Vous savez ce qui est bien avec les hack’n slash ? Ce sont des jeux idiots. Non, mais calmez-vous, je le dis de façon très positive. Oh bien sûr, je ne doute pas qu’il y ait une vraie profondeur dans Path of Exile ou le endgame des Diablo, mais ce n’est pas pour ça que j’y joue. Moi, j’aime bien taper des ennemis de façon répétitive, faire monter mon niveau, rouler sur le jeu, avec un feeling très satisfaisant. Récemment, j’ai relancé Diablo 3 et celui-ci est très satisfaisant…pendant 2h, maximum. Ça ne reste pas. Le jeu dure pourtant au moins 20 heures pour aller au bout de la quête principale. Mais le plaisir s’estompe rapidement. Bourrer les mêmes attaques basiques, contre des mobs de plus en plus sacs à pv, ça me lasse vite s’il n’y a rien à côté. Seulement, 5 ans après l’avoir terminé en coop’, j’ai repassé une quinzaine d’heures sur Diablo 3 avant de réaliser que ça faisait plus de 10 heures que je ne m’amusais plus. Oui, j’ai beau accuser le jeu d’être idiot, je le suis tout autant. Diablo 4, au contraire, m’a procuré un sentiment inverse. J’ai eu beaucoup de mal à prendre du plaisir au tout début, puis, dès que j’ai pu améliorer mon build de sorcière, j’ai beaucoup aimé. Moins bourrin, plus réfléchi, ne serait-ce que dans le positionnement face aux boss ou aux hordes d’ennemis, Diablo 4 n’en devient pas un tactical pour autant, mais il abandonne l’esprit de plaisir immédiat de son prédécesseur pour quelque chose de plus fin et jouant plus sur le long terme. Résultat, à sa sortie, j’ai passé 50h dessus sans vraiment voir le temps passer. C’est malin, parce qu’à mon sens, c’est toute la problématique des jeux avec un gameplay simpliste : comment faire durer le plaisir ? Une question qui peut se poser pour tout plein de jeux, en dehors même du genre hack’n slash ainsi que d’autres domaines comme…euh…la nourriture. D’ailleurs, nous ne sommes pas là pour parler spécifiquement de Diablo, ni même du hack’n slash en général, puisque c’est la série d’Action-RPG Ys et en particulier Ys IX Monstrum Nox qui sera le principal concerné par le sujet d’aujourd’hui.
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Ys est une série de jeux vidéo éditée et développée par Nihon Falcom dont le premier épisode est sorti en 1987 sur PC. Pour ne pas trop s'attarder, sachez simplement que c’est un éditeur Japonais qui a grandement participé à démocratiser le marché du PC au Japon, un défi de taille, tant ça n’a jamais été un support de prédilection dans ce pays. Aujourd’hui, Falcom est principalement connu pour deux grandes sagas : The Legend of Heroes dont font partie les Trails of Cold Steel et autres « Trails » (à ne pas confondre avec « Tales of ») et la saga Ys, dont le dixième épisode sort tout juste en Europe. Celle-ci a démarré en 1987 avec Ancient Ys Vanished, sur des PC exclusifs au Japon mais il fut ensuite porté sur consoles, en plus d’avoir eu des ressorties en tout genre depuis. S’inspirant d’une légende Celte (la légende d’Ys), l’univers des jeux est une version médiévale-fantasy de notre monde. On y trouve les continents d’Eresia et d’Afroca, pour l’Europe et l’Afrique, par exemple, ou l’Empire de Romun. Chaque épisode nous fait incarner Adol Christin, un aventurier connu à posteriori des jeux pour avoir rédigé plus de 100 journaux de voyage. Malgré ce personnage récurrent, chaque jeu est relativement indépendant, et il n’y a pas réellement d’intrigue fil rouge de la série. On peut ainsi démarrer par l’épisode que l’on souhaite. Il y a tout de même une chronologie, et les différents remakes de la saga (The Oath in Felghana pour le 3 et Memories of Celceta pour le 4) furent justement créés, chez Falcom, pour relier un peu plus les épisodes entre eux. En termes de gameplay, les jeux Ys sont des Action-RPG. Jusqu’au sixième épisode, les titres peuvent évoquer les premiers Zelda, ou du Secret of Mana sous cocaïne : des jeux en 2D vus du dessus, très portés sur l’aspect Action de son sous-genre. On est d’ailleurs accompagné dans chaque épisode par une bande son éclectique, et entraînante qui n’aurait pas à rougir face à des musiques de Castlevania. Elles sont composées par la Falcom