Faites entrer le Kuze

Il m'a fallu 3 tentatives pour rentrer dans Yakuza. La première fois, en 2016 et une seconde en 2017. Je n'arrivais juste pas à rentrer dedans. Il y avait plein de choses qui m'exaspérait. Déjà, et c'est un problème récurrent avec les jeux japonais, c'est qu'on ne nous lâche pas la grappe. On nous tient la main pour n'importe quel tutoriel ou action à faire. Laissez-moi découvrir le jeu tout seul en paix ! Yakuza n'était pas le pire dans son genre, mais il en gardait des traces.

Second point, la dissonance vidéoludique. Mais si, vous savez, cette contradiction entre une histoire tragique à une finalité dramatique et imminente (genre, la Lune va s'écraser sur la Terre) et notre héros qui va livrer 50 kilos de radis à Madame Lucette parce que sa belle-fille nous l'a demandé. Yakuza en est un exemple frappant : son histoire, que j'explore plus bas, pourra tranquillement rester en attente le temps que nous escortions une sorte de chanteur dénommé Michel Jaqueson dans les rues de Kamurochō, et ce, de façon complètement loufoque.

J'avais abandonné. Une histoire vraisemblablement tragique entrecoupé de situations absolument décalées et dingues ? Très peu pour moi.

Pourtant en 2018, je lui ai redonné sa chance. Et c'est en acceptant cette dissonance et de me faire un peu tenir par la main (pas trop quand même, lâche maintenant) que j'ai su réellement apprécier ce Yakuza 0. On incarne Kyriu, qui doit porter le chapeau pour son gang de Yakuza pour un meurtre qu'il n'a pas commis, et dont le cadavre se retrouve à un endroit très spécifique dans Kamurochō. Peu à peu, et en remontant à coup de poing le peu d'indices que l'on possède, l'on arrivera à comprendre pourquoi une personne est morte à cet endroit précis. Dans le même temps, on incarne Majima Goro, aussi un Yakuza devant tenir un casino pour éponger d'une dette envers son patron. Son histoire singulière, mêlant amour et trahison, permettra de comprendre pourquoi cet homme est peu à peu devenu celui que l'on connaît dans les opus suivants.

Les deux histoires vont se mêler et s'entremêler, sans qu'aucun des deux protagonistes ne se croisent. L'intrigue de Yakuza 0 est sans doute un de ses points forts : jamais je ne me serai douté que j'apprécierai autant son histoire, palpitante, intrigante et terriblement déchirante (surtout pour Majima). Ajoutez à cela des cinématiques percutantes dont les personnages incarnent dans leur jeu une certaine philosophie de vie (Kuze, Nishitani), et vous avez là un scénario très solide.

Mais, entre deux révélations et coup de poignards, vous pourrez aussi explorer les villes des différents protagonistes : Kamurocho pour Kyriu, Sotenbori pour Majima. Au choix, vous pourrez jouer à la borne d'arcade, pimper et faire des courses de mini-voitures (mon activité favorite) ou même jouer au bowling, parmi tant d'autres.

Les quêtes secondaires de Yakuza 0 sont, comme dit plus haut, à l'exact opposé de l'histoire. Elles sont très inégales dans l'ensemble, allant de la quête fedex à une tentative de s'infiltrer dans une secte. Mais elles ont presque le même point commun : elles sont complètement barrées. On est dans de la surexagération et un décalage absurde constant, excusant par moments la facilité d'écriture (à grands coups de Deus Ex Machina) de ces quêtes.

Lassé de ces quêtes ? Travaillez ! Avec Majima, vous pourrez gérer un cabaret de serveuses : cela implique de recruter les meilleures filles, de les entraîner, de les customiser afin de faire de votre cabinet le plus célèbre de tout Sotenbori. J'ai passé plus de temps à améliorer mon cabaret que je ne l'oserai l'avouer...

Avec Kyriu, vous pourrez accomplir votre fantasme d'agent immobilier : celui qui se pose devant un immeuble en ouvrant une grosse valise de cash pour acheter le dit-bâtiment. Cependant, le gameplay moins fourni de ce métier en font un aspect du jeu moins intéressant que le cabinet de Majima.

Enfin, que serait Yakuza sans ses combats. Car Yakuza, c'est avant tout un beat-em up, aux actions et figures de combat complètement dingues. Avec vos poings, ou à coup de plots de signalisation et de motos, vous pourrez accomplir une variation vertigineuse de coups et d'actions spéciales. Les différents styles de combats (6 en tout, 3 par personnages) brisent la routine à chaque instant.

Voilà donc ce qu'est Yakuza. Un triptyque, composé d'une histoire sérieuse et mature, d'une ville vivante regorgeant d'activité et d'un système de combat jouissif au possible.

La troisième fois, c'était la bonne.