The Sims - Sarajevo Edition

Pari ultra casse-gueule - montrer une guerre civile sous l'angle... des civils, justement, donc de la survie au quotidien avec ses galères pour manger, se chauffer, se soigner, trouver un peu de repos, ses dilemmes moraux... -, This War of Mine s'en sort au final plutôt pas mal. Et vu l'ambition et l'originalité de la proposition, c'est déjà beaucoup.

[Warning : il est recommandé de ne lire la suite que si l'on connaît déjà le jeu, l'effet de surprise et de découverte la première fois en constituant l'intérêt principal]

Il y a pourtant de quoi critiquer, d'abord parce que l'aspect « jeu de gestion » - des ressources, du temps et des capacités de ses personnages - est, à mon sens, trop privilégié par rapport à l'aspect narratif et émotionnel. Passé les premiers tâtonnements, on se concentre entièrement sur l'efficacité sans faille dont il faut obligatoirement faire preuve (bloc-notes et crayon hautement recommandés, soit dit en passant !) pour espérer survivre. Impossible de perdre du temps - qui défile à toute vitesse -, de faire des choix insuffisamment réfléchis ou « luxueux » (réparer une guitare pour procurer un peu de réconfort moral plutôt qu'améliorer en priorité le réchaud de fortune utilisé pour cuisiner, par exemple), sauf à en payer le prix, élevé, et compromettre au final ses chances de s'en sortir vivant.

C'est un choix clair et très défendable de la part des développeurs, qui vise de toute évidence, et réussit, à faire ressentir l'urgence, la tension, la dureté du monde chaotique dans laquelle notre petite équipe se trouve plongée... mais qui s'opère au détriment du background (distillé au compte-gouttes) et, surtout, des interactions entre les personnages. Qui peuvent, certes, tenter de se réconforter entre eux si l'un devient dépressif, ou noyer leur chagrin dans l'alcool, par exemple. Mais l'immersion psychologique aurait nettement bénéficié, à mes yeux, de davantage de dialogues, ou ne serait-ce que de plus d'allusions à des événements antérieurs au début du jeu. Ou encore de vraies relations d'amitié (ou d'inimitié), voire du développement d'idylles, entre les membres du groupe.

D'autant que (et c'est peut-être là - par contrecoup de ce choix d'être davantage un jeu qu'une fiction résultant des actions du joueur, même si les deux aspects sont présents - le principal reproche qu'on peut lui faire) This War of Mine devient, une fois que l'on a bien compris ses mécaniques, relativement facile. Peut-être trop. Autant les débuts sont galères, autant, une fois que l'on a réussi à mettre en place une stratégie qui fonctionne (et qui peut aussi bien, selon les parties, consister à devenir auto-suffisant en nourriture, en capturant des animaux et en faisant pousser des légumes ; ou tout miser sur le fait de revendre à un endroit ce que l'on a acheté à un autre ; ou se spécialiser dans la production d'alcool, de cigarettes ou de médicaments, toujours très recherchés ; ou encore aller « nettoyer » les zones infestées de militaires ou de bandits pour se procurer des armes, que l'on revend à prix d'or), on ne se retrouve plus confronté à aucun souci majeur. Ce qui implique que le dernier tiers du jeu (dans une partie standard, la date de fin de la guerre étant partiellement aléatoire) nous laisse sans but véritable, et se résume souvent à attendre en gérant de façon un brin routinière.

Alors, certes, chaque partie contient une part non négligeable de hasard, selon la saison (été ou hiver) et les personnages avec lesquels on débute (et ceux qui nous rejoignent éventuellement plus tard), les lieux auxquels on a accès, qui varient légèrement également, selon aussi quelques événements aléatoires lors des séances de collecte de ressources, et une poignée de variations plus générales (on peut être confronté à certains moments à une pénurie aggravée de tabac ou de viande, par exemple, ou à une hausse des attaques de pillards), ce qui influe assez nettement sur la difficulté, et contribue agréablement à donner une légère coloration unique à chaque expérience de jeu.

Il n'en reste pas moins qu'assez vite, on n'est plus vraiment surpris, et l'on se retrouve surtout à optimiser au mieux la réalisation de tâches assez répétitives.

Pour autant, This War of Mine réussit pour l'essentiel à maintenir un équilibre hautement délicat et sait faire, à quelques détails contestables près, des choix judicieux entre trop ou pas assez de complexité (munitions similaires pour toutes les armes, relativement peu de composants différents nécessaires pour réaliser les objets...), si bien que l'expérience de jeu est fluide, cohérente, bref qu'il n'y a, en termes de gameplay, pas de souci ou de déséquilibre majeur. Ce qui n'avait rien d'évident a priori, surtout dans un titre mêlant gestion de ressources, plate-forme, infiltration... et ayant une composante aléatoire, même si celle-ci n'est pas prédominante.

This War of Mine s'en sort donc globalement bien. Avec un budget sans doute loin d'une grosse production et un concept vraiment audacieux, le jeu est efficace et arrive à délivrer un propos à l'opposé de la majorité de la production vidéoludique. Alors certes, en laissant un peu plus de temps au joueur, avec plus d'éléments narratifs, une meilleure intégration de l'aspect psychologique et émotionnel, davantage d'aléatoire et d'effets de surprise, sans doute aussi plus de lieux et un peu plus de matériaux différents, ainsi que d'équipements réalisables, This War of Mine se hisserait un cran au-dessus. Difficile toutefois de reprocher aux développeurs d'avoir fait des choix clairs au service d'une expérience précisément définie et qui, au final, fonctionne.