Bon ok, l’affirmation est un peu présomptueuse dans la mesure où je n’ai pas joué au premier Uncharted. Ceci étant, ce n’est qu’à partir du deuxième épisode que la saga a pris l’ampleur qu’on lui connaît et les combats n’étant clairement pas ce que je préfère dans un jeu, je ne pense pas trop me tromper en retirant au premier épisode ses prétentions au titre de meilleur Uncharted.


Uncharted 4 clôt la série en beauté avec une maîtrise dans la gestion du rythme qu’on ne lui connaissait pas : la proportion entre les gunfights et les phases d’exploration s’inverse enfin au profit de ces dernières. L’air de rien, ça change pas mal de choses parce qu’Uncharted n’est plus seulement ce jeu de fuite en avant avec une action omniprésente qui le rend épuisant à la longue, il offre désormais aussi des moments contemplatifs, plus posés, qui participent à l’immersion du joueur. L’action est resserrée, avec une moins grande variété de destinations que dans Uncharted 3, ce qui offre plus de cohérence à l’ensemble sans pour autant sacrifier au dépaysement : on a ici davantage le temps de s’attacher au lieu (c’était tellement la tristesse d’avoir un seul pauvre niveau à Sanaa avec si peu de temps qui permette de se consacrer à la ville…)


Le jeu se pose comme la synthèse de tout ce qu’à fait Naughty Dog sur la précédente génération, il en est l’aboutissement. The Last of Us est passé par là et si la série conserve le ton humoristique et décontracté qui la caractérise, les relations entre les personnages et leurs émotions ne sont plus tout à fait traitées de la même façon (Amy Hennig, habituée des Uncharted a cédé la place à Neil Druckmann déjà derrière TLOU). Clairement, cet épisode vient mettre un point final à la saga, il regarde volontiers en arrière, sans regrets mais avec la fierté du chemin parcouru et cela se ressent dans la nostalgie qui émane de certaines séquences.


Si les environnements ont gagné en ouverture, l’ensemble reste cependant assez limité, on ne s’écarte pas d’un level design pensé pour assurer une progression fluide, jamais interrompue : on identifie toujours immédiatement notre destination et le chemin à parcourir pour l’atteindre. La relative liberté de mouvement ne fait pas disparaître la frustration de ne pas pouvoir explorer les lieux comme on le souhaiterait, les obstacles qui nous barrent opportunément la route sont nombreux, et on pestera contre certains d’entre eux qui sont difficilement justifiés (à configuration identique, à tel endroit je peux pousser les battants d’une porte avec l’aide d’un coéquipier parce que le jeu le prévoit, mais par contre je ne peux pas ouvrir cette autre porte parce que les level designers veulent me faire emprunter un chemin plus long…) Bien sûr les décors sont toujours aussi époustouflants, avec des graphismes une fois encore à la hauteur de la réputation des Uncharted et on s’arrêtera régulièrement pour admirer un panorama saisissant.


Uncharted 4 assume son statut de blockbuster et la narration repose sur une trame simple aux rebondissements prévisibles, mais qui parvient à ménager quelques moments plus inattendus, notamment dans ses phases d’exploration. L’écriture fait également la part belle aux personnages, aux relations qu’ils entretiennent et à leur évolution. Sans que ce ne soit d’une finesse extrême, c’est suffisamment bien réalisé pour qu’on se laisse porter. Mais l’histoire affiche aussi de grosses incohérences dont il est parfois difficile de s’extraire :


Outre les incohérences inhérentes au genre (la chasse au trésor avec des dispositifs massifs ultra sophistiqués toujours en état de marche), j’ai surtout été choquée par un fait : Libertalia se trouve sur une île et est caractérisée par des constructions imposantes, visibles depuis la mer et les airs (pour ne pas évoquer l’espace et ses satellites…) Pourtant, personne ou presque ne l’a localisée jusqu’à présent. Drake et Rafe sont de sacrés chanceux...


Quant au gentil Nathan Drake qui butte du mercenaire par centaine sans l’ombre d’un remord mais qui refuse de tirer sur le “méchant” alors que ça réglerait ses problèmes et lui assurerait de rester en vie, on ne reviendra pas dessus… C’est une dissonance qui est loin de ne concerner qu’Uncharted, mais qui met en avant le caractère artificiel de ces tueries de masse qui ne servent pas le propos du jeu.


