Cinéphilie obsessionnelle — 2021
Longs métrages uniquement. Revus : 17. Cinéma : 3.
↑↑ Un pingouin non-crédité dans "Rencontres au bout du monde", Werner Herzog, 2007 ↑↑
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Mois après mois, pour le meilleur et pour le pire des découvertes ...
869 films
créee il y a presque 4 ans · modifiée il y a presque 3 ansMarqué par la haine (1956)
Somebody Up There Likes Me
1 h 53 min. Sortie : 14 février 1957 (France). Drame, Biopic, Sport
Film de Robert Wise
Morrinson a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
► Janvier ◄
Sans être ni mon film de boxe préféré ni mon film de Robert Wise préféré (les deux coïncidant avec "Nous avons gagné ce soir", aka "The Set-Up", réalisé 7 ans auparavant dans le cadre moins ambitieux et beaucoup plus modeste de la série B), cette incursion biographique du côté de la vie de Rocco Barbella offre un regard différent, complémentaire et d'un intérêt égal à mes yeux, de celui que proposera Stallone 20 ans plus tard dans son premier "Rocky". J'ignorais tout du contenu de "Marqué par la haine" (le titre original est tout de même plus approprié tant le titre français se focalise bizarrement sur le père), jusqu'à sa connexité avec sans doute le plus célèbre des films de boxe, mais le parallèle se construit de lui-même : contextualisation du décor social autour d'une petite tête brûlée, canalisation de cette rage dans des gants de boxe, et bien sûr une homonymie frontalement évocatrice — Rocco Barbella aka Rocky Graziano aka Rocky Balboa.
Pour incarner le (futur) champion du monde des poids moyens de 1947, Robert Wise avait en première intention songé à James Dean, qui eut la mauvaise idée de mourir en 1955. A posteriori, on se demande bien comment l'acteur, en dépit de ses qualités évidentes, aurait pu faire pour donner corps à un tel boxeur, et l'interprétation de Paul Newman de ce côté-là est une chance, si l'on peut dire. On est clairement au début de sa renommée, on le sent terriblement empêtré dans sa technique Actors Studio (la tentative sur l'accent italien y étant pour beaucoup), loin de ce qu'il démontrera dans des films comme "Cool Hand Luke" (1967, Stuart Rosenberg), "Le plus sauvage d'entre tous" (1963, Martin Ritt) voire même un peu plus tard "Le Verdict" (1982) chez Lumet. On peut aussi noter la présence furtive de Steve McQueen, alors total inconnu (il retrouvera Newman 18 ans plus tard dans "La Tour infernale"), qui imprime déjà quelque chose de fort malgré le caractère très limité de son personnage et de son influence ici.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1956/374186
Le sable était rouge (1967)
Beach Red
1 h 45 min. Sortie : 23 mars 1968 (France). Drame, Guerre
Film de Cornel Wilde
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Même en intégrant la part d'ingratitude qu'il y a à découvrir "Le sable était rouge" après des films qui lui sont postérieurs mais que tout le monde a vus car ils sont bien plus célèbres, il reste bien difficile de le replacer dans son contexte et de l'apprécier à l'aune de cette considération. C'est un récit qui se base sur le quotidien d'une division américaine en 1945, au combat sur une île du Pacifique Sud défendue par le Japon. Dans la première partie, qui se focalise sur un débarquement de type boucherie, Cornel Wilde fait énormément penser (de manière anachronique, donc) à "Il faut sauver le soldat Ryan", et impossible de croire que Spielberg n'avait pas vu ce film au moment de réaliser le sien. De même, dans la seconde partie, le regard se resserre sur quelques soldats seulement, et sur leur progression dans la jungle avec de nombreux tireurs camouflés, en adoptant un dispositif de mise en scène assez particulier qui exprime leurs pensées en voix off : cette intériorisation de la guerre fait évidemment penser à Malick dans "La Ligne rouge". Dommage pour Wilde.
En revanche, il y a des points de comparaison plus honnêtes et circonstanciés : dans l'intention, notamment, "Beach Red" peut évoquer des films de Fuller sur le sujet, et surtout "J'ai vécu l'enfer de Corée" (1951) voire "Au-delà de la gloire" (1980). D'ailleurs, Wilde sort ce film en pleine guerre du Vietnam, conférant aux pérégrinations mentales des soldats la consistance d'un pamphlet pacifiste sur le Seconde Guerre mondiale. D'un bourbier à l'autre.
Clairement, Wilde n'a pas recours à la grandiloquence ni au spectacle pour la fameuse scène du déparquement : on sent qu'il est guidé par un certain sens du réalisme, avec quelques touches gores. Il n'y a en outre pas de dimension psychologisante à outrance, aucune trace de prétention philosophique démesurée comme cela peut être le cas chez Malick. Mais tout cela ne suffit pas, cependant : l'inquiétude qui règne dans l'inconscient des GIs ne prend jamais vraiment racine, le rythme quasi poétique de la narration ne fonctionne pas, pas plus que les silences. Clairement, c'est cette phrase qui est mise en exergue : "the trouble with killing, is that soon we forget why we are doing it." Mais le parallèle opéré de part et d'autre, avec les pleurs des soldats montrés tant du côté japonais qu'américain, ne distille pas de sympathie pour l'ennemi de manière constructive.
