Une vaste arnaque
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le 1 nov. 2020
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Jeu de Ubisoft Toronto, Ubisoft Montréal, Ubisoft Paris, Ubisoft Bucarest et Ubisoft (2020 • PlayStation 4)
Dans un Londres dystopique post-Brexit, la ville devient une gigantesque technostructure autoritaire. La dictature mise en place par le gouvernement britannique malmène la liberté et les Droits des citoyens londoniens, il ne tient qu’à vous de recruter de nouveaux adhérents pour rejoindre la résistance.
Le Brexit, un mot-valise en apparence simpliste mais avec toutefois un certain poids puisqu’il représente le divorce du Royaume-Uni et de l’Union européenne. Effectif durant l’année 2020, la négociation externe avec les autres pays mais aussi interne au sein même de l’opinion britannique fut pourtant une tâche très difficile et très longue. Il faut dire que les hypothétiques conséquences et les bienfaits de cette décision se sont entremêlés dans des vérités plus ou moins absconses au point de nécessiter un décryptage sur le plan financier entre autres de la vision post-Brexit du Royaume-Uni. Dans le duel des idées, il y a une vision optimiste où les britanniques vivraient mieux sans l’emprise constante de l’Europe face une vision pessimiste avec un désastre économique et donc une nouvelle ère de pauvreté inégalée. C’est en tout cas les scénarios principaux qui luttent dans l’esprit britannique, opposant finalement une libération salvatrice à une dégringolade de problèmes majeurs.
Dans le cas de Watch Dogs Legion, Ubisoft imagine un cauchemar post-Brexit encore plus extrême que les pronostics les plus négatifs. « Bienvenue en résistance, prenez votre futur », une phrase que l’on retrouve dans l’opération marketing du jeu, mais aussi durant la narration du jeu lui-même. Une tonalité politique assumée, mais abusive, où le Royaume-Uni indépendant est la proie des dérives du monde occidental. En effet, Watch Dogs Legion conçoit une version dystopique de Londres et traite ainsi de nombreux sujets : une numérisation avancée de la société, la propagation de la pensée unique, la traque des récalcitrants, la fonction mainstream de la communication et sa propagande. Le tout alimente des tensions sociales vives, alors que le gouvernement sombre dans un modèle moderne de fascisme.
Le sujet composé de la technologie, des réseaux sociaux, des médias mainstream est un large thème solidement ancré dans la recette de Watch Dogs. Que ce soit à Chicago ou à San Francisco, l’univers de la licence dépeint une société qui accepte inconsciemment le contrôle sur sa vie privée, ses moindres gestes, et même sur sa pensée presque entièrement façonnée par divers moyens tous liés à la numérisation de notre monde. Sujet d’actualité, nimbé de sincérité, et désirant dénoncé un futur loin d’être si déconnant qu’on peut le croire. C’est notamment le cas dans notre société actuelle et bien réelle où le journalisme est de moins en moins neutre pour devenir de plus en plus militant. Davantage propagateur de la bonne parole qu’une source d’information non orientée.
Le sombre tableau de Watch Dogs Legion va encore plus loin que ces deux prédécesseurs, la ville de Londres devient une technostructure autoritaire où les citoyens vivent dans un gigantesque camp de propagande qui punit sévèrement toutes les pensées invalidées. Dans ce contexte, la surveillance est importante avec des caméras, des drones volants, et même des implants bioniques. Comme si les dispositions n’étaient pas encore assez oppressives, une milice quadrille toute la ville et cède régulièrement à la bavure face aux rares manifestants qui défient encore l’Ordre pour récupérer une liberté appartenant malheureusement au passé. On évolue dans cette ville, et on est subjugué par les éléments qui semblent parfois trop prémonitoires tant ils ont du sens. Seule véritable ombre à toute cette habile construction, le fait que le Brexit soit un point de départ de tous ces débordements comme s’il pouvait en être une cause légitime alors qu’il est en vérité un problème parmi les autres. Entendons-bien, peu importe notre opinion sur le Brexit, l’avenir du monde occidental pourrait devenir tout aussi peu reluisant.
Parce que chaque citoyen est concerné par les problèmes de Londres, Watch Dogs Legion fait la surprise de ne pas proposer un héros unique. En effet, le héros est en réalité une personne lambda qu’il faudra choisir en parcourant la ville. Il s’agit là d’un des principes fondateurs du jeu : un pnj est un potentiel personnage à incarner et donc un potentiel membre de la résistance. A l’instar d’un militant qui agit pour une cause chère à son cœur, le fait de ne pas être un personnage prédéfini nous pousse à adopter l’idée que nous incarnons avant tout un courant politique. Ce n’est pas une personne seule qui change les choses, c’est le nombre de partisans de la cause au point de devenir une véritable légion capable de renverser la tendance.
