Total War: Pharaoh
6.2
Total War: Pharaoh

Jeu de Creative Assembly et Sega (2023PC)

Pour les curieuses et curieux qui ne sauraient pas de quoi on parle, TotalWar est une licence de jeu de grande stratégie vieille de plus de 20 ans. Cumulant pas moins de 17 jeux traversant diverses époques, TotalWar Pharaoh est la dernière déclinaison en date de cette franchise, divisée aujourd’hui en deux catégories : les « historiques » et les « fantastiques ». On y incarne un peuple issu de l’une de ces périodes avec comme but de conquérir le monde (of course !). Le gameplay est double : la gestion de nos villes et de nos armées se passe au tour par tour, pendant que les combats tactiques se déroulent en temps réel. Ce nouvel opus est développé par Creative Assembly (CA), le studio historique à l’origine de la saga et appartenant au mastodonte Sega.


La licence peut se targuer d’être une référence dans sa catégorie, encensée à la fois par la critique et les joueurs et est régulièrement présente dans le top 50 des jeux les plus joués sur la plateforme Steam. Sauf que. Quand on regarde les chiffres - à défaut d’avoir celui des ventes, prenons le nombre de joueurs et les avis publiés - ce Pharaoh tire sacrément la tronche. Pour votre information, quand un jeu de cet acabit se tape une note globale de « moyenne » sur Steam (qui est un pays de bisounours), c’est pour dire que le jeu est nul. Sauf que moi je l’aime ce jeu !


Alors bon je vous vois venir ; le mec est un hypster, il aime les trucs que les autres détestent, il défend comme un petit mouton CA et sa politique de « Marvelisation » de ses séries, nul, zéro, bouh. Ok, alors déjà on se calme petit détracteur impertinent issu des limbes de mon cerveau et ensuite voyons ça ensemble ?


Pharaoh - je vous le donne en mille - se passe en Égypte à l’époque de la 19e dynastie. La carte descend jusqu’à la Nubie et remonte jusqu’à l’Anatolie, en passant par la région de Canaan. Un des premiers point que je souhaite souligner ici, c’est que contrairement à l’idée reçue, le terrain de jeu est vraiment grand. Pour celles et ceux qui aiment jouer de longues campagnes, vous serez servi. Sans même parler des cas extrêmes (commencer tout au sud ou tout au nord), vouloir contrôler l’entièreté de ces territoires par la force prend du temps, beaucoup de temps (comptez 200 tours en moyenne en facile). Mon seul bémol concerne justement les deux factions aux opposés de la carte (le roi hittite ou le prince nubien pour ne pas les citer) qui mettent une bonne moitié de campagne avant de « découvrir » la région voisine.


Je ne suis pas un expert en la matière, mais ayant eu la curiosité d’aller fouiner un peu, je peux vous dire que les différents personnages, lieux, bâtiments et unités sont tous pertinents. Certes, le principe même d’un TotalWar est de remodeler l’histoire en plaçant notre champion au milieu, mais la situation de départ est bel et bien celle de la région à cette époque. Rien de plus normal pour un opus « historique » me rétorquerez vous, mais je dois avouer que c’était chouette de retrouver ingame tout ce que j’ai pu lire ça et là sur internet. Ça fourmille de références, entre les alliances de départ liées aux mariages, les liens de vassalités, les postes occupés à la cour et les prétendants au trône. Vous pouvez également choisir d’orienter votre religion, devenir un grand bâtisseur, jouer au politicien ou au classique grand conquérant, dans la veine des anciens pharaons. Si vous vous lancez dans la guerre avec vos voisins (ou dans la guerre civile pour la couronne), votre civilisation en subit les conséquences, faisant baisser vos revenus, créant des calamités… A moins que vous n’ayez prévu le coup et faites appel au marché noir, qui profite du chaos ambiant pour s’enrichir !


En parlant de la guerre, j’ai pu lire qu’un des reproches fait au jeu était sa liste d’unité limitée. Certes il n’y a pas de cavalerie ni d’artillerie, mais la force de cet opus réside dans les nuances pour une fois : les troupes n’ont pas les mêmes armes, armures et style de combat que vous soyez en train de recruter à Damas ou à Pi-Ramses. Ces mêmes troupes natives du désert, ne subiront ni l’usure ni les pertes de moral liées à la chaleur étouffante, contrairement à votre adversaire venu en armure lourde vous attaquer. Avoir des troupes « légères » peut se révéler utile pour contourner une formation ennemie, là où dans un autre jeu, cette infanterie serait rapidement mise au placard, dénudée d’intérêt en comparaison d’une cavalerie plus rapide ou d’une infanterie plus armurée. On réfléchit plus longuement à la composition de ses armées que sur un autre TotalWar ; où va t’on attaquer? Qui ? Quelle sera la stratégie, le terrain, la météo (petite nouveauté rafraîchissante) ?


A toutes ces considérations de bataille, il faut ajouter le choix des territoires à conquérir : est-ce que je veux ces terres à l’ouest pour l’or, cette région du Nil fertile, ou la légitimité que va m’apporter cette capitale de province ? Avec la pléthore de bâtiments différents disponibles (prends en de la graine Warhammer), il est vraiment possible de spécialiser son territoire, de le modeler, de s’y attacher. Perdre son gisement de bronze alors qu’il était le seul ou se faire raser son temple qui maintenait le bonheur du peuple peut avoir de sérieuses conséquences. La formule provient des 3 Royaumes (opus chinois), mais qu’elle soit reprise et améliorée (les avant-postes) n’est pas pour me déplaire. On est toujours poussé à maintenir de petites garnisons, chose logique et pourtant inconcevable économiquement parlant dans d’autres opus. On ne recrute pas non plus une armée en un claquement de doigts, ce qui demande de l’anticipation, de la réflexion. En bref, la partie gestion est plus touffue, de même que la diplomatie (grâce au gouvernement), et si l’on n’atteint pas le niveau de complexité d’un jeu Paradox, les minutes et les choix s’égrènent à chaque tour.


