Ils sont omniprésents dans nos sociétés, leur silhouette est souvent utilisée en guise d'avertissement pour dissuader les intrus, ils sont les héros de nombreux films et séries télévisées mais se voient pourtant relégués au rang d'antagonistes dans la plupart des jeux vidéos; ce sont?
Les chiens? Presque, les flics, et le bien nommé This Is The Police va justement s'évertuer à nous faire vivre le quotidien ingrat d'un commissaire au bout d'un rouleau dans une ville gangrénée par la corruption où il faut concilier avec des prêtres pédophiles, la mafia omniprésente et un maire, agresseur sexuel notoire. With friends like these, comme ils disent; en somme, Sin City sans la plume de Miller mais avec la même tendance à mélanger sa gravité morbide avec un humour noir déconcertant, en témoignent certaines répliques hilarantes durant plusieurs arrestations alors que les thématiques abordées ne prêtent guère à sourire; certains pourront y voir une faute de goût mais malgré les nombreux clichés convoyés, l'écriture reste étonnamment bonne (même si elle est parfois un peu gâtée par un doublage approximatif et une traduction un peu basique).
Mais qu'à cela ne tienne car This Is The Police est avant tout un jeu de gestion, un genre qui n'est pas forcément mon domaine de prédilection mais force est de constater que dans la balance de la crédibilité réaliste et d'une mécanique interactive, le jeu trouve plutôt le juste milieu durant une bonne partie de son aventure : la mairie vous impose de réprimer une manifestation par la force mais vous en payez ensuite les frais devant les tribunaux si vous obtempérez, vos policiers endormis ou ivres se tuent au volant en allant faire leur investigation, les appels téléphoniques sont parfois de simples canulars et l'annonce publique d'un tueur en série sévissant en ville plonge les habitants dans l'hystérie collective noyant votre répondeur de faux témoignages; au jeu de la simulation, This Is The Police est plus malin qu'il n'y paraît, malgré ses touches d'excentricité, et j'ai été étonné plus d'une fois de constater la pertinence des conséquences obtenues suite à des actes irréfléchis (la routine parfois éreintante du commissaire amenant justement à prendre des décisions sans leur accorder le temps de réflexion nécessaire). Vous ne vous attacherez pas vraiment aux petits portraits que vous envoyez, inconsidérément ou non, vers le danger chaque jour mais vous en viendrez à apprécier les figures les plus méritantes (et les rares survivants sous votre service) au fur et à mesure de vos enquêtes résolues et arrestations fructueuses; dans le cas contraire, c'est le syndicat qui risque de frapper à votre porte et ce n'est jamais une bonne nouvelle pour les gens en haut lieu!
Une précision néanmoins qui pourra refroidir les attentes de certains : la corruption est omniprésente dans la cité et une composante essentielle du gameplay proposé; vous ne pouvez pas la dédaigner sous prétexte de finir votre service prématurément avec quelques balles en guise de petit déjeuner, si vous avez envie de faire le RolePlay d'un flic honnête et intègre, ce n'est malheureusement pas le jeu le plus approprié pour vous : ici, vous êtes le maillon d'un système plus imposant que votre petite personne et vous êtes obligés de composer avec : ainsi, en dépit de la multitude de choix accordés au joueur, This Is The Police s'avère en réalité touché par une certaine linéarité, même si cette dernière se dilue peu à peu au fil de l'expérience. Si vous êtes obligés de jouer le jeu en premier lieu, rien ne vous empêchera sur le long terme de tenter, à vos risques et périls, de trahir à votre tour vos alliés crapuleux pour mettre un terme à leur organisation : une victoire délectable car durement acquise même s'il est regrettable que cette excellente mécanique soit quelque peu décorrélée de la trame narrative où les choix proposés arrivent parfois comme un cheveu sur la soupe; This Is The Police est un excellent jeu de gestion et un chouette jeu narratif mais les deux ne se répondent malheureusement pas toujours très bien.
Enfin, le jeu gâche malgré tout ses belles promesses par un contenu inutilement étiré où il ne semble jamais vouloir se résoudre à nous mener à son dénouement; This Is The Police n'échappe pas à la malédiction du dernier tiers et le jeu s'enlise alors dans une redondance de son contenu et un équilibrage en PLS qui semble surtout désireux de filer plusieurs tartes dans la tronche du joueur sans lui offrir en contrepartie la carotte pour l'inciter à voir le bout de l'aventure, hormis la curiosité de voir la fin du scénario; une conclusion qui sera, quoiqu'il advienne, assez désabusée ce qui pourra générer son lot de frustration. C'est néanmoins là aussi la marque des jeux indépendants et dans le paysage de plus en plus aseptisé du jeu vidéo, cela fait plaisir de jouer à un jeu qui donne vraiment l'impression d'avoir été façonné par des créatifs qui se posent les bonnes questions et n'ont pas peur de placer le joueur dans une position inconfortable au lieu d'une énième merde consensuelle qu'on croirait généré par une IA pour nous faire le récital de Twitter; imparfait mais clairement pertinent dans sa démarche, This Is The Police nous rappelle cette simple vérité dont le médium interactif était autrefois maître à sublimer : c'est en sortant de sa zone de confort qu'on prend le plus conscience du poids de nos décisions.
Et l'OST déchire aussi.