Il est 20 heures. Le journal du soir est fini. "Tout de suite après la pub, votre téléfilm américain du dimanche Vanquish."
Vous ne tenez pas entre vos mains la télécommande de votre télé, mais une manette. Méchante Russie! Gentils américains! "Pan!" à gauche. "Boum!" à droite. Des "Putain!" à foison. Des dialogues écrits entre deux pauses pipi sur le bloc-notes du portable. Des doublages enregistrés au mieux au deuxième essai. Le fameux accent russe aux R toujours autant rrrrroulé pour le méchant. Vanquish vous met dans la peau d'un avion de chasse à taille humaine. Une gatling fusillant le monde autour avec la grâce d'un patineur artistique. Vanquish est l'enfant improbable de Shinji Mikami (Resident Evil) et d'Atsushi Inaba (Viewtiful Joe), autrement dit: un Resident Evil 4 à la sauce Viewtiful. Manette en main, vous comprendrez cet étrange mélange de saveurs de gameplay.
Vous n'aurez pas le temps de respirer (vous oublierez même l'existence du bouton pause). Les explosions occupent 80% du sound design. Les cinématiques vous permettront peut-être de prendre une rapide dose d'oxygène avant le prochain round. Vanquish n'attend jamais. Votre système nerveux s'étendra jusqu'à la manette. Ne jugez pas le jeu sur ses 6 heures de solo. Vous ne les verrez pas passer de toute façon. Vous deviendrez accro au son des balles au ralenti, aux glissades dans les positions les plus délirantes, aux rebonds muraux et autres kicks supersoniques. Parfois, vous fumerez une clope sur le champ de bataille en entendant vos hommes agoniser. La jeter détournera l'attention des bouts de ferraille qui font office d'ennemis à abattre. Et si ces malheureux pions feront muraille pour vous barrer la route, vous lancerez une grenade en dansant au ras du sol, ralentissant le temps pour tirer une seule balle sur l'explosif. La déflagration nettoiera le prochain mètre carré de la map, avant de tomber de nouveau face à une horde de futures victimes. Cette acrobatie n'est qu'un touchdown parmi des centaines d'autres. Le héros Sam, ancien footballeur américain converti en chercheur, doit son agilité à l'ARS.
L'Armure à Réaction Surdéveloppée est une bombe nucléaire sur pattes. Cet exosquelette recouvert de réacteurs est une interface à elle seule. Dead Space l'a fait avant lui, la vie du badass est représentée par des barres colorées sur le corps de l'armure. Un concept souvent revu dans le temps, tandis qu'un autre Sam de Death Stranding se voit emprunter ce système. PlatinumGames aime donner des armes surpuissantes au joueur. Ce sentiment de pouvoir tout écraser. D'interpréter un cataclysme ambulant qui rase tout obstacle. Il fallait évidemment placer une limite. L'ARS a donc droit à son talon d'Achille: la surchauffe. La surexploitation du booster et du ralentissement temporel brûlera l'armure, laissant Sam bon à n'effectuer que des roulades pour se mettre à couvert. Et c'est justement là où Vanquish voudra vous emmener: au front criblé de balles. Les couvertures sont là où le jeu ne vous veux pas. L'agressivité paie mieux que la fuite.
Ralentir le temps transforme l'aspect de cette guerre. Vous voyez des "lasers" raser l'écran en temps normal. Au ralenti, ce sont de véritables obus qui voleront autour de Sam. Vous serez environ 3 fois plus rapides qu'eux. Vous n'aurez qu'environ 5 secondes pour vous frayer un chemin dans cette tempête. Pensez à relâcher la touche de boost pour échapper in-extremis à la surchauffe. Et si un sac à PV se pointe pour vous faire barrage, l'armure décuplera la force physique de Sam en chauffant ses poings et ses kicks. Le plus jouissif étant une glissade suivi d'un bond en pic sur la vermine robotique. Le coup de pieds propulsera un Sam ralenti dans les airs, déployant un arsenal de balles sur sa victime.
Vanquish vous fera entrer dans la "zone" très facilement. Son gameplay étant sa colonne vertébrale d'un soir, puisque vous en verrez le bout après 6 heures de solo. Le jeu de Mikami est à l'image de son héros. Fonceur dans le tas néanmoins virtuose. Le carré d'or "gameplay - graphisme - bande-son - durée de vie", sans parler du cinquième angle qu'est le scénario, est complètement à la ramasse. Artistiquement, il y a matière à forger un bon univers à la technologie que je qualifierai "d'expressive". Les machines sont conçues pour la puissance et le panache. Les engins aux designs élancés sont stylés, la station orbitale abritant un véritable pays dans un tube en gravité est riche dans ses décors. Et l'armure de Sam n'a pas à rougir face aux mech-suits des plus grands anime du genre, le Wild Tiger de Tiger & Bunny en tête! Le détail qui m'a fait adorer le design de la combinaison est son arme à feu. Un module qui se métamorphose en temps réel: un petit flingue peut prendre la forme d'un canon laser en deux secondes. Excellente idée autant d'un point de vue artistique que de jouabilité.
La fin? Quelle fin? Je suis certain qu'une masse de joueurs se sont grattés la tête après le boss de fin, se demandant si un sixième acte fera tomber le rideau sur Vanquish. Que nenni. On se retrouve alors avec un titre portant sur ses épaules un game-design divin, au feeling rarement vu ailleurs, mais qui a laissé tombé en chemin tout le reste. Le plot fait pop dès les premières minutes. J'ai d'ailleurs rapidement perdu le fil de la trame tellement le tout partait en beblayde. La médaille du mauvais goût à l'abus de gros plans sur les yeux des protagonistes, comme s'ils avaient quelque chose de profond et de mystérieux à nous transmettre. Un story-board américanisé jusqu'à l'espace. Par contre, les scènes d'actions in-game comme out-game redressent la barre ( ͡° ͜ʖ ͡°), avec des cascades où la caméra ne semble plus savoir où se placer. Et quand elle le fait, ça donne des plans en béton (la poursuite en chariot à 360°! L'autoroute en ruine! La salle d'anti-gravité!).
Vanquish est tout le contraire d'un RER parisien. Il sait où vous emmener. Tout de suite et sans retards. Il ne vous prend pas par la main, il vous l'arrache. Vous jette dans la mêlée tel un ballon de sueurs prêt à éclater une armée de robots. L'un des jeux les plus funs qui m'a été donné de jouer. Un titre culte de Platinum dont j'espère voir un jour sa suite.