Le confort est une notion rarement abordée dans les jeux vidéo. Ce qui se comprend d'une certaine manière : lorsqu'on joue à un jeu vidéo, eh bien, on y joue. On est pas là pour se complaire dans l'absence d'action. On a généralement un but à atteindre à travers un tel médium, et nous allons plus ou moins tout mettre en place pour l'atteindre.


Ceux qui "joueront" à VA-11 Hall A dans cet état d'esprit louperont le coche, car nous sommes ici du côté du visual novel, qui ne poursuit pas toujours le mêmes objectif que les jeux vidéo. L'intérêt de VA-11 Hall-A serait mieux circonscrit si l'on pouvait le qualifier "d'expérience sensorielle". Une sorte de lecture améliorée, puisque tout un enrobage visuel et auditif est disponible.


Le premier contact avec VA-11 Hall A pour nombre de joueurs sera sûrement lié à ce dernier point. VA-11 Hall A fait honneur au mouvement cyberpunk en proposant une direction artistique épousant complètement ses caractéristiques : néons bleus et roses, ambiance nocturne feutrée, et enfin et surtout une nostalgie humaine dissimulée derrière un univers froid et urbain.
Musicalement, le ton est paradoxalement inverse à ce que le cyberpunk a l'habitude de proposer dans ce domaine : plutôt qu'une musique industrielle, mécanique et dépourvue d'humains, nous avons à la place l'une des plus touchantes OST de l'histoire du jeu vidéo qui soient. Touchante au sens où un grand spectre d'émotions est abordé pour que l'univers gagne en épaisseur : synthétiseurs par milliers pour le côté rétro et cybernétique, mais mélodies rythmées pour ne pas oublier que ce sont bien des humains (ou presque-humains) qui sont au centre de l'histoire.


Je parle volontairement de la direction artistique et du format de VA-11 Hall-A avant d'aborder le cœur du sujet en lui-même, à savoir son histoire, car à mon sens les deux se servent et participent à ce qui fait l'intérêt du jeu.


L'histoire de VA-11 Hall A peut être résumée sur un post-it : vous incarnez une serveuse de bar dans une ville du futur.


Voilà, c'est tout. Ce n'est pas nécessairement le scénario en lui-même qui est pertinent pour comprendre le jeu. C'est plus la qualité de l'écriture de ses personnages. Et surtout comment l'univers va progressivement se construire pour transformer le jeu en un véritable voyage vidéoludique terriblement attachant.


Notons le bien, ce ne sont pas simplement des "personnages" que vous allez rencontrer, mais bien des personnes. Ce sont des êtres humains qui veulent juste passer un moment agréable, hors de la routine (ce qui est généralement le but des bars...).
Car Jill notre barmaid vit dans un monde bien malfamé qui possède nombre de problématiques politiques, sociologiques, relationnelles, sexuelles, etc… qui sonnent toutes tellement réalistes qu'on ne peut s'empêcher de poser un coude sur la table et d'être happé par les histoires personnelles de chacun, qui tournent sans cesse autour de ces questionnements existentiels sans jamais trouver une réponse. Jill deviendra littéralement une psychologue de comptoir puisque c'est à travers la rencontre entre le client et elle que fleuriront des tas de perspectives inattendues.
Ces clients vous donneront à voir une partie de leur vie, dérouleront leurs frustrations sur vous, vous feront éclater de rire par leurs imbécilités, vous attendriront par leurs sentiments incontrôlés, et iront même jusqu'à vous faire réfléchir sur votre place dans le monde.
Ils souhaitent tous sortir de leur routine, mais personne ne possède la même routine donc chaque rencontre mettra en lumière le caractère unique de chacun : son histoire bien sûr, mais aussi ses valeurs, son caractère, son tempérament, ses opinions, ses retournements de situation, etc etc… Les personnages atteignent un niveau de sophistication suffisamment marqué pour qu'ils en deviennent immensément attachants par la suite. On ne peut être que surpris en remarquant la joie qui s'empare de nous lorsque leur visage apparait sur l'écran, signe annonciateur d'une nouvelle séquence riche en émotions, qu'elles soient positives ou négatives.


Et le temps passe et nous faisons sans cesse la même chose, car chaque détail du jeu est soigneusement manufacturé pour améliorer la cohérence de l'univers, sans quoi le voyage aurait un goût de contrefaçon. Ici l'on suit une simple barmaid, alors ne vous attendez pas à des retournements de situation héroïques. Mais ce n'est pas parce qu'une chose n'est pas héroïque qu'elle est ennuyeuse, très loin de là...


On se lève et on lit les informations. On se plaît à lire les discussions de gens qui n'existent pas. On va au travail. On y prépare le jukebox, on prend des nouvelles de l'équipe et de la situation. Puis le travail commence et on accueille les clients. On discute, on prépare les cocktails, et on recommence jusqu'à la fin de la journée. On croit que chaque jour se ressemble mais non, l'histoire avance petit à petit et de nombreuses surprises arrivent chaque jour pour redonner du goût à la vie.
Et, oh mince, on se rend compte au bout d'un moment qu'on adore ça et qu'on a aucune envie que cela s'arrête.


C'est comme si l'on vivait une autre vie. On voyage sans bouger de chez soi.
Et en plus il n'y aucun risque derrière, puisqu'il ne s'agit que d'un jeu vidéo.


C'est le confort absolu.

Mellow-Yellow

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