Martin (1976)
1 h 35 min. Sortie : 5 juillet 1978 (France). Épouvante-Horreur
Film de George A. Romero
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Dans la filmographie de Romero, il n'y a pas que des zombies, très clairement. La proposition la plus originale qui me vient instinctivement à l'esprit est "Knightriders", véritable bizarrerie de 1981 qui faisait le deuil de la décennie tout juste écoulée avec Ed Harris et Tom Savini. Sans atteindre ce degré d'originalité et sans prétendre à des jalons du zombie comme "Night of the Living Dead" (1968) ou "Dawn of the Dead" (1978), "Martin" s'aventure sur les terres du film de vampire avec un bagage pour le moins surprenant.
Comme souvent, on apprend énormément après visionnage en écoutant Thoret disserter sur le sujet avec sa passion communicative : https://www.youtube.com/watch?v=tAZPb4F0bLI
"Martin" n'est pas un film aimable, au sens où on ne l'apprécie pas directement et facilement, c'est le moins qu'on puisse dire. Avec son montage régulièrement bordélique et sa lecture des lieux parfois incompréhensible, avec des accès de baroque déstabilisant et avec son interprète principal très étrange, il y a de quoi se sentir paumé très vite. Pourtant, le montage et la mise en scène de quelques séquences suffisent à intriguer puissamment, comme l'introduction dans le wagon d'un train ou encore la scène où Martin tombe sur l'amant d'une femme sur laquelle il comptait jeter son dévolu.
Car Martin, 17 ans, est persuadé d’être un vampire âgé de 84 ans, et nourrit une obsession pour le sang de ses victimes. Le sel du film tourne autour de cette ambivalence : est-il vraiment un descendant de Nosferatu, ou bien a-t-on affaire à un dangereux psychopathe ? Pour alimenter le délire, le film est ponctué de visions en noir et blanc (qui évoquent le souvenir des films de vampire gothiques des années 1930, avec des foules lancées à sa poursuite dans les Carpates par exemple) qui peuvent être interprétées de nombreuses façons, entre flashback et projection mentale. Dès la première séquence, on voit une vision fantasmée de la réalité par Martin, produisant une juxtaposition étrange avec ce qui se passe réellement.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1977/373526
En avant (2020)
Onward
1 h 42 min. Sortie : 4 mars 2020 (France). Animation, Comédie, Aventure
Long-métrage d'animation de Dan Scanlon
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
J'ai beaucoup de mal à comprendre comment on peut se contenter voire se satisfaire d'un tel film, à la lumière de tout ce qu'a pu produire Pixar par le passé. Le fait qu'il s'agisse d'une histoire originale et non pas une énième suite (bien que ce ne soit pas systématiquement signe d'absence de créativité, comme en témoignent les suites de Toy Story) était pourtant de bon augure, mais c'était sans compter la resucée des sempiternels thèmes du film d'animation générique : filiation et deuil, passage à l'âge adulte et travail sur la confiance en soi, sur fond de valeurs familiales séculaires. Je n'en peux plus.
Quand les coutures sont autant visibles, on devient vite irritable, malheureusement. Les prémisses de l'univers original étaient pourtant sympas, sur un canevas intrigant d'un monde où la magie aurait existé puis disparu, entre la perte de sens et la facilité, en résumé. Mais de cette idée, les auteurs n'en feront rien, trois fois rien, ni sur le plan esthétique (pas grand-chose de marquant, sauf peut-être le dragon composite final), ni sur le plan thématique (le concept sera largement phagocyté par la quête qui ressemble à n'importe qu'elle autre, avec ses références à Spielberg ou Zemeckis).
Dans ces conditions, les sentiments virent au sentimentalisme en carton, avec des émotions plaquées sur un récit plutôt vide et vain. Très peu d'enjeux (le périple des deux frères est bien paresseux), pour beaucoup de pistes poursuivies à la fois, et mal, fatalement. Derrière le récit d'apprentissage, on refourgue pas mal de camelote à base d'enjeux dramatiques déjà vus et de graphismes un peu moches. L'idée de partir à la recherche de l'émerveillement dans un monde assoupi (où les fées ont oublié qu'elles pouvaient voler) était prometteuse, mais le film se tourne vers le principe de la présence-absence du père et fonctionne par soustraction — un cheminement moral très balisé bien sûr, pour retrouver la confiance, dépasser le deuil, etc. Trop de stéréotypes pour enchanter quoi que ce soit. Agaçant.
La Vocation d'André Carel (1925)
1 h 36 min. Sortie : 9 février 1926. Comédie, Drame
Film de Jean Choux
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
On dirait sous certains aspects une reprise d'un film de Jean Epstein, période "La Belle Nivernaise" : une romance partagée entre le réalisme documentaire et le réalisme poétique, tournée en décors extérieurs, avec une place importante accordée à la batellerie. Un film qui pourrait presque s'inscrire dans la grande tradition des romances fluviales (après le film d'Epstein, L'Atalante, Sous les ponts, Le Baron de l'écluse) s'il ne s'attachait pas à décrire la romance sous un autre aspect, annoncé par le titre alternatif "La Puissance du travail".
Mise de côté la particularité qui voit dans ce film la première apparition notable de Michel Simon au cinéma (après son petit rôle dans "La Galerie des monstres" de Jaque Catelain, 1924), c'est l'histoire d'un jeune bourgeois parisien qui passe ses vacances à Évian avec son précepteur, dans une station thermale à la mode pour gens aisés, sur les conseils de son père — un illustre académicien qui s'inquiète pour sa santé défaillante. Le cadre suisse, au bord du lac Léman, est clairement un des points forts du film : on navigue beaucoup sur les eaux calmes du lac, on découvre les villages avoisinants, et le protagoniste y rencontrera surtout la fille d'un chef de chantier dont il tombera inévitablement amoureux. Pour une raison un peu obscure, il souhaitera taire sa richesse pour "tester" son amour en se faisant passer pour un ouvrier et en se faisant embaucher et héberger dans les parages : l'occasion pour Jean Choux de filmer et observer le travail de ces ouvriers dans une carrière.