Sound Team JDK dans quasiment tous les titres, mais cette équipe n’est pas forcément constituée des mêmes musiciens depuis le début. Tout en gardant continuellement l’accent sur l’action, on peut distinguer trois sous-formule de combat dans la saga : le « bump system » des deux premiers où l’on attaquait automatiquement les ennemis simplement en fonçant dedans, puis un système plus conventionnel avec une touche d’attaque et des compétences spéciales qui trouvera son aboutissement dans Ys Origin ou justement Oath in Felghana. Enfin, la formule qu’on connait réellement aujourd’hui prend racine dans Ys Seven, en 2009. Premier épisode à avoir des plans de caméra variés et plus riches, mais aussi celui qui introduit les multiples personnages jouables dans notre groupe, tout en gardant l’aspect hack’n slash frénétique des précédents confirmant la volonté de la saga à être toujours orientée action, au profit du côté RPG très « lite ». Dorénavant, avec sa caméra libre, et ses changements de personnages, il peut être difficile de voir l’affiliation avec le genre du hack’n slash. C’est surtout pour moi une question de feeling, de ressenti dans les combats, dans l’impact des coups, même si Ys ne s’est jamais défini lui-même comme héritier ou alternative japonaise à Diablo (le premier Ys étant sorti de toute façon avant). Et pourtant, il suffit de prendre en main Ys Origin à peine quelques minutes pour comprendre ce lien que je fais, d’autant plus que cet épisode préquelle nous fait traverser un seul donjon vertical, à l’instar du premier Diablo.
C’est pourtant bien l’épisode suivant, Memories of Celceta (sorti initialement en 2012 sur PS Vita) qui va nous intéresser comme comparatif à Diablo 3. Comme Diablo 3 (ou comme n’importe quel hack’n slash), Memories of Celceta va vite, et est très satisfaisant. La mécanique de changement de personnages amène un tout petit peu de réflexion étant donné que les ennemis sont plus ou moins faibles face à tel ou tel membre de l’équipe. Fondamentalement, ceci dit, comme Diablo 3, ça reste un jeu franchement bourrin où l’on peut s’en sortir en matraquant l’attaque et les esquives. Et comme Diablo 3, si ce n’était que ça, ça finirait par me lasser. C’est là qu’intervient l’héritage de RPG Japonais qui amène un chouïa plus de variété. Ça passe évidemment par l’équipement, le leveling et bien sûr une histoire narrée à travers des dialogues qui prennent une place non négligeable dans le temps de jeu. Dans le cas de cet épisode en particulier, la trame principale est malheureusement loin d’être passionnante et souffre d’une narration sans réelle mise en scène. C’est verbeux pour pas grand-chose et les enjeux ne m’ont jamais convaincu. Quant à l’aspect RPG, il suffit d’acheter le meilleur équipement dans chaque nouveau village pour être largement au niveau, à l’opposé du loot très régulier des hack’n slash « classiques ». Alors, ça vous donne envie ? Non ? C’est normal. En vérité Memories of Calceta est sympathique au mieux mais souvent très anecdotique. J’en parle aujourd’hui uniquement parce qu’il amène une mécanique qui sera reprise dans tous les suivants : la cartographie. Et là, je me dois de mesurer la profondeur de cette nouveauté, c’est une mécanique qui reste basique. Il s’agit d’un simple brouillard de guerre à dévoiler en explorant la map en détail. C’est exactement comme dans Xenoblade Chronicles 3, si vous voulez, à la différence notable que c’est intégré dans l’aventure comme un objectif annexe. En effet, il y a un pourcentage de complétion de map qui s’affiche constamment quand on ouvre la carte, et des récompenses à aller réclamer à un pnj tous les paliers de 10% atteints. C’est franchement engageant et c’est une idée qui aurait tout à fait sa place dans Diablo. En l’état, dans Diablo 4, le monde ouvert se dévoile de la même façon, mais le jeu n’en a que faire si on explore ou non. De même, dans le 3, dans lequel l’exploration des zones est carrément réinitialisée à chaque fois qu’on le relance. Memories of Calceta a beau être très quelconque, il a su maintenir mon attention grâce à ses combats simplistes dynamiques et cette notion de complétion de map.
