Souvent taxé d'être un "reskin" de Rome II par les détracteurs les plus sévères d'Attila, la réalité de ce titre est un peu plus complexe même si - au fond - cette remarque traduit bien la maladresse de CA avec ce jeu qui n'est ni plus ni moins que Rome II Barbarian Invasion. Une extension donc - oui - mais une des extensions les plus différentes du jeu de base et qui était d'ailleurs un standalone.
De fait, Attila reprend bien la carte et l'ossature ludique de Rome II remaniée graphiquement pour coller au thème et "améliorer" (ou plutôt la dégrader dans les faits) l'expérience mais propose une expérience notablement différente. En effet, si Rome II était un Total War "canon" au sens héritier des épisodes bac-à-sable à grande échelle dans lequel le focus portait sur l'établissement assez libre de son empire, Attila quant à lui ressemble plutôt à un jeu de survie, ce qui explique sans doute sa popularité auprès d'un groupe de fans.
Comme dans Barbarian Invasion, le jeu s'inscrit dans le contexte de la déliquescence de l'Empire Romain qui finira par "disparaître" progressivement par un mécanisme de remplacement sur fond d'invasions, de pillages et de dépeuplement. La différence avec l'extension citée en amont vient de la focalisation sur Attila qui clôture la période : Empire avait Napoléon, Rome II a Attila et donc plsu largement des Huns.
Ce contexte induit des paramètres de campagne et des mécanismes exprimant ludiquement ce contexte et faisant d'Attila un jeu très orienté dans une direction et donc moins "neutre" que les épisodes canons.
En effet, pour simuler les problèmes d'ordre public, de déliquescence, de climat, etc. de l'époque, d'énormes pénalités d'ordre public ont été appliquées au jeu (rendant d'ailleurs le contrôle de l'empire romain d'occident extrêmement difficile avec le besoin quasi immédiat d'abandon de 50% du territoire pour survivre). Le problème ? Ces pénalités ont été appliquées uniformément au jeu même là où cela ne se justifie pas forcément : par exemple dans l'Empire Sassanide où l'équilibre du début est facilement bouleversé. Ce problème peut se justifier avec les "barbares" pour des raisons logistiques et culturelles, mais pas pour toutes les nations et tous les points de la carte. A cause de cela, vous pouvez presque mettre une croix sur vos velléités de création d'empire ou royaume tant les rébellions et le chaos militaire permanents.
Ceci dit, pourquoi pas ? C'est le principe du jeu.
Ce principe s'incarne aussi dans le concept de horde qui est le même que dans Barbarian Invasion : contrairement à Rome II ou aux autres épisodes classiques, une faction peut survivre si elle ne possède aucune province. Elle est alors une horde qui transporte son campement (qui se gère comme une ville mobile) et peut errer un peu partout, pillant et brûlant tout sur son passage. D'ailleurs, les Huns ("normaux" ou "blancs") ne peuvent s'établir et ne peuvent sortir de horde (ce qui ne se justifie pas vraiment mais passsons), rendant leur utilisation amusante un temps mais rapidement ennuyeuse bien qu'ils puissent avoir des états vassaux. Ce mécanisme donne également lieu à une nouvelle action à la suite d'un assaut réussi sur une ville : le rasage de la colonie. Cette action a pour effet de détruire littéralement la ville, laissant un tas de cendres, la région devenant abandonnée et repeuplable ensuite avec une population amoindrie et une ville vierge.
Au niveau des actions, nous retrouvons trois types de nations : les huns, les barbares (qui se ressemblent absolument tous en étant parfaitement honnête, c'est d'ailleurs le point négatif majeur du jeu) et les grands empires menacés (les deux empires romains et l'empire sassanide), les barbares étant soit les hordes en fuite face aux huns, soit les barbares locaux du genre goths.
Enfin, le jeu introduit de nombreux paramètres de fond qui influent plus fortement sur le jeu : insalubrité, maladies, religions, ... En fait, Attila est dans le fond plus complexe que Rome II.
A lire tout cela, Attila serait donc un super jeu non ? Eh bien c'est là que le bât blesse : pas forcément.
Le problème en fait est d'avoir présenté le jeu comme un nouveau Total War alors que dans le fond il est semblable à Napoléon : c'est une espèce de standalone extrêmement orienté dans ses mécanismes et son approche alors que les épisodes canons sont plutôt des jeux de conquêtes plus ou moins libres. En sus d'être un peu maladroit, cette non-affiliation a eu un effet négatif sur le jeu...son abandon.