Quelques passages limite comiques, lorsque le précepteur (Simon, dans un sens du grotesque dont il a le secret) est montré dans toutes ses faiblesses pour la bouteille et la bonne chère, qui l'entravent dans sa mission de surveillance du fils Carel. "La Vocation d'André Carel" se regarde ainsi comme une plongée dans la région, telle qu'elle était à l'époque, (en partie) au milieu des ouvriers et des marins du lac Léman. À côté de cela, très peu de matière tout de même.
Le Bateau d'Émile (1962)
1 h 38 min. Sortie : 3 mars 1962. Drame
Film de Denys de La Patellière
Morrinson a mis 6/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Sans atteindre les sommets de la comédie dramatique française de la fin des années 50 comme "Rue des prairies" ou "Les Grandes Familles", ce film estampillé "qualité française" de Denys de la Patellière fait coïncider énormément de bonnes dispositions : des dialogues en béton armé (Michel Audiard), un scénario adapté doté d'un solide potentiel caustique sur la bourgeoisie d'après-guerre (Georges Simenon), et un cortège de comédiens qui s'en donnent à cœur joie chacun dans son registre (Lino Ventura, Michel Simon, Annie Girardot, Pierre Brasseur). Avec autant d'ingrédients de qualité, très certainement, on était en droit d'attendre beaucoup plus de cette histoire d'héritage menaçant la tranquillité des affaires d'une famille aristocratique d'armateurs de La Rochelle.
Sans doute qu'il manque un Gabin, pour le dire un peu crument : Ventura ne paraît pas toujours très à l'aise dans les nombreuses envolées que lui impose l'écriture de son personnage : beaucoup de colères, pas mal d'ivresse, et des oscillations entre gaieté simple et tristesse profonde. Ces changements de registre très fréquents, qui confèrent d'ailleurs au récit un rythme parfois farfelu, ne fonctionnent pas de manière très naturelle, comme si les rouages manquaient un peu d'huile : ça coince de temps en temps. On peut aussi regretter la sous-exploitation patente du personnage (et de l'acteur a fortiori) interprété par Michel Simon, par lequel arrive le désastre au sein de cette famille propre sur elle : un débauché extrêmement riche, qui profitait de ses vieux jours à Tahiti, décide de rentrer en France pour se venger de sa famille et foutre le boxon en léguant sa fortune à son fils né d'une vieille liaison passagère — dont il ne connaît rien. Le frère du vieux trublion, président de la compagnie d'armateurs, est bien sûr fou de rage à l'idée que ce capital lui file entre les doigts pour atterrir dans ceux d'un misérable ouvrier qu'il a toujours considéré avec dédain comme un étranger.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1962/374091
Salesman (1969)
1 h 31 min. Sortie : 17 avril 1969 (États-Unis). Drame
Documentaire de Albert Maysles et David Maysles
Morrinson a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
C'est dans une rue enneigée du Massachusetts qu'on rencontre pour la première fois Paul, Charles, James et Raymond — aussi connus sous les pseudonymes fort significatifs le Blaireau, l'Ours, le Lapin et le Taureau. Après s'être fait passer un savon par le patron de leur société de vente en porte-à-porte au milieu de dizaines d'autres VRP, entre deux soirées dans des motels miteux, on suit les élucubrations tout sauf joyeuses de ces quatre représentants en bibles de luxe comme autant d'aventures tragi-comiques. Pendant deux mois, les frères Albert et David Maysles les ont suivis de Webster (Massachusetts) à Opa-Locka (Floride), avec au menu quelques réussites mais surtout une kyrielle de déconvenues.
Ces vendeurs ont choisi un cœur de cible un peu particulier pour refourguer leurs bibles collectors à 49,95 dollars l'exemplaire : les familles catholiques pauvres, qui galèrent à économiser le moindre dollar une fois leurs factures mensuelles payées, avec une petite préférence pour les mères seules chez elles durant la journée. Trop difficile d'accéder aux quartiers riches et de leur vendre quoi que ce soit, dira l'un d'entre eux. Leur objectif commun réside donc dans la vente de bibles très onéreuses (mais des "all-time best sellers in the United States" bien sûr !) à des personnes à faibles revenus, l'occasion pour les frères Maysles de brosser le portrait assez singulier des États-Unis de la fin des années 60.
On pourrait penser, sur le papier, à une description à charge des manœuvres commerciales franchement peu reluisantes de la part des quatre larrons, mais il n'en sera absolument rien. Bien sûr, les moments odieux en termes de baratinage sont légion : parmi les éléments de langage les plus drôles malgré eux, on peut penser aux "Do you think it would help the children?" jouant dans l'emphatie, les "Which is your favourite picture / color?" pour aider le client à se projeter, ou encore les "Does your husband have a birthday coming up?" histoire de joindre l'utile à l'agréable. Invariablement, fruit d'un montage décalé, les réponses et les réactions sont désopilantes : que ce soit l'absence totale de scrupules à vendre un objet inutile à une famille endettée jusqu'au cou, ou encore la perplexité teintée d'ennui qui se lit immédiatement sur le visage des pauvres habitants, c'est globalement un fiasco.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1969/374012
Remorques (1941)
1 h 31 min. Sortie : 27 novembre 1941. Action, Drame, Romance
Film de Jean Grémillon
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Aparté : Il va falloir que j'arrête de regarder des bons films, ma moyenne va exploser et une monotonie va s'installer...