Revenons d’ailleurs sur l’antagoniste et mettons nous à la place de Rafe : le gars dépense une fortune pour retrouver le trésor qui le fait rêver depuis sa jeunesse, il s’arrange pour libérer Sam, travaille avec lui et se fait doubler par cet arnaqueur qui ne respecte pas le marché qu’ils avaient conclus : il a quelques raisons d’être en colère et de considérer que les frères Drake sont des empêcheurs de tourner en rond. On a de la sympathie pour Nathan and co parce qu’on les incarne, mais ils ne sont pas exactement dans leur bon droit dans cette affaire. On nous les vend comme des gars bien et on force le trait sur Rafe le méchant aveuglé par son obsession pour être sûr que le joueur n’aura aucune empathie pour le personnage, mais ils ne valent guère mieux les uns que les autres. L’écriture ouvre certes une brèche là-dessus, mais cela n’empêche pas la caricature.


J’ai un petit souci avec certaines révélations (mais peut-être ma mémoire me fait-elle aussi défaut), notamment celles liées au positionnement du héros avec son héritage familial. Uncharted 3 avait cette force de nous faire découvrir l’histoire d’un gamin orphelin qui s’invente un lien de parenté avec sir Francis Drake, qui le fait fantasmer en tant qu’apprenti aventurier. Uncharted 4 nous balance un frère dont on n’a jamais entendu parler - admettons, c’est une manière de s’ouvrir des possibilités sans dénaturer ce que l’on sait de Nathan - un frère avec lequel il était en contact à l’orphelinat - là déjà l’image de l’orphelin abandonné suggéré dans le 3e épisode en prend un coup. Mais surtout, dans une séquence qui se veut émouvante, on apprend que les deux frères, contraints de changer d’identité, ont choisis de changer leur nom de famille et d’adopter celui de “Drake” en hommage aux travaux de leur mère. C’est un choix scénaristique cohérent dans le cadre de l’histoire d’Uncharted 4, mais qui ne relève pas exactement de la même approche que celle exposée dans l’opus précédent. Ce n’est pas inconciliable, mais ça laisse tout même l’impression que le scénario utilise les trous existants pour se construire, quitte à renier ce que le joueur croyait savoir, parce que le jeu le lui avait suggéré.


Enfin, et il s’agit là d’un ressenti très personnel, mais que l’histoire commence par un flashback (encore…) m’a dérangée. Enfin qu’elle commence… Le flashback fait plus que lancer l’histoire puisqu’il recouvre tout de même 13 chapitres sur les 22 qui composent Uncharted 4. Et ça m’a gênée parce que j’avais toujours l’esprit parasité par l’idée que quoi qu’il advienne, la chasse au trésor allait nous mener vers l’île des pirates, et il n’est pas besoin d’être un génie pour comprendre que cette île est notre but, notre destination finale. Je n’avais volontairement cherché aucune information ni regardé les teasers du jeu pour le découvrir totalement, j’en ignorais même les destinations, je savais seulement qu’il y aurait une course poursuite en jeep et que Nathan échouerait sur une île sous la pluie. Avec ce flashback, le jeu nous donne trop à voir, trop vite. Il annihile la part de mystère qu’on aimerait retrouver dans un jeu d’aventure (et puis bon, pardon mais il a le temps de beaucoup penser Nathan quand il est sous l’eau, quel apnéiste !) L’usage du procédé dans Uncharted 2 m’avait moins choquée parce qu’il laissait le mystère en suspens (que fait notre personnage suspendu à un train dans le vide dans l’Himalaya ?) et qu’il restait encore pas mal d’aventures à vivre avant d’atteindre son but. Ici on nous annonce presque déjà la fin du voyage, le flashback semble plus artificiel alors que l’histoire se suffisait à elle-même et pouvait très bien être narrée de manière linéaire.


Ll’IA me satisfait, mais je ne suis pas la mieux placée pour en parler, j’ai des attentes assez faibles en la matière : je joue en mode facile depuis que j’ai découvert, après avoir parcouru les opus n°2 et 3 dans un niveau de difficulté normal puis les avoir recommencé en facile, qu’un Uncharted se traverse à grande vitesse : ce jeu est une fuite en avant dans un couloir qu’il est bien plus sympa de parcourir quand on n’y rencontre pas d’obstacle.


