Précisons avant toute chose que Virginia n'est pas un jeu (d'où ma note) mais un film -très peu- interactif. Les seules interactions possibles consistent à : orienter son regard à la souris, appuyer sur Z pour avancer et cliquer par-ci par-là pour ouvrir une porte ou boire un café afin de déclencher la scène suivante. Ce sont uniquement des contrôles qui servent à dérouler l'histoire de la seule manière dont elle peut dérouler.
Virginia est une enquête policière qui se déroule en 1992 dans une petite ville au fin fond des Etats-Unis. L'approche se veut très lynchienne, très -trop?- inspiré de Twin Peaks avec des personnages qui semblent tous avoir des choses à cacher, sentiment renforcé par leur méfiance envers les étrangers que représentent les agents du FBI. On peut aussi y voir un petit côté X-Files.
Le titre se montre plutôt bien réalisé et servi par une bande son assez grandiose interprétée par l'orchestre philharmonique de Praque dans les studios Smecky. C'est d'ailleurs là qu'on été enregistrées les bandes sons de Lost Highway et Mulholland Drive histoire d'appuyer un peu plus les références.
L'une des particularités de Virginia c'est l'absence totale de paroles (un énorme soulagement pour moi qui sature des jeux qui parlent pour ne rien dire : Oxenfree, brûle en enfer, merci). La majeure partie de l'information passe par l'image, ce qui révèle ici la qualité du travail de level design/mise en scène. L'image est suffisamment explicite pour être parfaitement compréhensible dans ses tenants et aboutissants, tout en gardant certaines ambivalences bienvenues pour le scénario.
Un atout à tempérer par la liberté laissée dans l'orientation de la caméra ; cette liberté de réalisation à un prix : on peut parfois rater certaines informations essentielles à la compréhension si on ne regarde pas dans la bonne direction au bon moment, je pense notamment à la scène finale.
L'autre particularité qui donne toute sa saveur au titre, c'est son montage. Virginia atteint quasiment le niveau du cinéma dans son rapport à l'espace et au temps. Bien qu'il soit toujours possible de s'arrêter pour regarder autour de soi, une fois que l'on choisit d'avancer, il n'y a pas de longueurs pour se rendre d'un lieu à un autre : tout est coupé, monté, les scènes se succèdent pour ne conserver que les images qui donnent sa temporalité à l'oeuvre.
Pour citer un exemple : je sors du bureau de mon supérieur pour me rendre dans un bureau au sous-sol (notez que je ne le sais pas avant de le vivre, j'appuie juste sur Z) : donc j'appuie sur Z et voilà ce qu'il se passe à l'écran : j'avance dans un couloir de bureaux /cut/ je descends un escalier /cut/ j'avance dans un couloir de cave et je m'approche de la porte d'un bureau en sous-sol, puis là le jeu me demande de cliquer pour ouvrir la porte. L'enchainement d'actions se fait aussi naturellement que dans un long-métrage alors que moi j'appuie juste sur un bouton. L'effet est un peu surprenant, mais ça fonctionne du tonnerre.
Qu'on ne s'y trompe pas, j'ai apprécié Virginia. Je l'ai même trouvé intéressant comme film (je lui mettrai sans doute 7 dans sa catégorie), mais je ne peux pas l'associer au jeu. Virginia est aussi ludique que le dernier Gus Van Sant ou le dernier Pixar. Je lui met la note la plus basse dans la catégorie à laquelle il est malheureusement associé puisque c'est le zéro pointé en terme de gameplay. Virginia dure 1h30, l'interactivité est à son strict minimum, il n'y a aucun choix à faire (ni d'illusions de choix bidons), il n'y a aucune tension, pas de fins multiples à trouver, pas d'exploration du tout,...
Jamais un jeu n'a été aussi proche d'un film au point qu'on puisse légitimement se poser la question de l'intérêt de l'interactivité.
A regarder en walkthrough.