Il suffit de quelques films (notamment "Gardiens de phare", "Daïnah la métisse" et le présent "Remorques") pour discerner chez Grémillon d'une part une acuité documentaire évidente, qui transparaît ici par exemple dans cette façon de décrire le travail des hommes sur le remorqueur Le Cyclone (mais qui s'exprimait de manière différente pour décrire un événement dans le phare avec les gardiens), et d'autre part son attrait pour la mer, pour la chose maritime, avec des bateaux, des marins, des phares et des sauvetages au cœur de nombre de ses œuvres. En supplément de ces aspects, on a envie de relier "Remorques" à l'autre film qui voyait l'union de Jean Gabin et Michèle Morgan, "Le Quai des brumes", réalisé 13 ans avant par Marcel Carné et avec Jacques Prévert également en charge du scénario.
On sent que la réalisation du film a été un peu chaotique, à cause des soubresauts de la guerre et leurs conséquences sur un film démarré en 1939. Ça tangue de temps en temps, et certaines coutures comme certaines transitions ne sont pas extrêmement bien négociées. Il n'empêche, Gabin dans sa trentaine, c'est un sacré personnage qui incarne ici un marin héroïque dans son travail mais maladroit en amour, qui délaisse sans s'en rendre compte sa douce épouse, malade en secret, pour se hasarder du côté d'une liaison passionnelle. Grémillon expose très bien la situation dès l'introduction, en quelques traits seulement, en mettant en scène un repas de noces bousculé par l'appel du sauvetage en mer dans un sens du réalisme un peu pragmatique. De l'autre côté du film, c'est une approche éminemment dramatique qui régira la fin avec la perte de deux femmes qu'il aimait, de manière tragique.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1941/376625
Not Quite Hollywood (2008)
Not Quite Hollywood: The Wild, Untold Story of Ozploitation!
1 h 43 min. Sortie : 16 juin 2010 (France). Cinéma
Documentaire de Mark Hartley
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Comme tout docu pensé par des passionnés, et même financé par le plus célèbre des passionnés (Tarantino, qui a droit au sous-titre "fan" dans ses nombreuses interviews), Not "Quite Hollywood: The Wild, Untold Story of Ozploitation!" se regarde avec un élan de passion communicative qui donne envie de regarder une belle tripotée de films. En l'occurrence, des films d'exploitation australiens à haute teneur en nichons, sang et explosions. La contextualisation du mouvement cinématographique est minime, autour d'une nouvelle vague australienne centrée sur sur les 70s / 80s et avec pour dénominateur commun des budgets réduits — et en sous-texte, quand même, le désir de faire du fric à peu de frais en titillant les inclinations faciles pour le sexe et la violence, on a souvent tendance à l'oublier.
Dommage que le film soit cadencé à un rythme aussi soutenu pendant 100 minutes — là où 3 heures n'auraient pas été suffisantes — au gré d'un montage volontairement épileptique et très agaçant, ne laissant rien infuser. À ce niveau, on est à des années-lumière de l'excellent "In Search of Darkness" (2019) qui explorait les films d'horreur des années 80.
Du point de vue du contenu, malgré la pléthore d'intervenants (là aussi bien trop nombreux, pour des interventions trop hétérogènes et irrégulières), on ne peut pas dire que ce soit particulièrement fouillé. Du moins, il ne déclenche pas une vague monstrueuse d'envies cinéphiles : à côté des films les plus connus comme "Wake In Fright", "Mad Max", "Razorback", "Long Weekend" ou encore "Déviation mortelle" aka Roadgames, on sent bien que les films présentés (souvent vite et mal) sont autant de ballons de baudruche prêts à se dégonfler dès les premières minutes de visionnage. Des navets en potentiel, clairement.
Le film essaie d'alpaguer le chaland à grands coups de nu et de gore, pour ensuite dévier vers de la tatane exotique et enfin la filiation avec la nouvelle génération ("Wolf Creek" et compagnie). On peut noter la présence de Jamie Lee Curtis, George Miller, Stacy Keach, et même Dennis Hopper pour parler de ses déboires sur le tournage de "Mad Dog Morgan". Intéressant sur le principe, pour faire le portrait d'une autre histoire du cinéma australien, mais qui dans sa surenchère entre mauvais goût douteux et ridicule graveleux ne va pas beaucoup plus loin que son accroche "ockers, knockers, pubes & tubes" (beaufs, nichons, pubis et bières).
Le Casanova de Fellini (1976)
Il Casanova di Federico Fellini
2 h 34 min. Sortie : 2 mars 1977 (France). Comédie dramatique, Biopic
Film de Federico Fellini
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
Difficile de décrire la nature de mon rejet, mais l'avantage avec une œuvre aussi ouvertement grotesque, c'est que la non-adhésion doit en théorie être tout aussi intelligible que l'adhésion elle-même. En partant du postulat que Fellini cherche par tous les moyens à nous dégoûter du personnage (qu'il abhorrait ostensiblement), on assiste passivement à un interminable défilé d'images écœurantes, de sons désagréables, d'absurde indigeste et de frivolité sans conséquence — une véritable synesthésie du dégoût. Sans doute s'agit-il là d'un prétexte pour aller au-delà d'un personnage qui ne l'intéresse pas, mais en l'état, l'exercice s'avère fort déplaisant, repoussant même.