Si certains fans crient leur incompréhension face à la plus faible popularité du jeu face à Rome II, cette limitation de l'audience est assez compréhensible.
Pour ma part, j'avoue ne pas avoir trop accroché au jeu malgré tout ce que j'ai dit et qui - sur le papier - est intéressant. Le problème est que dans la pratique, Attila ressemble plutôt à un beau bordel extrêmement lourd et sans aucun sentiment de progression. J'ai parlé de jeu de survie mais c'est exactement ce qui caractérise le mieux l'expérience Attila ; en effet, quand ce n'est pas les rébellions permanents qui rongent vos territoires acquis avec difficulté, des hordes semblant vous prendre irrémédiablement pour cible vous tomberont dessus comme sorties de nulle part (avec un retour à l'IA à moitié tricheuse des anciens opus).
Les mécanismes de fond sont intéressants mais incontrôlables ou juste indirectement de façon obscure. Un jour, je me suis dit que c'était peut-être de ma faute et je suis allé voir ce que disaient les joueurs hardcore du jeu : eh bien ils avaient les mêmes solutions que moi et c'est là un problème récurent de la série depuis Empire ; CA introduit de nombreux paramètres obscurs mais très peu d'actions pour les contrôler ou les visualiser de manière propre. Ainsi, on finit par régler cela en faisant un peu toujours les mêmes bâtiments de partout avec de temps en temps des variations inexpliquées des niveaux de nourriture ou autre. De toutes façons, même quand tu essaies de jouer bien dans ce jeu, les améliorations que tu obtiens sont tellement dérisoires que tu te dis que jouer à l'instinct est suffisant.
Ce manque de contrôle touche aussi toutes les autres parties du jeu comme la diplomatie qui est du grand n'importe quoi. Plus que dans n'importe quel autre TW, les factions vont un peu partout, t'interpellent de façon bizarre et auront un comportement imprévisible en termes de négociations.
Ajoutez à cela un arbre généalogique dont j'ai toujours eu du mal à détecter l'intérêt dans tous les TW (je n'en parlerai donc pas), et vous obtenez un joyeux bordel incontrôlable et qui donnera l'illusion d'une difficulté intelligente au joueur. J'ai toujours eu du mal avec les jeux à la difficulté artificielle car vide de sens.
D'ailleurs, Attila démontre bien qu'il est assez proche des autres épisodes ratés de ce point de vue puisque finalement la meilleur manière de jouer est de frapper vite avec peu de temps mort (paradoxalement en s'investissant donc moins dans la partie """gestion""" du jeu) en conquérant à la bourrin.
D'un point de vue plus personnel, je trouve également Attila très laid, surtout en comparaison avec Rome II. la carte ressemble à une immense étendue vert caca d'oie avec des effets assez criards et une interface illisible car retombant dans les travers des épisodes reposant sur le moteur d'Empire :icônes minuscules, factions difficiles à identifier (en fait cela est spécifique à Attila), écritures du même ordre, etc. Ce choix artistique est volontaire mais voilà : on retrouve le beau bordel ludique dans l'interface et les graphismes.
Enfin, il faut avouer que les barbares se ressemblent tous et reposent presque exclusivement sur la cavalerie. Ainsi, bien que connaissant un peu les spécificités historiques de certaines factions, on en vienne quand même à se dire "oh merde encore ces putains de barbares".
La présentation du jeu en un nouveau TW entraîne également un beau lot de DLCs payants limitant le choix de base parmi les factions et demandant ainsi de repasser à la caisse séparément de Rome II pour un jeu qui est en sus abandonné et largement moins mis à jour que ce dernier qui propose beaucoup plus de factions et qui est bien mieux optimisé.
Ainsi, sans être un mauvais jeu - au contraire si vous aimez le principe de survie - Attila a du mal à justifier son statut de "vrai" Total War et accumule les défauts pénibles qui rendent le jeu assez artificiel du point de vue de sa complexité affichée mais pas laissée à portée du joueur comme beaucoup d'épisodes depuis Empire inclus. Peu varié, bordélique, désagréable visuellement, Attila aura peut-être manqué de mises à jours qui auraient pu en fait un jeu équilibré. Quoi qu'il en soit, ceux qui disent qu'Attila est ce qu'aurait dû être Rome II racontent n'importe quoi tant le principe fondateur et les mécanismes de gameplay associés sont radicalement différents. A vous de voir donc, pour ma part c'est un non.