Une notion qu’on retrouvera donc évidemment dans Ys IX Monstrum Nox. Il s’agit du dernier épisode en date sorti en occident avant le X en fin d’année, et c’est peut-être devenu mon épisode favori. Il est vrai que je n’ai joué qu’à quatre d’entre eux : Origin, Memories of Celceta, le 8 et le 9. Ce dernier reprend d’ailleurs toutes les fondations du 8 qui proposait enfin une caméra libre et une structure narrative nous faisant alterner entre deux personnages. Lacrimosa of Dana amenait même ponctuellement des séquences de tower defense avec notre camp à défendre en posant des pièges et des leurres. Ceci en plus du retour de la cartographie qui se prêtait parfaitement à l’aventure puisque Ys VIII se déroule sur une île tropicale mystérieuse sur laquelle nos héros ont fait naufrage. Souvent considéré comme LE meilleur épisode de la saga, il faut avouer qu’il a beaucoup d’arguments en sa faveur. C’est une combinaison très efficace et aboutie de la formule qui n’offre que peu de temps mort, tout en étant le plus long, et en offrant un agréable cadre éclatant aux couleurs saturées. Pourtant, je crois bien lui préférer le 9, pour plusieurs raisons, à commencer par l’audace de son postulat. En effet, après l’île déserte ensoleillée du 8 et sa belle réception critique, l’épisode suivant nous enferme dans la grande cité de Balduq. Une seule ville. D’inspiration gothique et occidentale, elle est censée évoquer des villes comme Paris ou Orléans. Le résultat est volontairement mais aussi involontairement grisâtre et tristement terne. Volontairement, parce qu’il est certain que l’aventure assume d’enfermer Adol, pourtant aventurier qui voyage constamment, dans cette grande cité prison. Car oui, la ville a des souterrains connectés et abrite un immense pénitencier pour tous les types de prisonniers. Adol lui-même y sera incarcéré en début d’aventure, et y retournera très régulièrement. Quant à la ville en elle-même, on commence en étant restreint à un seul quartier, et c’est seulement en avançant dans la quête principale que celle-ci s’ouvre. A partir de la moitié, on accèdera même à quelques plaines environnantes qui viennent offrir un léger dépaysement. Quand bien même, la zone de Balduq semble infiniment plus petite et moins engageante que dans Lacrimosa of Dana. C’est une volonté scénaristique de mettre un frein à la facette d’explorateur d’Adol, l’enfermement étant le thème même du titre. Malheureusement, c’est aussi d’un point de vue technique que le jeu souffre de son modeste budget. Restreindre le joueur a une grande ville est une bonne idée, mais celle-ci n’offre pas assez de quartiers ou d’atmosphères différentes quand bien même le jeu le souhaiterait. Résultat, tout se ressemble et rares sont les lieux qui réussissent à se distinguer, l’aventure nous faisant alterner entre la ville et la prison.