Le temps de "Les Nuits de Cabiria" semble tellement loin... Cette bouffonnerie grandguignolesque est certes totalement assumée, elle n'en reste pas moins longue, bavarde, boursouflée et ennuyeuse, avec une prédilection pour l'interprétation outrancière tous azimuts : le résultat est à mes yeux particulièrement laid et pénible. Je conçois que Fellini souhaite se moquer de manière frontale et tourner en dérision l'univers de Casanova, il n'empêche que le contre-emploi de Donald Sutherland ne suffit pas à susciter l'intérêt. L'introduction délirante était pourtant prometteuse, avec la reconstitution démesurément opulente du carnaval vénitien, mis en scène comme une fête païenne d'une ampleur hallucinante. Mais la suite virera très vite à la démonstration de force dans un registre du grotesque qui m'est entièrement étrangère : l'effet d'une sorte de Jodorowsky italien, dans ses accès autobiographiques ésotériques et farfelus.
Je ne sais pas trop comment réagir devant les schémas et symboles qui pullulent dans le film, à l'instar de l'oiseau mécanique ultra allégorique qui se réveille avant chaque performance sexuelle. La série des aventures galantes et sinistres provoque un malaise, c'est certain, mais sans doute pas celui escompté me semble-t-il. Ce théâtre hyperbolique nourrit une emphase et une poésie qui se veulent impressionnantes et grandiloquentes, mais les ambitions ne trouvent résolument aucun écho en moi. Ce n'est pas un sens du baroque qui me touche, je reste froid à ce pantin libertin sans âme et à ses annonces désenchantées et pessimistes. Le miroir tendu d'une société vide, je comprends, mais ne ressens rien de bon. Juste un carnaval bouffon et décadent de 2h30 enfermé dans sa vanité et sa luxure évidente.
Hell and Back Again (2011)
1 h 28 min. Sortie : 21 décembre 2011 (France). Action, Historique, Guerre
Documentaire de Danfung Dennis
Morrinson a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
L’affiche qui induit en erreur par excellence…
Clairement, je n'avais jamais vu d'aussi près la guerre que livrent les États-Unis aux talibans en Afghanistan à la fin des années 2000, et c'est franchement effrayant. À plein de niveaux : la violence des combats, les intentions des soldats, l'absence de communication / compréhension avec les populations locales prises entre deux feux, le sentiment de domination hallucinant, mais aussi l'état d'esprit d'un soldat aléatoire rentré au bercail à la suite d’une blessure qui lui vaudra un an de rééducation minimum avant qu'il ne puisse marcher à nouveau.
"Hell and Back Again" est principalement construit en montage alterné (pour casser la dimension spectaculaire des images de la guerre, rien à voir avec Ken Burns), avec d'un côté la vie quotidienne de ce "héros" revenu du front, soutenu par sa copine, et de l'autre une opération captée de l'intérieur, au plus près des assauts, par l'appareil photo de Danfung Dennis. D'un côté, des "I would rather be in Afghanistan, it's simple" sortis de la bouche d'un Nathan Harris en pleine rééducation, et de l'autre des "wow shit, this is the most badass shit ever!" après qu'une lourde frappe aérienne a détruit une position ennemie dans un rayon de 5 kilomètres — comme dans un jeu vidéo. Des images hallucinantes.
La qualité d'un tel documentaire provient de la neutralité du propos (vraie ou fausse, et mieux que Eastwood avec American Sniper), avec un réalisateur très en retrait, à tel point que des vétérans rednecks pourraient très bien trouver leur compte dans ce témoignage (avec à l'appui la scène pesante du chef qui pleure ses troupes au retour du front) et dans le même temps, il constitue un excellent document pour déboulonner le mythe de la belle guerre made in the USA et de ses soldats. C'est effarant de simplicité, en un sens. Il y a autant de fureur dans les images au cœur de l'assaut américain, capturées de manière viscérales, avec des GIs mitraillés de toutes parts, que de tristesse (dans ses blessures comme dans sa mentalité) dans celles du jeune soldat de 25 ans qui s'acharne à retrouver ses capacités physiques, en proie à un trouble de stress post-traumatique et shooté aux antalgiques et opioïdes — sa femme, exemple de dévouement, laisse percevoir quelques signes d'angoisse profonde car son mari a changé.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_2011/313501
Soul (2020)
1 h 40 min. Sortie : 25 décembre 2020. Animation, Aventure, Comédie
Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Pas du tout passionné par le sujet, et pas emballé par la direction artistique. Pixar file du mauvais coton. Peut-être est-ce lié à l'accumulation de dessins-animés réalisés par ce studio, mais j'ai la sensation (grandissante qui plus est) que c'est un peu toujours la même soupe métaphysique qui nous est servie, avec des accès de déterminisme social ici un peu étrange (on serait programmés par notre âme dans un ailleurs géré par des êtres aux traits entre Picasso et La Linea, dans un univers bleuté au design franchement moche). Le tout enveloppé — englué — dans une guimauve sentimentale finale particulièrement gnangnan nous invitant à savourer carpe diem chaque instant de notre vie. Waouw. Et en plus, le concept fait tout de même pas mal penser à celui de Vice Versa, ce qui n'arrange rien à l'affaire.
