours, des doublages limitant la quantité de dialogues... Le fait d'avoir des graphismes assez pousés fait qu'on recherche l'émotion dans les expressions des personnages autant que dans les dialogues et les voix, mais un Geralt inexpressif et des modèles recyclés à foison limitent les émotions perçues.
Les modifications apportées au moteur et la façon dont il a été exploité sont au final un peu en décalage avec ce qui fait la force de l'Aurora Engine...
J'ai un peu de mal à comprendre comment une femme -une seule personne, la majorité du temps- bossant seule pendant quelques mois avec l'éditeur de NWN est capable de pondre une aventure aussi longue que The Witcher, plus profonde et mature au niveau du scénario, laissant plus de possibilités pour (réellement) développer des personnages, alors que plusieurs centaines de personnes ont bossé sur TW. En plus, l'aventure à laquelle je pense est en deux parties, on peut exporter son personnage et ses choix d'une partie à la suivante (comme TW pour TW2). Certes, graphiquement TW l'emporte, mais bon. Niveau immersion, pas tant que ça.
Conclusion
The Witcher est clairement une déception pour moi. J'ai un peu de mal à comprendre la quantité de bonnes critiques qu'il a reçu par la presse.
Restons positif
Après, cela dit, le jeu possède des idées intéressantes (cycle jour/nuit, arbre de compétences par paliers, quelques idées au niveau des monstres ou de l'histoire, ...), et j'ai quand même bien ressenti la bonne volonté des développeurs. J'aime bien le concept du personnage du Witcher, et le jeu possède quand même des parties pas désagréables.
Et faire un jeu avec autant de branchements scénaristiques, beaucoup d'entre eux étant interdépendants, c'est tout de même difficile. NWN n'était pas aussi ambitieux sur ce point-là (certains des modules le sont), et je salue CD Projekt pour ça, ils ont tout de même pris des risques pour leur jeu.
Comme mentionné auparavant (je sais plus où et j'ai un peu peur de chercher dans la montagne de texte au-dessus), la réputation de CD Projekt, qui prennent, semblerait-il, vraiment soin des joueurs, ainsi que les opinions de critiques moins mainstream, et le fait que la situation de fin de The Witcher est intéressante, font que je jouerai probablement au 2. En espérant qu'il parvienne à s'émanciper un peu et que les personnages et le scénario gagnent un peu en maturité. Et que l'interface et les mécaniques de jeu soient améliorées.
Mais je suis prêt à donner une seconde chance à CD Projekt.
Cela dit, si vous n'avez jamais joué à The Witcher, je vous conseille plutôt (si vous n'êtes pas hermétique à des graphismes et des mécaniques de jeu légèrement austères) d'acheter Neverwinter Nights (10 euros avec ses deux extensions sur GOG), de jouer un peu au jeu histoire de comprendre les mécaniques, et d'ensuite aller sur NWN télécharger le module A Dance With Rogues. Largement supérieur à The Witcher, à mes yeux.