Les humains vivent sur le dos de titans gigantesques voguant sur la mer de nuages. Certains peuvent se lier avec les “lames”, des esprits dotés de puissants pouvoirs. Le jeune Rex va réveiller Pyra, une lame divine qu’on croyait disparue depuis 500 ans. Ensemble, ils se mettent en quête d’Elysium, le paradis perdu, et du créateur de toutes choses, l’Architecte.
Xenoblade Chronicles 2 (2017) est un J-RPG aussi classique que son nom est extravagant, le premier de la série auquel je m’essaye.
Salamalecs japo-niais
L'histoire souffre d’un défaut typiquement japonais : c'est un joyeux bordel. Les différents cas de figure des lames, le core concept du jeu, sont symptomatiques : lames d’humains, lames de lames, lames avec pouvoirs particuliers, lames fusionnées avec des humains, humains fusionnés avec lames, lames divines, lames nées naturellement ou raffinées, lames mécaniques, “artifices”…
Dans le même genre, on aura droit à tout un tas de clichés de shonen : un jeune héros au coeur pur, des discours grandiloquents, le pouvoir de l’amitié (littéralement une punch line de combat du héros), des coiffures capilotractées, des mécas géants, un side-kick mignon/drôle/chiant au choix —ici, un porg—, des références judéo-chrétiennes à s’en faire péter la rétine, un sexisme “gentillet” pour émoustiller l’ado en rut —armures féminines aussi suggestives que peu pratiques, furries, soubrettes et cie—, et certains éléments surtout là pour faire cool. La mer de nuages qui aurait pu être une mer tout court, par exemple.
Alors oui, l’histoire qui part dans tous les sens et les différents clichés sont presque des conventions de J-RPG. Mais je trouve que c’est dans l’ensemble beaucoup moins bien exécuté que dans certains autres jeux de ma jeunesse (FF6-9, Tales of Symphonia), en particulier les motivations des personnages sont souvent superficielles ou alambiquées. À moins que je sois moins réceptif au genre avec l’âge, ce qui est fort possible également.
En tout cas, j’ai suivi l’intrigue en attendant patiemment d’en saisir la vue d’ensemble. Pourtant beaucoup de questions n’auront pas de réponse, ou alors pas de réponse satisfaisante. C’est comme avoir un puzzle dont les pièces ne sont pas parfaitement imbriquées, mais qu’on aurait forcées au marteau. On peut voir l’image finale, mais pleins de petits éléments ne collent pas, et ça m’a perturbé.
Au niveau des thèmes abordés on reste dans le très classique : le sens de la vie et le destin. Le questionnement du lien entre mémoire, identité et mort est intéressant, mais ça casse pas trois pattes à un porg.
Jauge-ception
Le système de combat en temps réel est intéressant et fait penser à un Tales of Symphonia moins porté sur la baston et plus sur la stratégie. On a des jauges qui remplissent des jauges, qui remplissent des jauges, pendant que notre personnage attaque tout seul. L’intérêt est tactique, avec une pression temporelle indéniable, même si c’est un peu inutilement complexe. Sur le papier c’est sympa, mais l’expérience est régulièrement gâchée en pratique. D’abord, c’est rapidement visuellement (et auditivement) illisible, trop d’effets se superposent et on ne comprend plus rien. Et de plus la caméra est souvent aux fraises, galérant quand les ennemis sont trop gros, ce qui arrive fréquemment.
Je retiens surtout la sensation de liberté en se baladant dans l’univers, avec des transitions de combat naturelles, le jeu arrive presque à faire oublier qu’il ne s’agit pas d’un vrai monde ouvert. Le contenu du jeu est très conséquent et il y a énormément de choses à découvrir.
Autrement, certains choix de game design sont vraiment bons : le niveau de développement des régions, l’achat des magasins ou les arbres de compétences, par exemple. Les quêtes sont variées et plutôt sympathiques. Le système des mercenaires est aussi une bonne idée sur le papier, mais c’est au final une corvée que de reconstituer des équipes toutes les dix minutes.
Beau, mais pas trop
Alors oui, c’est criant, la Switch est techniquement en retard d’une génération. Mais bon, on le savait, et ça nous permet de jouer aux toilettes alors on va pas se plaindre. Sauf qu’ici, en mode portable, le jeu devient hideux, façon 240p et textures PS2.
Pour autant la direction artistique est franchement jolie. Les environnement sont variés et impressionnants grâce aux titans. J’aurais juste aimé que l’anatomie des titans soit un peu mieux exploitée, qu’on reconnaisse des organes par exemple. On a également droit à quelques musiques très réussies (Leftheria et Tantal).
Par contre carton rouge sur le design sonore des cinématiques. Le mixage est amateur, soit on entend pas assez la musique, soit pas assez les voix (le doublage anglais est médiocre). Parfois l'habillage sonore est carrément absent. C’est nul.
Bref, Xenoblade Chronicles 2 est un jeu qui ne manque ni de contenu, ni d’idées, mais qui dans la pratique patine parfois à rendre son histoire crédible et son gameplay agréable. Après la déception Octopath Traveler, je n’ai pas encore trouvé de J-RPG à mon pied sur la Switch…