On pourrait donc se dire qu’Ys IX sacrifie son exploration au profit de ses thèmes, et pourtant, paradoxalement, j’ai eu bien plus de plaisir à traverser et revisiter la ville de Balduq que les régions des précédents épisodes. La raison est simple : très rapidement le titre propose des outils et mouvements très pratique pour explorer rapidement en plus d’être franchement jouissifs à utiliser. On commence avec le grappin qui ne peut s’utiliser que sur des prises spécifiques (mais également sur les ennemis), puis on gagne la possibilité de courir sur les murs à la verticale, et enfin le fait de pouvoir planer. D’autres sont également de la partie mais sont bien plus situationnels. La ville de Balduq ayant une architecture relativement verticale et tout plein de collectibles à récupérer (de façon naturelle en se baladant, sans avoir à checker la map toutes les deux secondes), ces pouvoirs sont évidemment les bienvenues, et repasser sur Ys VIII, après avoir joué aussi longtemps avec, laisse un sentiment de manque. Même les donjons nous font exploiter ces nouvelles possibilités, et si ça reste une idée très légère et simpliste du concept de parkour, ça amène assez de variété pour se distinguer de son prédécesseur. C’est d’ailleurs le point fort de Ys IX : sa variété. Hack’n slash vif, mais pas trop. Structure de J-RPG, mais pas trop. Tower defense, mais pas trop. Ys IX est une curieuse combinaison de plein de genres ou mécaniques, toutes finalement inabouties, mais qui, une fois combinées, offrent une expérience très plaisante et variée. C’est un titre qui fait tout pour ne pas lasser le joueur alors même qu’il s’impose un cadre qui ne change pas énormément du début à la fin. On a beau identifier la structure de l’aventure arrivé à la moitié, chaque session de jeu nous fera faire quelque chose de différent, et toujours avec une certaine retenue. C’est le cas dans les quêtes annexes scénarisée (nettement meilleures que dans le 8) qui ne sont jamais trop nombreuses. Au final, la boucle de gameplay nous fait passer par assez de phases de jeu pour ne jamais lasser pendant ses 25 bonnes heures. On y trouve des donjons, de l’exploration, des quêtes annexes, des séquences narratives, du tower defense et même des segments en solitaire sans réels combats où l’on doit atteindre la fin d’un donjon en évitant ses pièges. Tout ça, comme si le jeu lui-même avait conscience de l’aspect limité de son système de combat. Certains des premiers épisodes le savaient également, et ils s’adaptaient en proposant une aventure courte, parfois moins d’une dizaine d’heures. Ys IX lui, propose une autre approche avec sa grande variété, mais n’oublie pas non plus de se conclure. Il est en effet plus court que le 8, qui malgré toute mon affection peine parfois à se renouveler sur 40 heures. En proposant tout cela, le revers de la médaille, c’est bien ce côté « inabouti » qui rend certains aspects oubliables. Les personnages sont mignons, par exemple, mais impossible de me rappeler de leurs noms une fois arrivé à la fin. D’un autre côté, c’est bien cette simplicité que je peux apprécier dans un hack’n slash, et combiné à cette grande variété, je peux dire que j’ai passé un bien meilleur moment sur Ys IX que sur Diablo 3.
Il existe une échelle de satisfaction qui a pris forme dans mon esprit et qui se présente ainsi : Diablo 3 est plaisant mais me lasse vite ; Memories of Celceta est plaisant et a de la cartographie mais me lasse quand même ; Ys VIII Lacrimosa of Dana est plaisant, est plus grand, plus ambitieux et raconte une chouette histoire, mais il est trop long pour son propre bien ; Ys IX Monstrum Nox a toutes les qualités du 8, dure moins longtemps tout en proposant bien plus de variété, et c’est parfait. Ça n’a aucun sens, je sais. C’est comparer deux jeux qu’on n’a jamais tendance à rapprocher, mais c’est justement parce que j’ai joué à l’un et l’autre dans la foulée que ça m’a sauté aux yeux. Pour d’autres joueurs qui auraient pu tester les deux séries, la comparaison ne se ferait même pas si on prenait en compte la question de la difficulté. Les Diablo sont réputés pour leur endgame ainsi que leurs modes de difficultés cauchemardesques à débloquer. La série des Ys propose également un bon nombre de difficultés, dont certaines même à débloquer, mais je doute que dans les plus relevées d’entre elles, on puisse encore jouer à peu près de la même façon à Diablo et à Ys. C’est probablement comme ça que Diablo 3 brille le plus, et pour certains, c’est aussi ainsi qu’on pratique la saga des Ys. Mais pour moi qui souhaite un système de combat simpliste et satisfaisant, tout en craignant de me lasser vite, la formule de base de la série Japonaise semble avoir parfaitement compris mes besoins, même dans un mode de difficulté basique.
Si Memories of Celceta amenait déjà une autre dimension à juste « un jeu bourrin » avec son système de cartographie, c’est bien Ys IX Monstrum Nox que je considère comme celui ayant la proposition la plus respectueuse de mon temps. Audacieux dans son approche à l’encontre même du postulat régulier de la saga, mais surtout remarquable dans sa variété, la dernière aventure d’Adol Christin a trouvé comment faire durer le plaisir. Loin d’être mémorable pour autant, c’est une petite friandise touche à tout qui souffre d’un budget parfois trop limité mais qui s’évertue à être constamment généreux. Un constat qui a l’air de s’appliquer à tous les jeux Nihon Falcom qui ont du cœur, à défaut d’avoir de la thune.