Sony a besoin de la présence d’une licence forte pour le lancement de sa nouvelle console portable au début des années 2010 : la PS Vita. C’est en toute logique que la licence Uncharted est retenue, en plein boom suite au succès phénoménal d’Uncharted 2. Naughty Dogs n’est pourtant pas de la partie pour la première fois de la saga, l’attention pleinement consacrée à la fin du développement d’Uncharted 3 et du début de celui de The Last of Us, ça fait déjà beaucoup. C’est Bend Studio qui est aux commandes, studio secondaire, il faut bien le dire, de Sony qui avait déjà décliné la saga Resistance sur console portable et surtout dirigé l’ensemble de la saga Syphon Filter. Voyons s’ils ont su me convaincre de leur talent, la critique étant longue je vous propose l’écoute du doux thème de Chase pendant la lecture.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Les Uncharted ont toujours été des beaux jeux pour leur console respective et ce n’est pas l’absence de Naughty Dogs qui fera déroger à la règle ce Golden Abyss qui avait la lourde de tâche de montrer la puissance de la Vita qui voulait en faire son argument principal de vente face à la 3DS de Nintendo qui n’avait pas encore marqué sa domination sur le marché et qui se vendait plus sur son concept et ses licences que sa puissance brute. Le pari est bien réussi dans l’ensemble avec une réalisation globale de haute volée qui remplit assez bien la promesse initiale.
Le niveau de détails est assez élevée, le framerate est constant la plupart du temps, aucun clipping n’est à signaler… bon il y a quand même quelques compromis techniques qui ont dû être faits avec effets de flammes assez alliasées, des animations correctes dans l’ensemble mais qui peuvent paraître incohérentes lors de certaines phases de parkours notamment avec l’impression que Nath dash avant que la bonne animation se mette en place… mais dans l’ensemble le bilan technique visuel de cet Uncharted Golden Abyss est tout à fait convaincant à mes yeux.
D’un point de vue esthétique, quelques panoramas tropicaux du plus bel effet avec des points d’observation en hauteur au crépuscule se font bien apprécier, la valeur sûre j’admets mais ça marche très bien pour moi. Le chara-design est très respectueux des canons de la série avec quelques personnages inédits bien détaillés, tels que Marisa. Comme la tradition l’exige, les environnements de fin sont plus mystiques, le lac fantôme et les abysses dorées en jettent esthétiquement sans recopier bêtement ce qui se faisait par Naughty Dogs C’est aussi une très bonne chose qui m’a bien bluffé pour un jeu sur console portable aux limitations plus grandes que là où la saga avait l’habitude de s’illustrer.
La seule régression que j’ai pu constater c’est pour la mise en scène beaucoup plus commune et moins sensationnelle que sur console de salon, elle reste très correcte et à même de procurer des sensations fortes, mais comparé à l’énorme bond de qualité qui avait eu lieu avec Uncharted 2 Among Thieves qui était devenu une toute nouvelle référence en la matière, clairement ce n’est pas le même niveau. Mais si on avait retrouvé la même chose de ce point de vue sur portable que dans le salon tout en profitant de la qualité visuelle, ça aurait relevé de l’exploit.
Quelques fulgurances dans l’OST composée par Clint Bajakian, qui avait déjà un peu travaillé sur les musiques de la saga, m’ont bien surpris, au-delà bien sûr des thèmes emblématiques qu’il reprend, et j’ai beaucoup aimé certains thèmes orchestraux et chantées en plein combat qui donnaient une certaine intensité à ces séquences de jeu. Dans l’ensemble, le bilan technique et esthétique de Golden Abyss est excellent, c’étaient ses premières ambitions mais voyons désormais si c’étaient aussi ses dernières.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆
Uncharted Golden Abyss n’a jamais eu l’ambition de révolutionner la saga sur le plan ludique, simplement dans reprendre la formule de base et autant le dire tout de suite : le level-design, le placement des abris et des ennemis, l’IA alliée comme ennemie… tout fonctionne mais tout est très basique. La saga a toujours eu du mal à pleinement convaincre sur cette question, mais là j’ai l’impression qu’il y a eu une régression presque volontaire pour être sûr de ne pas prendre de risque et de maîtriser la formule.
Par contre, les phases de parkours ont également vécu une régression et que je ne pense pas volontaire avec moins de lisibilité et moins de justification, là je pense qu’on voit que Naughty Dogs n’est plus aux commandes, eux qui s’étaient grandement amélioré sur la question d’épisode en épisode. Néanmoins, si les commandes tactiles pour la visée sont plus gadgets qu’autre chose, pour ces phases de parkours elles sont déjà plus intéressantes, c’est juste dommage que la caméra ne s’adapte pas suffisamment pour pleinement en profiter.
