L'heure du jugement !
Parlons de Yakuza Zero ! Yakuza... Yakuza... une saga assez connu sans être clairement populaire par ici grâce au choix douteux de ne pas le traduire en français (même pas les sous-titres !)...
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le 13 mars 2019
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Il existe une notion dans le monde des comics. Elle est devenue très populaire ces dernières années et pourrait aisément m'aider à vous expliquer un titre comme Yakuza 0. J'ignore si vous en avez entendu parler, s'il existe pour elle un équivalent francophone... ou même si vous êtes pleinement capable de la comprendre. Mais cela ne m'empêchera pas de tenter de vous expliquer l'univers à ma manière. Cette notion, dit-il en regardant sa montre du coin de l'œil, s'appelle... le « Perfect Jumping-on Point ». L'idée est simple : dans le domaine des super-héros certains numéros, contrairement aux autres, sont destinés à simplifier/expliquer une formule déjà établie dans un produit épisodique à l'intention de nouveaux lecteurs potentiellement intéressés par le concept spécifique véhiculé par tel ou tel titre. C'est dans ces épisodes que l'on prend le temps de résumer le scénario pour les petits nouveaux. En général, cela ne nécessite pas plus d'une ou deux phrases apposées avec style à proximité du logo. Par exemple... Peter Parker est un jeune homme qui se reproche depuis maintenant près d'un demi-siècle – et cela sans vieillir le moins du monde – d'avoir laissé filer le meurtrier de son Oncle Ben ; un homme qui lui avait pourtant appris qu'un grand pouvoir entraîne une grande responsabilité. Tenaillé par le remords il devient un humoriste de rue sapé dans un justaucorps mettant agréablement en valeur son corps d'anorexique. Ses amis l'appellent Spidey mais ses ennemis l'appellent... au téléphone. Quelque chose de ce genre. Peut-être un brin moins efficace dans le domaine drôlatique. Mais je suis certains que vous comprenez ce dont il est question. Enfin, temporairement.
Dans le temps – cela s'appelle une transition, au fait – les comics tentaient encore d'expliquer leur concept de base aux nouveaux venus dans chaque exemplaire. Ils étaient certes épisodiques mais leur contenu se divisait entre un arc plus long destiné à tenir en haleine leurs aficionados et une histoire courte se terminant en même temps que le numéro. Dans le cas de l'Homme Araignée... disons qu'un gigantesque australien doué en galipettes s'est évadé d'une prison quelconque avant de revêtir un costume de Kangourou pour tenter de braquer des banques grâce à la puissance de ses kicks. (Ceci est, d'ailleurs, un vrai scénario sorti de la plume de Stan Lee et devrait vous expliquer pourquoi j'aime le Spider-Man classique d'un amour pur qu'aucun produit de consommation de masse ne saura salir.) Pour des raisons purement scénaristiques il rencontre notre protagoniste pensant par le biais de phylactères nuageux à ses peines de cœur et bam, shwop, bang, thwip, kra-koom, thwip et même encore un petit coup de thwip pour faire bonne mesure : le félon finit au violon suite aux assauts photogéniques de notre ingénieux héros. Mais, attention, dans l'ombre l'on apprend qu'un mystérieux ennemi que nos lecteurs les plus assidus sauront reconnaître grâce à sa silhouette emblématique prend des photos compromettantes du monte-en-l'air en train de se changer. Son identité sera-t-elle révélée au grand public dans le prochain épisode ? Non, hein, mais on va faire comme si... dans le prochain épisode de Spider-Man ! Un classique pour les âges réalisé par les plus grands artistes de la planète ! Achète un t-shirt true-believer ! Excelsior !
Enfin, ça, c'est la théorie de base. Quelque part aux alentours des années quatre-vingts le marché a décidé de se consacrer presque entièrement au domaine du fan-service. Les scénarios, plus sérieux, sont devenus des concours de continuité. L'on a tenté de prétendre qu'en fait, hein, tout ceci était aussi un art très prétentieux aussi ennuyeux que toutes les autres disciplines qui avaient lentement été détruites par leur propre codification. (Figurez-vous que dans le temps Molière était joué de manière drôle par des gens qui l'étaient tout autant ; aussi surprenant que cela puisse paraître.) Tout d'un coup... il fallait avoir lu environ une quarantaine d'années de chacune des séries qui vous intéressaient pour savoir précisément comment ce personnage que vous pensiez connaître... était en fait un clone de lui-même ?! Je crois, hein, je suis pas certain d'avoir encore assez de mémoire vive pour vous expliquer les aventures de Ben Reilly. Et c'est précisément ainsi que l'on se retrouve de nos jours avec une discipline hermétique où l'on vend sempiternellement des histoires similaires à celles qui furent populaires à un public de quadragénaires chauves qui portent des lunettes. Ce qui nous amène enfin à parler de Yakuza 0.
C'est un très bon jeu... pour peu que vous n'ayez jamais joué à un autre titre de la série de votre vie. Mieux, tiens, c'est un Perfect Jumping-on Point. Vous n'avez jamais eu le courage de vous coltiner l'un des épisodes précédents ? Parfait ! On va vous résumer tout ceci dans une aventure introductive vous mettant aux prises avec les thèmes majeurs de la série. (À savoir, dans l'ordre : le devoir, la fraternité, fumer des clopes, le devoir, avoir l'air cool, le devoir, les mini-jeux, fumer des clopes, le devoir et surtout le sentiment de respect filial pour ses semblables dans un monde du crime organisé bâti autour des lois interpersonnelles très rigides du peuple japonais.) Vous y découvrirez Kazuma Kiryu – le fameux Travolta japonais – avant qu'il ne devienne le protagoniste d'une flopée d'histoires interchangeables sur la nature de ce que c'est de manière intrinsèque d'être un mafieux japonais. Vous savez, le devoir, tout ça. De l'autre côté du scénario vous comprendrez enfin pourquoi Goro Majima est aussi cinglé. (#FunFact : il sera peut-être question d'amour filial et/ou de devoir, mais ça je vous laisse le découvrir au cours de très très très longues cinématiques écrites avec talent et jouées avec des micros.) Enfin, vous arpenterez le plus petit univers open-world de l'histoire de la discipline en remplissant des objectifs très très similaires les uns aux autres. Parfois – enfin, toutes les dix minutes – vous participerez au gameplay d'une série de beat 'em up inventée sur PlayStation 2 et qui fêtait lors de la sortie de ce titre sa première décennie de règne. Satisfait, vous repousserez d'un geste machinal vos lunettes sur un nez des plus aquilins avant de penser un bref instant qu'un jeu doté de sous-titres doit bien taper plus haut d'un point de vue culturel que la plupart des autres titres bâtis autour de l'idée du proxénétisme. Puis, selon votre degré d'intimité avec la série vous allez éructer qu'un titre comme celui-ci doit être considéré comme un chef-d'œuvre, un vrai. Vous allez en causer au monde entier d'un air enjoué en réajustant constamment vos lunettes d'un air énergique. Tel est l'effet Yakuza : personne n'oublie sa première fois.
Puis, après trois ou quatre titres absolument similaires passés à faire la même chose au même endroit, vous vous demanderez petit-à-petit comment il est possible qu'une série de titre aussi efficace du point de vue de l'écriture n'aient absolument rien à dire. Puis, petit-à-petit, le charme s'estompe et vous vous mettez à écrire sur Peter Parker car – autant l'admettre – vous n'avez jamais l'occasion d'écrire sur l'Uomo Ragno et la série Yakuza vous ennuie depuis le troisième épisode.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Critique Cruelle par... Le MaSQuE.
Créée
le 23 mars 2017
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