Je ne comprends pas cette obstination à vouloir verser dans le tire-larme de manière systématique, comme si c'était la seule façon de proposer une histoire émouvante. Avec tout le mal qu'ils se donnent pour confectionner un monde réel aussi crédible, cela revient à se tirer une balle dans le pied. La thématique du Jazz est en plus soit trop importante ou pas assez creusée : en l'état ce n'est qu'un prétexte pour faire chic. De même le concept de formation des âmes m'est apparu assez inoffensif, pas intéressant, pas drôle, et on voit arriver l'histoire de l'espiègle 22 à des kilomètres. Et gnagnagna l'existence est formidable et gnagnagna il faut trouver les réponses aux questions sur le sens de la vie et gnagnagna. Démesurément consensuel dans ses thématiques et dans leur traitement, avec en prime les sempiternels peurs de la mort et de l'échec : combo fatal. Mais pour montrer ma magnanimité (et pour contrer tant bien que mal mon côté pisse-froid), je reste généreux.
La Baule-les-Pins (1990)
1 h 40 min. Sortie : 14 février 1990 (France). Drame, Romance
Film de Diane Kurys
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Très peu d'intérêt à ce récit semi-autobiographique de Diane Kurys qui se rappelle un peu platement le divorce de ses parents lors des vacances d'été de 1958, sur une plage de la côté atlantique. Les deux jeunes filles de 8 et 13 ans ressentent à leur niveau la dégradation de la relation de leurs parents, et "La Baule-les-Pins" entend retranscrire ce sentiment-là, principalement. Malheureusement, rien d'authentique ne ressort de ce portrait choral et familial, avec en première ligne des fautes les acteurs qui rivalisent tous de platitude et de désincarnation : Richard Berry et Nathalie Baye sont bien inutiles dans le rôle des parents, Valéria Bruni-Tedeschi compose un personnage particulièrement désagréable, Vincent Lindon est inexistant, Zabou Breitman de même, et seul Jean-Pierre Bacri paraît à peu près naturel et n'en fait pas trop. Le film baigne dans une ambiance d'affrontements traités sans nuances (et sans convictions d'ailleurs), et se complait dans le maniement de vignettes et autres caricatures. On peine à trouver un sens, à discerner une étincelle de sens dans la pénombre, tant le propos est banal et déjà vu, qui plus est lorsqu'il est mis en scène de manière aussi artificielle et peu vigoureuse. Une histoire de couple affreusement conventionnelle, avec les parents qui se séparent sous les yeux des enfants impuissants (qui vont jusqu'à se menacer de se trancher la gorge avec un bout de miroir brisé tout de même). Et un basculement vers le dramatique particulièrement raté, lui aussi, dans le dernier segment
Heureusement il y a Didier Bénureau pour faire une blague sur les suppositoires avec des poissons rouges qui deviennent blancs. Ho ho ho.
La Nurse (1990)
The Guardian
1 h 33 min. Sortie : 25 juillet 1990 (France). Fantastique, Thriller, Épouvante-Horreur
Film de William Friedkin
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Bon, clairement, "The Guardian" n'est pas l'apogée de la carrière de William Friedkin : 17 ans après son plus célèbre "The Exorcist" (pour lequel je n'ai néanmoins pas tant d'estime), il retourne sur les terres de l'horreur et du fantastique avec un thriller raconté sans conviction autour de parents dont les nouveau-nés sont enlevés par une nounou-esprit de la forêt. Aucun risque de spoiler à vrai dire, car le récit divulgue très vite, trop vite sans doute, le contenu surnaturel de son intrigue en montrant les pouvoirs de Jenny Seagrove — qui au demeurant était un choix de casting plutôt judicieux, avec cette légère étrangeté, cette douceur teintée d'effroi, la fameuse femme "trop parfaite". Dès lors, toute une composante du thriller tombe à l'eau pour uniquement se concentrer sur des problématiques du type : quand est-ce que ces parents découvriront l'abominable réalité ? Des enjeux pas folichons.
C'est d'autant plus regrettable que Friedkin a su incorporer un sens de mise en scène très clair dans ce conte horrifique, donnant à l'univers fantastique une petite touche intéressante. Mais on reste dans le déclin post 80s des séries B d'horreur, très clairement, avec en particulier une écriture qui flirte trop souvent assez grotesque. Friedkin lui-même n'est d'ailleurs pas grand fan du film : "La Nurse n’est pas un bon film, je ne l’aime pas. Je l’ai tourné pour un ami producteur, je n’avais pas d’autre projet en vue à l’époque, donc j’ai dit oui, et j’ai échoué." Sans doute ne serais-je pas aussi sévère, car l'atmosphère qui règne dans la fôret, autour de l'arbre druidique et ses nombreux sacrifices de nourrissons, n'est pas intégralement à renier. Mais on conserve avec certitude l'amertume des scénarios trop frontaux, qui ne parviennent pas à irriguer convenablement l'épouvante. Les visions qui tentent de mêler horreur et érotisme sont un fiasco, sans parler des dons de lévitation et des meutes de loups / coyotes. Reste bien sûr le climax final avec dégommage d'arbre maléfique à la tronçonneuse, avec geysers de sang à chaque entaille à la clé...
