Wolfenstein : The New Order est un jeu un peu étrange. Ce n'est pas un mauvais jeu, loin de là, ça se parcourt comme un FPS bourrin un peu bête et divertissant. Il y a indéniablement une vraie bonne volonté de la part de l'équipe des développeurs derrière, on est très loin du "Wolfenstein" insipide et oubliable sorti en 2009.
Il est étrange parce que j'ai eu l'impression que les développeurs n'étaient jamais certains sur la direction qu'il fallait prendre, et s'étaient même finis par se diviser en deux camps. D'un côté, ils ont voulu créer un jeu bourrin, violent et fun avec un aspect volontairement kitsch autour de la Nazisploitation (ou le "pop-nazisme", appelez-le comme vous voulez), et de l'autre côté, ils ont voulu transmettre la cruauté et la tristesse de la guerre avec un incroyable sérieux.
La communication avant la sortie misait beaucoup sur ce côté très décomplexé et fun des Doom-likes old-school des années 90 : on ne se prend pas la tête, on porte une arme dans chaque main et on dégomme des nazis. Yeah baby!
Du coup, lorsque j'ai parcouru le jeu, c'est avec grande surprise que j'ai découvert une histoire quand même très premier degré. Le jeu est blindé de cinématiques et de monologues intérieurs du protagoniste pour installer un ton lourd et un héros torturé. Assez tôt dans le jeu, il y a même une séquence façon Telltale où un officier nazi nous force à choisir entre deux soldats alliés pour décider celui qui va se faire exécuter en premier, une séquence qui va profondément traumatiser le héros !
Moi qui pensais retrouver un Blazkowicz bien bourrin prêt à massacrer du bon nazis avec cette tronche de sadique, je vous jure qu'une fois le jeu fini vous garderez plus un souvenir de cette tête de chien battu
Alors non, je ne critique pas la qualité de l'écriture. Elle est plutôt bonne, ça joue beaucoup sur les clichés afin de mettre en scène des officiers nazis les plus timbrés les uns que les autres. Mais sérieusement, est-ce vraiment le ton et le scénario que vous vouliez voir dans une licence comme Wolfenstein ? Ça va être quoi l'étape suivante, un reboot de Duke Nukem avec un Duke lassé par le matérialisme et qui s'est tourné au bouddhisme à la recherche de la sagesse ?
Ce décalage entre le ton du jeu et le gameplay m'a particulièrement gêné dans ce Wolfenstein, on finit un niveau en dégommant 150 nazis pour au final entendre Blazko sortir son monologue sur une femme dont il est tombé amoureux. Et puis même cette fin... mais au secours quoi. D'ailleurs, je devrais normalement même pas autant consacrer de textes sur le scénario d'un Wolfenstein, mais si, je me sens obligé tellement ça a son importance dans ce jeu.
Et sinon, que dire sur le gameplay ? Il y a en effet des petits éléments qui sont là pour faire rappeler les FPS old-school. Oui, on peut porter une grosse arme dans chaque main. Non, il n'y a pas d'auto-gen et on doit ramasser les items par terre pour pouvoir se soigner. Ça, c'est cool.
Mais de l'autre côté, l'essence même d'un FPS old-school semble un peu absent. Le level design est dirigiste et très scolaire en fin de compte, loin de la créativité et la liberté prise par les level designers à l'époque de Doom ou Quake. Le level design de ces jeux ont une maîtrise hallucinante, il semble complexe au début mais ils sont extrêmement bien pensés, avec de nombreux mécanismes cachés afin de laisser au joueur le plaisir d'explorer. Et si vous trouvez que Doom et Quake ont des level designs trop abstraits et ne peuvent pas être comparés à un jeu comme Wolfenstein, je dirai que Return to Castle Wolfenstein avait trouvé un parfait équilibre entre le réalisme et la créativité.
L'ensemble du game design est également assez sage. Certes, on est loin du standard des FPS militaires d'aujourd'hui, mais j'aurai voulu avoir des armes un peu plus délirantes qu'un LaserKraftWerk particulièrement gadget et oubliable. Franchement, à part pour dessiner des pénis sur les plaques métalliques, elle sert à quoi cette arme ? Ah oui, les game designers qui ont probablement pondu cette idée lors d'une pause café se sont sentis obligés de justifier sa présence en nous forçant à l'utiliser pour casser des caisses de munitions ou briser les cadenas pour ouvrir des plaques. Le genre de trucs qu'on faisait déjà avec une arme à feu dans n'importe quel FPS depuis 1995 !
Enfin, quelques mots sur les graphismes. Techniquement, c'est du id Tech 5 donc un peu vilain surtout quand on regarde les objets de près. Par contre, la direction artistique a un côté très dieselpunk plutôt sympathique et qui colle très bien à l'univers du jeu. Je vous conseille de consulter la page Artstation de Tor Frick, le directeur artistique du jeu, qui est remplie de créations qui valent le détour.
Wolfenstein : The New Order se décrit ouvertement comme un jeu old-school, mais pour moi il tombe un peu trop souvent dans les pièges des éléments symptomatiques des produits récents : on reste sage et carré au niveau du gameplay, et on va à tout prix raconter l'histoire sérieuse d'un personnage torturé à la voix grave et déprimée même si la licence ne s'y prête pas, parce que ça fait plus moderne.
Un jeu sympa que je conseillerai quand même aux fans du genre, mais qui reste assez bancal.