For River - Miroir sur la vie
To the Moon n'est pas un jeu ordinaire. A vrai dire, c'est encore moins un "jeu" que ne le sont "The Walking Dead" ou "Heavy Rain". Il n'est ponctué que de quelques phases ludiques, sous la forme d'exploration, d'énigmes, et de moment de gameplay rarissimes sortant d'on ne sait où.
To the Moon c'est avant tout une histoire. Ce n'est d'ailleurs qu'une histoire. C'est presque finalement un Visual Novel sous la forme d'un RPG old-school. C’est une fable poétique sur la vie, forte en émotion, racontée avec talent, et accompagnée d’une musique magnifique. Chaque morceau va s’assimiler à une émotion, un personnage, un moment clé de la vie, et un tel résultat est parfaitement génial. C’est un petit moment de magie hors du temps où le jeu vidéo décide de traiter d’amour plutôt que de guerre.
L'histoire est celle de Johnny, un vieil homme mourant dont l'ultime souhait est de se rendre sur la lune. Pour se faire, deux docteurs vont devoir implanter ce souvenir dans sa mémoire, réalisant ainsi son vœu le plus cher... Ainsi, ils doivent remonter le cours de sa vie, période par période, pour implanter ce désir le plus tôt possible, pour que ses souvenirs se modifient, et que son objectif se réalise fictivement dans son esprit de mourant.
A travers ces deux héros, le joueur va donc vivre à l’envers la vie entière de John. Il va remonter, vivre chaque moment fort de son existence, chaque joie, chaque peine, chaque espoir, chaque doute. Et plus il ira loin dans le passé, plus il comprendra les souvenirs les plus récents, plus il comprendre la nature de la vie qu’il traverse. Et plus il ira loin dans le passé, plus il sera confronté à l’inévitable, à l’inéluctable et croulera sous le poids du destin… car il connait la fin de l’histoire, il connait la fin de cette vie, la fin de ces vies. La source de chaque émotion fait écho avec sa finalité. Ainsi, en remontant le temps, il comprend la force des regrets de John à la fin de sa vie, car il ressent lui-même ces regrets-ci. Et au final, il finit par ressentir cette vie. Il finit par vivre lui-même cette vie.
La force de To the Moon est celle de montrer une vie entière, et de la faire vivre à travers le spectre du souvenir. Les deux docteurs ne sont qu’une excuse pour observer cette vie, ce retour en arrière. Ces personnages sont plus que jamais nos avatars, ils nous représentent nous les joueurs. Comme nous, ils découvrent, ils admirent, ils apprennent, ils cherchent à comprendre. Avec nous, ils vont être surpris, tristes et heureux, ils vont se moquer, ils vont vouloir gifler John pour certains de ses choix, et ils n’hésiteront pas à commenter pour le signaler. Derrière le voile de ces personnages se cachent donc les joueurs, vivant la même aventure qu’eux.
Mais n’est-ce pas encore plus profond que ça ? A vrai dire, les joueurs remontant le fil du souvenir se trouvent également être un voile derrière lequel se cache l’homme mourant méditant sur sa vie. Arrivé au bout de son chemin, il en refait le tour dans sa tête, avec nostalgie, avec mélancolie. C’est pour cela que nous n’en voyons que les moments les plus forts, les plus marquants. C’est pour cela que les visages anodins sont oubliés. L’homme mourant fait le point, il se moque de ce qu’il a pu dire ou faire lors de son jeune âge, il facepalm lui aussi rétrospectivement devant sa stupidité. Il compte les espoirs perdus, les désirs réalisés, les regrets. Il réfléchit à ce qu’il aurait pu changer pour que sa vie tourne plus favorablement.
J’y vois là une métaphore sur la vie. Tous, nous sommes prisonniers de nos souvenirs, bons ou mauvais. Tous nous construisons notre chemin, en regardant en avant tout en gardant un œil en arrière. Les espoirs sont là, les regrets aussi. Cette vie est celle que nous vivons tous.
To the Moon nous le rappelle magnifiquement. Et nous donne l’occasion de tenter de modifier des éléments, même fictivement, pour imaginer des Timelines différentes. Imaginer. S’évader. S’envoler…
To the Moon.