Meurtre à l'italienne (1959)
Un maledetto imbroglio
1 h 55 min. Sortie : 17 mai 1963 (France). Policier, Drame
Film de Pietro Germi
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Il ne manque pas grand-chose à ce film pour accéder à une place moins ingrate que ce simple policier sympathique à caractère social. Si le titre français "Meurtre à l'italienne" peut clairement induire en erreur dans le parallèle qu'il établit avec "Mariage à l'italienne" (la traduction a été opérée après coup, bien que le film soit sorti avant, à des fins commerciales évidentes), la tonalité de ce satané imbroglio — le titre original —s'éloigne de la comédie italienne classique pour s'inviter dans la case de l'hommage au film noir américain, avec en figure de proue le réalisateur et acteur Germi dans le rôle de l'enquêteur au cigare, chapeau, et lunettes noires.
Au-delà de l'intrigue policière plutôt touffue qui tente de démêler un gros paquet de nœuds formés par un labyrinthe de pistes se résumant à des impasses, l'intention assez claire de Germi est de faire la peinture sociale de l'Italie, avec des personnages de tous horizons, toutes catégories sociales, toutes origines géographiques. Même si la dimension psychologique des portraits n'est pas des plus denses, on reconnaît une forme appréciable de diversité du trait qui brosse différents milieux, du bourgeois au populaire en passant par la bureaucratie policière. De manière générale, tous les personnages sont des minables : non pas des criminels (on insiste sur le fait que leurs actes, globalement, ne sont pas répréhensibles), simplement des voleurs, des menteurs, des lâches, des cupides. Avec une petite préférence pour la bourgeoisie romaine médiocre empêtrée dans ses secrets honteux. Dans ce tableau peu reluisant, seule la jeune et magnifique Cardinale retient la bienveillance de Germi.
Une trame policière qui sert de prétexte à révéler les dessous cachés de la société italienne et les turpitudes des hommes : voilà l'objectif un peu trop programmatique pour convaincre et émouvoir totalement. Dans un style ni néoréaliste ni auteuriste, Germi fait usage autant de noirceur que d'humour, avec des répliques presque pince-sans-rire du style "(Le prêtre) Il fréquente des cartomanciens, des voyants… Des charlatans, en somme. — (Le commissaire) Oui, j’en connais un". Une société gouvernée par les apparences, où tout le monde prétend être quelqu'un d'autre dans un grand fracas de manipulations, de tromperies, et de chantages. Dans les placards, on dissimule des relents de fascisme. Dans le dos, on se prostitue (auprès de riches américaines) avant le mariage. Les échos de la décadence sont assourdissants.
Hideko, receveuse d'autobus (1941)
Hideko no shasho-san
53 min. Sortie : 17 septembre 1941 (Japon). Comédie dramatique
Film de Mikio Naruse
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Première fois que l'on peut voir Hideko Takamine chez Mikio Naruse, et fait notable : le titre du film porte le nom de l'actrice et non celui de son personnage (Okoma, une jeune fille employée par une petite compagnie de transport en bus). En creusant, on se rend compte qu'il s'agit d'une sorte de capitalisation par la Tōhō sur la célébrité de la jeune actrice de 17 ans qui était déjà une célébrité, avec pas moins de 76 films à son actif — en ayant commencé à 5 ans ! Assez incroyable.
Si on est loin à mes yeux de l'ampleur de mélodrames réunissant le duo comme "Nuages flottants" (1955), le ton légèrement enlevé et presque primesautier reste rafraîchissant. On n'est clairement pas dans la comédie joyeuse, il ne faut pas exagérer, on reste du côté de Naruse : il y a donc la menace de la concurrence sur la compagnie de transport et par ruissellement sur l'emploi de la receveuse et du conducteur, avec un patron pas très respectueux de ses employés et quelques autres petits détails du côté de la mini-tragédie. Mais il n'empêche, le sourire de Okoma est omniprésent, toujours prompte à trouver des solutions et à aller au-delà de ce que son métier exige d'elle-même, allant jusqu'à contacter un écrivain afin de lui faire travailler son texte et son élocution, car elle souhaite transformer le simple transport en un moment guilleret de présentation touristique des environs.
Sauf que rien ne se passera comme prévu, sur un thème un peu burlesque : il y a les jeunes femmes qui chantent (et empêchent Okoma de faire son discours), il y a cet aveugle (qui n'a pas besoin qu'on lui parle de ce qu'il ne voit pas), et en plus de la faible fréquentation accaparée par les compagnies plus modernes, les deux collègues auront un accident — léger, et ainsi pas assez conséquent pour faire marcher l'assurance, au grand dam du patron qui tentera d'en faire un plus important.
Et le film de se terminer sur une note douce-amère, avec la receveuse très contente de pouvoir enfin raconter son poème, et le chauffeur content d'avoir pu réparer le bus. Mais les deux ignorent qu'il s'agit de leur dernier trajet, le boss ayant vendu le véhicule... Une comédie légèrement mélancolique, jamais grave mais toujours focalisée sur la pauvreté, qui peut se montrer avant-gardisme dans son regard scrutateur des petites choses banales du quotidien, comme un avant-goût néo-réaliste.
Le Téléphone rose (1975)
1 h 35 min. Sortie : 15 octobre 1975. Comédie
Film de Édouard Molinaro
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Effectivement, la composante anar typique de cette comédie (qui n'en est pas vraiment une) française des années 70 appréciable, même si on n'atteint pas des niveaux stratosphériques — dans le registre du potache / sale gosse, je préfère de loin des choses comme "Un drôle de paroissien" de Mocky (1963), et en anar pur "Archimède le clochard" de Grangier (1959), "La Fiancée du pirate" de Kaplan (1969) voire le Blier de "Calmos", pour quelque chose de plus contemporain à ce "Téléphone rose". Dommage que Molinaro ne parvienne pas à mêler agréablement la partie liée à la prostituée interprétée par Mireille Darc et celle liée aux déboires de l'entreprise, en plein rachat par les Américains, dirigée par un Pierre Mondy on ne peut plus paumé.