Au niveau graphique, le jeu est plutôt joli. Les batailles sont détaillées, les lumières chatoyantes, les troupes bien modélisées. Les effets de flamme, de sable ou de tempête en imposent. L’interface est un peu fade mais lisible et le passage d’une vue zoomée à une vue globale est fluide. Les personnages principaux sont magnifiques (on voit leur ride, leur veine, le khôl), ils évoluent avec leur équipement, Ramses III se payant même le luxe de changer physiquement en vieillissant (pourquoi seulement lui, c’était cool comme idée !). J’aurai aimé le même soucis du détail pour les généraux secondaires, malheureusement trop lambda pour qu’on les distingue et qu’on s’y attache. Alors oui, tout le monde attend ce fameux nouveau moteur graphique, censé révolutionner les TotalWar, et non ce n’est pas pour ce Pharaoh. Il reste que le jeu et ses effets sont de très bonne facture et tournent sur un PC avec une configuration standard, sans bugs ni ralentissements pour ma part.


Il y a néanmoins toujours les mêmes défauts : manœuvrer dans les rues d’une ville relève de l’exploit, les lignes de vue pour les tireurs ne sont pas toujours claires, ce qui peut être frustrant à la longue. La fin de partie peut paraître également un peu harassante, une fois le rouleau compresseur enclenché et que les tours s’enchaînent mécaniquement à base d’auto-resolve. Pour la fin justement, il y en a 3 niveaux, en fonction du délire de conquête que l’on se fixe. Les points d’objectifs nécessaires se retrouvent dans toutes les catégories, si bien que l’on est jamais forcé d’aller dans une voie, à moins de vouloir une « victoire totale ».


Un petit mot également sur la personnalisation de campagne, largement paramétrable. Chaque point ou presque de gameplay est ajustable, que ce soit pour modifier son expérience ou la difficulté du jeu. Pour un jeu de type « bac à sable », c’est évidemment un gros point fort, Creative Assembly ayant enfin compris que cette option était nécessaire et non pas à laisser aux bons soins des moddeurs.


Au final, ce Pharaoh joue des mêmes forces et faiblesses que les précédents opus, améliorant sa formule juste ce qu’il faut pour nous faire replonger. La période pourra rebuter certains, surtout que la saga Troy n’est pas si vieille, ou au contraire convaincre ceux qui n’y ont pas joué. Reste que le jeu a su me happer, le syndrome du « juste encore un tour » étant bien présent, me faisant totaliser une bonne quarantaine d’heure après seulement une semaine de jeu.


Mais alors, pourquoi cette note globale, cette tourmente autour de Pharaoh ? Tout d’abord, et contrairement à ce que j’ai pu laisser entendre dans mon premier paragraphe, ce n’est pas l’équipe habituelle qui s’est occupée de cet opus. CA a fait appel à son équipe polonaise pour développer Pharaoh, en lieu et place de son équipe britannique. Bien que le travail fournit soit à la hauteur, nombreux sont celles et ceux qui y ont vu un gage de qualité moindre, avec une sous-traitance bas de gamme en Europe de l’est. Et à cette histoire déjà peu glorieuse s’ajoute son prix dans un contexte d’inflation. Avec une sortie day one à 60€ pour le jeu de base (no comment sur les collector, on en reparlera peut-être un jour), ça commence à picoter pour le porte-monnaie, surtout au vu du faible nombre de nations jouables (8 sur les 70 que contient la carte). Tout le monde sait que le jeu prévoit des DLC pour tenir dans la durée et justement…


La licence TotalWar - avec en tête de gondole Warhammer - se voit reprocher le prix et le contenu de ses récents DLC. Avec des addons à 30€ plutôt chiches en nouveautés, la colère des joueurs a récemment éclaté, la communication (et tentative d’explication) de CA sur ses prix étant au mieux maladroite et au pire malhonnête. Le fait que Sega, en proie à des difficultés, fasse le ménage dans ses licences n’est également pas passé inaperçu. Certains jeux ont été annulés, d’autres sont dans le rouge, et les quelques pépites doivent éponger les dettes des autres… Pris dans une belle « shitstorm » médiatique, le dernier né Pharaoh essuie donc - de mon point de vue - les foudres des décisions prises pour ses prédécesseurs. Si je suis d’accord pour dire que le joueur n’a pas à être pris pour une vache à lait et que je rejoins le mouvement de la communauté pour retrouver de justes prix, je ne suis pas d’accord pour faire payer injustement Pharaoh. Ce jeu n’est pas mauvais, loin de là : il possède de nombreuses qualités, mais il est visiblement sorti au mauvais moment.


Si j’ai voulu écrire cette critique, c’est avant tout pour ceci : ça ne me dérange pas qu’un jeu nul se fasse défoncer. Ça ne me dérange pas non plus qu’on boycotte un studio pour ses pratiques commerciales hors sols. Mais ce qui me dérange, c’est qu’on utilise le système de notation pour faire croire qu’un jeu est mauvais alors qu’il ne l’est pas.


Un Miqote en colère.

Yumiqote
7
Écrit par

Créée

le 23 oct. 2023

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Yumiqote

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