Pour ce qui est des mini-jeux à l’écran tactile, je les ai trouvé assez vite redondants même s’il y a quelques idées très originales allant jusqu’à utiliser le capteur de lumière de la console mais ces phases originales peuvent être assez mal expliquées et frustrantes pour pas grand-chose. Le mini-jeu avec l’appareil photo est par contre assez pertinent à mon sens puisqu’il confère un peu plus d’importance à ce mode très annexe dans les épisodes sur Playstation 3, mais très cohérent étant donné les ambitions visuelles.
Il était important de démontrer toutes les possibilités techniques mais aussi ludiques de la Vita et Uncharted Golden Abyss a le mérite de les montrer même s’il ne parvient pas toujours à en montrer l’utilité. Le pari est donc à moitié relevé mais au moins la tentative est là. Si on met de côté cet aspect pour juger du gameplay dans son ensemble, il manque clairement d’audace pour se démarquer mais il est suffisamment maîtrisé pour ne pas devenir un défaut et c’était peut-être le choix le moins risqué mais aussi celui qui s’imposait pour un studio secondaire fraîchement débarqué sur la saga.
On retrouve aussi certaines tares ludiques habituelles de la saga. Si elle a souvent opté pour le choix paresseux d’un boss final en QTE, c’est encore une fois le cas avec non pas 1 mais 2 boss de fin en QTE, c’est le genre de chose qu’il n’était pas spécialement utile de bêtement recopier mais tant pis. D’un autre côté, ça aurait été un comble que le premier Uncharted à réussir son boss final soit le spin-off sur console portable par un petit studio. Enfin, si c’est pas une réussite absolue, ça se tient quand même un minimum et dans un contenu tout aussi généreux que les épisodes de la Playstation 3, ce qui est de même notable.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
Les ambitions reviennent là aussi à la baisse avec une aventure un peu cartoon à la manière de Drake’s Fortune, à l’image de ses personnages comprenant le méchant caricatural un peu ridicule, la partenaire débrouillarde, le mec louche qui s’avérera être un traître… tout est générique et prévisible du début à la fin ou presque. Le jeu ne parvient jamais à surprendre sur son scénario, se repose tout entier sur les personnages déjà existant et revient aux ambitions modestes d’Uncharted 1.
Il y a bien quelques moments d’émotion, ou qui essaient de l’être tout du moins, et ils marchent tout à fait correctement en soi mais on ne se souviendra clairement pas du jeu pour cela, en tout cas pas moi. Mais d’un autre côté, quand on voit le ratage quasi-complet de l’intrigue d’Uncharted 3 qui avait des ambitions complètement dissonantes de ses qualités d’écriture, ses choix très maladroits et irrespectueux du travail de son prédécesseur… je préfère largement un parti pris moins ambitieux mais aussi plus maîtrisé comme celui de John Garvin pour ce Golden Abyss.
En dehors peut-être de l’ajout vraiment pas utile d’un love interest oubliable pour Nathan, qui peut un peu nuire à l’intrigue amoureuse principale de la saga, rien de ce que fait Golden Abyss ne peut nuire de près ou de loin à cette saga. C’est ça que je retiens d’abord et avant tout, les personnages récurrents de la saga sont fidèles à eux-mêmes, à ce qui les caractérise fondamentalement, dans leur rôle, dans leur attitude… et c’est uniquement s’ils avaient foiré ça que j’en tiendrai réellement rigueur.
Même les personnages inédits s’inscrivent très bien dans tout ça avec des rôles si caricaturaux que leurs interactions avec les personnages récurrents paraissent très logiques. L’ambiance par le prétexte de la quête archéologique qui finit en quête pour sauver le monde est retrouvée avec l’efficacité à laquelle la saga nous a habitué, on est client ou non mais je ne vois pas en quoi celle-là serait moins prenante que les autres. Une chose importante est qu’elle a un début, un milieu et une fin dans le jeu, assumant totalement son aspect à-côté de la saga.
Le flashforward pour démarrer l’aventure est une mécanique éculée, dans la saga comme ailleurs, qui n’apporte rien ici. Par contre, un petit détail qui m’a un peu ennuyé c’est le sous-titrage qui n’est pas toujours synchronisé avec les dialogues et on peut manquer certaines informations bêtement, c’est franchement dommage de voir ce genre de défaut parfaitement stupide, digne d’un jeu moyenne gamme bâclé même si ce n’est pas si dramatique que ça. Comme pour le gameplay, le retour à des ambitions modestes pour le scénario permet de globalement maîtriser l’exercice sans lui permettre de briller.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Loin de toucher le fond des abysses, Uncharted Golden Abyss réussit à correspondre à ce que l’on pouvait attendre d’un titre de lancement d’une console portable, la réalisation flatte les capacités de la machine et donne envie d’en voir plus, les mécaniques de jeu marchent suffisamment sans bousculer la formule qui a fait la réussite de la saga, le scénario se suit agréablement sans jamais surprendre ou décoller… ça reste un petit Uncharted mais surtout une belle vitrine pour sa console, et est-ce que c’est pas tout ce qu’on lui demandait ?