La mécanique en elle-même est plutôt originale. Chez les concurrents qui adoptent cette activité, il s’agit le plus souvent de sauver une personne et de lui proposer de nous rejoindre dans notre combat. C’est notamment la manière de recruter dans les jeux Assassin’s Creed, également licence phare de Ubisoft. Acte rapide et facile, mais en conséquence très peu approfondi. Dans Watch Dogs Legion, recruter peut être une tâche plus longue et difficile. En effet quand on souhaite qu’un pnj devienne membre de DedSec il faut d’abord s’intéresser à son histoire et à ses problèmes, puis le convaincre de la bienveillance du groupe. Lors de mon premier recrutement, je suis tombé sur un SDF qui m’a raconté avoir perdu son emploi sans raison et sans compensation financière. Pour le persuader de rejoindre mon organisation une mission s’est lancée dans le but de lui avouer la vérité sur son licenciement. Il fut donc nécessaire d’engager des recherches dans une zone sécurisée pour finalement découvrir que le pauvre homme a été remplacé par une simple machine. Révolté, il exprime ses opinions intelligentes face au remplacement des salariés par les machines et trouve ainsi la motivation de lutter contre l’injustice auprès de DedSec. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit là que d’une quête annexe spécialement écrite et conçue pour ce recrutement. Un mécanisme clairement aux antipodes des quêtes d’aujourd’hui où le moins d’effort possible est privilégié au détriment de la saveur et de la consistance d’une activité.
Après Chicago et San Francisco, Watch Dogs Legion choisit comme nouveau terrain de jeu la ville de Londres. En visionnant les différentes vidéos de gameplay il y a de quoi être subjugué par le dernier Open World de Ubisoft. Londres semblait être dotée d’une ambiance fouillée, mêlant habilement la modélisation de certains lieux historiques comme le Big Ben et Buckingham Palace avec une touche futuriste convaincante. In game, il est malheureusement dommage de constater que le rendu final est loin d’être conforme à toute la communication du jeu pourtant attrayante. Il est évident que la flatterie fut privilégiée durant les nombreuses présentations du jeu. Dans ce Londres dystopique, la direction artistique est certes intéressante avec de nombreux bâtiments futuristes qui se partagent la vue contre les monuments historiques. L’environnement fourmille en effet d’éléments qui font corps avec la numérisation de la société au point de creuser l’écart de manière significative entre l’ancien monde et le nouveau sur le plan visuel. Mais ce sera la seule innovation notable.
Ubisoft fait simplement du Ubisoft et confirme une fois encore sa fainéantise reconnue quand il s’agit de donner une âme et un intérêt à ses Open World. Quand on évolue dans cette ville de Londres, on y décèle tous les mauvais ingrédients propres aux productions Ubisoft dont le studio semble encore aujourd’hui si fier de cloner excessivement depuis maintenant de nombreuses années. En termes d’activités, il s’agit le plus souvent de s’appuyer sur l’omniprésence des possibilités de hacks afin de faiblement remuer l’environnement. Autrement dit, le monde n’est pas très vivant et est même un peu vide quand on n’intervient pas nous-même pour qu’il s’y passe quelque chose. Pour le reste, les activités témoignent de l’académisme profond qui gangrène le monde du jeu vidéo. Chaque tâche existe déjà, que ce soit dans les autres productions Ubisoft ou chez les autres Open World concurrents, au point de ressentir rapidement la douloureuse sensation d’avoir déjà joué à Watch Dogs Legion tant il clone sans réserve les tares habituelles des jeux vidéo. C’est notamment le cas de la narration qui se base sur l’objectif simple de libérer Londres, quartier par quartier, en accomplissant des missions fastidieuses et répétitives : vider des zones ennemies, récupérer des données, libérer des adhérents. Le tout avec des possibilités de gameplay très pauvres malgré un système qui repose sur les différentes capacités des PNJ que nous choisissons d’incarner.
Si l’on met de côté la douteuse liaison entre le Brexit et l’ambiance quasiment post-apocalyptique de cette vision dystopique de Londres, la grande force de Watch Dogs Legion réside dans le traitement de ses thèmes : numérisation de la société, atteinte aux libertés, ultra-surveillance, propagation de la pensée unique, communication mainstream, le pouvoir grandissant des réseaux sociaux. Tous ces éléments sont là pour dépeindre un avenir pessimiste du Royaume-Uni (et plus généralement du monde occidental) à travers des prémonitions loin d’être déconnantes tant elles prennent une légitimité sur la base d’une vérité d’aujourd’hui bien réelle.
Malheureusement, en tant que jeu vidéo Watch Dogs Legion ne témoigne pas d'une grande innovation. Nous sommes à l’aube de la next-gen, pourtant les studios comme Ubisoft proposent encore des mécaniques qui commencent sérieusement à dater. Représentation symbolique de l’académisme profond qui gangrène les œuvres vidéoludiques actuelles.
Prenez votre futur
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Créée
le 13 nov. 2020
Critique lue 369 fois
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2 commentaires
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