Attention, cette critique divulgâche de nombreux éléments clés du jeu.
Ça faisait un long moment que What Remains of Edith Finch trainait dans mon backlog (depuis sa gratuité sur l'Epic Games Store en fait), et ça faisait un moment que je l'appréhendais. Non pas que je m'attendais à ce que ce soit mauvais, certainement pas (ayant déjà fortement apprécié le précédent titre du studio, The Unfinished Swan, ça ne faisait aucun doute), mais, car adorant les walking simulator, je savais que j'allais avoir en face de moi l'un des meilleurs du genre, tout du moins l'un de ses porte-étendard.
Sans trop de surprise, je n'ai pas été déçu, What Remains of Edith Finch est sans nul doute l'un des meilleurs de sa catégorie, une sorte de croisement (quasi-)parfait entre un Vanishing of Ethan Carter et un Gone Home : le côté fantaisiste du premier, imbricatif, et ce côté « retour-au-bercail » du second. C'est justement en grande partie pour son côté fantaisiste que je retiendrais le titre. En effet, What Remains of Edith Finch a beau se dérouler sur une multitude de temporalités, il arrive à parfaitement doser entre le récit crédible et issu de l'imaginaire. Car si les Finch semblent maudits (notez bien le semblent), l'écrasante majorité de la famille mourant précocement, reste qu'il ne faut pas oublier que les événements qui nous sont dévoilés ont été transmis au véritable protagoniste via un journal intime, et que la personne qui a écrit ce même journal intime, a été mise au courant de ces événements par une autre personne dont c'est la nature d'enjoliver la réalité. Personne qui n'hésite d'ailleurs pas à customiser les chambres des différents membres de la famille après leur mort, ce qui ne fait qu'accentuer ce côté flou (le Dreadful Stories concernant Barbara en étant l'exemple le plus évident). On se retrouve donc face à des histoires dans l'histoire de l'histoire de l'histoire (j'ai eu mal à la tête rien qu'en écrivant ça, mais sachez que c'est exactement), face à un univers dans lequel on pourrait presque être amené à se demander si la demeure traversée existe bel et bien en l'état (limite, je trouve décevant que la dernière image du jeu nous la montre une dernière fois), tant tout semble avoir été mis littéralement en pause dans celle-ci. Un titre où tout est soumis à interprétation, où la barrière entre le monde imaginaire et réel est poreuse, si ce n'est inexistante. Big Fish n'est pas loin d'avoir trouvé son adaptation en jeu vidéo, qui en serait même bien meilleure.
En ce qui concerne les flashbacks, tout du moins les passages dans lequel on contrôle les membres de la famille, tout a été fait par Giant Sparrow pour donner à chacun d'entre eux ce petit quelque chose que les autres n'ont pas. Si cela peut se remarquer par des changements d'ambiance, de style graphique, voir de typographie, c'est davantage la présence d'un gameplay exclusif à certains membres de la famille qui m'a le plus surpris. Tout ça présentés ensemble fait que chacun des passages dans lesquels on contrôle un membre de la famille est presque une sorte de « mini-jeu-vidéo » (et non mini-jeu dans le sens du party game), une sorte d'expérimentation. Ainsi, on aura droit à un passage dans lequel on contrôle plusieurs prédateurs, un autre orienté horreur, de la plateforme, un passage encore plus expérimental qu'on pourrait assimiler à du Flower, un autre qui fait écho aux RPG tout en nous vidant en même temps de couper du poisson, etc. Finalement, bien que c'est la narration qu'on retiendra de cet Edith Finch, on n'est nullement surpris d'apprendre que les mécaniques de jeu ont été développées avant.
En termes d'émotions, il me semble impossible d'associer What Remains of Edith Finch à un style particulier : il y a du tragique, du comique (sans que ce soit du tragi-comique pour autant, le dénouement n'étant pas bien heureux), de l'absurde, du glauque même, le joueur conduisant lui-même les différents protagonistes à une mort certaine (un mix improbable entre schadenfreude et tourisme noir virtuel en somme). Les joueurs les plus curieux, ou plutôt les plus floriphiles, auront de toute façon remarquer la présence d'Arum d'Éthiopie, souvent présentes lors des cérémonies funéraires ; puis d'une Digitale Pourpre, toute aussi belle que mortelle, lors de nos premiers pas avec Edith. D'une certaine manière, le titre annonçait la couleur dès le départ.
Terminé il y a plus d'une semaine, je dois bien avouer que What Remains of Edith Finch ne m'est pas sorti du crâne une seule seconde, et qu'il n'en ressortira pas avant un moment. Alors certes, peut-être que les développeurs auraient pu un peu plus peaufiner les gameplays qui nous sont présentés, conclure sur une fin moins conventionnelle (ils auraient mis du temps à s'accorder sur la bonne fin justement), et, pourquoi pas, à l'instar d'un Gone Home, proposer une aventure moins linéaire, laisser au joueur plus de possibilité quant à l'ordre dans lequel il parcourt les chambres, lui laisser plus de contrôle en somme. Reste que malgré ces défauts plus ou moins prononcés, j'aurais bien du mal à rabaisser le titre pour cela.
Quant au studio de développement, Giant Sparrow, certaines actualités ont beau faire plutôt peur, comme le fait qu'il n'y avait plus que trois développeurs en son sein en octobre dernier, ça ne les a pas empêché d'annoncer leur nouveau projet, Heron, lors de ce même mois, et de prévoir de commencer les entretiens pour les futurs postes d'ici… le mois prochain. Bon bah, on verra bien…