La composante infiltration est la bienvenue, elle permet d’utiliser le corps à corps à bon escient (je suis nulle au tir, j’ai adoré dans le 3 qu’il y ait la possibilité de zigouiller les gardes au corps à corps, mes statistiques font d’ailleurs état d’un bon tiers des ennemis estourbis à la force du poing… Soyons honnêtes, autant de gars tués à la main au milieu de fusillades, on n’y croit pas, c’est juste le résultat de ma façon anarchique de combattre dite du « AAAAAH je me lance dans l’arène, merde y a un gars, je le butte, on me tire dessus, je panique, je me planque en n’ayant presque plus de vie, un gars arrive par derrière et je le butte à mains nues pendant que ma vie se régénère ». C’est n’importe quoi, mais c’est bien pratique !) J’ai bien aimé pouvoir la jouer discrète pour une grosse partie des combats avec ce quatrième épisode, au moins dans un premier temps avant que ça ne finisse par dégénérer (mais au moins le ménage était-il fait et les échanges de coups de feu bien plus limités).


Uncharted 4 se place dans la lignée de ses prédécesseurs, c’est un jeu couloir qui valorise la fuite en avant, bien que le rythme soit moins pressant et plus posé que par le passé. L’inconvénient, c’est que tout est fait pour que l’on ne butte jamais contre le moindre obstacle. Les énigmes sont peu nombreuses et trop faciles. La progression est évidente, soit, mais le jeu ne fait même pas semblant de proposer un tant soit peu de challenge dans notre recherche d’orientation. En fait, il est très frustrant d’arriver sur une plateforme, d’avoir à peine le temps de contempler l’horizon (réalisation et direction artistique de toute beauté, nous sommes bien dans un Uncharted) et de s’entendre dire par un autre personnage ce qu’il faut faire avant même d’avoir pu examiner soi-même l’environnement. Ou d’avoir les points d’accroches du grappin signalés par un L1 peu discret qui dispense de toute recherche visuelle et qui donne l’impression d’avoir un travail prémâché, ce qui gâche quelque peu le plaisir. J’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aucune option qui permette d’enlever ces indications trop visibles, ce qui aurait été un bon compromis pour offrir une progression facile pour ceux qui le souhaitent et une progression avec un tout petit peu plus de recherches pour se sentir légèrement plus explorateur.


La série a toujours adopté une approche très cinématographique et cherché à proposer une progression aussi fluide que possible, l’orientation dans les niveaux n’a jamais représenté un challenge. Mais paradoxalement, la confusion entre les cinématiques et les phases de jeu casse un peu la fluidité de l’aventure car il n’est pas toujours évident pour le joueur d’appréhender le passage de l’un à l’autre.


La recherche de trésor est toujours aussi contestable puisqu’elle n’apporte rien (des points pour débloquer des croquis ou des améliorations une fois le jeu terminé mais bon, c’est très anecdotique et ça aurait tout aussi bien pu être implémenté sans apparaître comme une récompense) mais elle est un classique des Uncharted qui met en exergue son level design : s’il y a deux chemins, l’un aura un trésor (ou rien) au bout, l’autre sera le bon. Dès lors qu’on se retrouve confronté à un choix, si l’une des voies amorce une glissade qui promet un retour impossible, on sait qu’il faut retourner en arrière pour récupérer le trésor puis revenir sur ses pas. L’ennui de la recherche de trésors, c’est que parfois ça se justifie (tu explores les ruines d’une ville tranquille, tu peux piller, ça passe) mais parfois c’est en contradiction avec le scénario (tu dois avancer de manière urgente d’un point A à un point B, tu cherches le chemin le plus court, tu ne prends pas le temps de tout regarder…)


Autre moyen de gagner des points, les discussions optionnelles à activer. Pourquoi rendre optionnelles des discussions qui auraient tout aussi bien pu être intégrées directement au cours du jeu… (ce n’est pas comme si les personnages n’étaient pas des pipelettes tout à fait autonomes quand il s’agit de bavarder). Pour donner au joueur l’illusion qu’il maîtrise les choses, que c’est lui qui décide ? Merci mais dans un jeu où on a si peu la main, où on ne contrôle que ce que les concepteurs ont prévus, on n’y croit pas trop, surtout quand la prise de contrôle passe par une touche triangle à appuyer. C’est trop artificiel, on voit juste le script, à activer à tel endroit, à tel moment (petit agacement personnel avec un script que j’ai loupé en faisant se tourner mon personnage et qui a tout de suite disparu alors que rien ne le justifiait parce que mon interlocuteur et l’objet de leur conversation n’avaient pas bougés eux).


Malgré ces quelques défauts, j’ai aimé parcourir ce dernier Uncharted, à l’équilibre enfin trouvé entre phase d’action et de plateformes. Le ton se fait plus sérieux, plus émouvant aussi et l’épilogue vient parfaitement conclure cette série que l’on quitte avec un petit pincement au coeur.


(Novembre 2016)

Nocturne
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le 24 nov. 2017

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Nocturne

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