Il incarne un petit industriel toulousain (mais au final l'ambiance de la ville ne sera pas démesurément présente, on entendra d'ailleurs plus l'accent du sud à Paris dans un restaurant où on mange du cassoulet et où on prend des dijo à l'armagnac, m'enfin) qui tombe dans un panneau monumental : il ne voit pas qu'une fille qui se jette dans ses bras et dans son lit est en réalité une call-girl de luxe payée par la grande firme qui souhaite négocier au mieux le rachat de la société. Sur ce versant, le film est incroyablement lourd, la spirale infernale dans laquelle s'engage Mondy est assez peu subtile manque cruellement de rythme. Un peu comme Michael Lonsdale dans le rôle du grand méchant Morrison : c'est un peu rouillé.
On peut tout de même noter la férocité de certains dialogues, notamment quand la prostituée balance le tout à la gueule du piteux chef d'entreprise sur le tarmac. Forcément, on éprouve de l'empathie pour ce type, en dépit de son comportement adultère pas très assumé. Et dommage aussi que cette photo baveuse très en vogue à l'époque viennent dégueulasser l'atmosphère. À noter que le rôle fut d'abord proposé à Lino Ventura qui refusa ("Moi, une fille qui me roule dans la farine, je lui retourne une baffe et on n’en parle plus.") puis Yves Montand qui se trouvait trop séduisant pour que Mireille Darc ne lui tombe pas directement dans les bras.
L'invasion vient de Mars (1986)
Invaders from Mars
1 h 40 min. Sortie : 3 septembre 1986 (France). Science-fiction, Épouvante-Horreur
Film de Tobe Hooper
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
Wow. De la part de Tobe Hooper, cet "Invaders from Mars" a de quoi surprendre. Sans aller jusqu'à la comparaison avec le jalon de l’horreur qu'il réalisait 12 ans plus tôt avec "The Texas Chain Saw Massacre", on en viendrait presque à regretter "Lifeforce" de 1985 brouillon mais plus conséquent — pour relativiser. La seule particularité intrigante de ce film, c'est qu'en tant que remake d'un "Body Snatchers like" des années 50, la dimension paranoïaque de ces années-là se trouve injectée de force dans le décorum classique du cinéma d'horreur américain 80s, avec ses thématiques, son esthétique. Comme si les codes sous-jacents et la forme étaient antithétiques, atypiques en tous cas.
Une chose est sûre, on a là une version très moche de "L’invasion des profanateurs de sépultures", avec une imagerie plus proche de la laideur d'un "Dune" — il faut voir le caoutchouc utilisé pour le design des monstres extraterrestres. On est un peu en dehors du cadre du charme des 80s. Dans la première moitié, on pense que Hooper nous emmène sur le terrain de la satire sociale, dans un genre proche de Joe Dante, puis on évolue vers ce qui pourrait être une bonne grosse parodie... avant de terminer dans sur du premier degré tout ce qu'il y a de plus bête, avec intervention de l'armée américaine surpuissante qui vient dégommer de l'alien à tout-va. Aucun sarcasme dans cette peinture de la puissance de feu, de la bravoure, du sens du sacrifice, etc. Je ne connais pas bien la politique artistique globale de la Cannon (s’il y en a une) mais l'efficacité que vise l'action ici s'apparente plus à du Chuck Norris qui défonce tout qu'à du délire bordélique à la "Gremlins".
Il y a même une approche très bateau du cauchemar enfantin (avec le fameux "non mais tout cela était un mauvais rêve" suivi d'un "ah ben si en fait") dans la tradition d'un Spielberg — on pense aussi à "E.T." à l'occasion d'un cours avec des grenouilles dans des bocaux en verre. Au milieu de tout ça, Karen Black se balade dans le rôle d'une infirmière qui est la seule à croire aux dires de l'enfant, l'alien en chef ressemble à une métastase sortant d'un anus intergalactique, et un cortège de seconds rôles peu inspirés nous gratifie de scènes de possession collector par une entité extraterrestre. Et même quand le film tente l'humour frontal, au détour par exemple de la scène où le savant fait montre d'un excès de confiance patent envers les aliens (et finit par se faire dézinguer bêtement), c'est un échec.
São Paulo, société anonyme (1965)
São Paulo, Sociedade Anônima
1 h 47 min. Sortie : 1965 (Brésil). Drame
Film de Luís Sérgio Person
Morrinson a mis 5/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Dans le Cinema Novo que je commence à peine à appréhender, ma préférence va très clairement à des films comme "Sécheresse" (Vidas Secas, 1963) de Nelson Pereira Dos Santos plutôt que ce "São Paulo, société anonyme", ce dernier manifestant un héritage beaucoup plus clair avec la Nouvelle Vague française, d'une part, et d'autre part le néoréalisme italien, en mode mineur cependant. Il y a dans les divagations et élucubrations du personnage principal très métonymique une composante existentielle plutôt intéressante sur le fond, mais qui sur la forme développe un récit qui m'est souvent plutôt désagréable.
Dans les intentions de Luís Sérgio Person, on peut très certainement retrouver la volonté d'établir un parallèle entre l'histoire particulière de cet homme en crise à São Paulo et le processus d'industrialisation des années 50 qui opère à une échelle beaucoup plus globale. À travers la figure presque schématique de l'usine automobile dans laquelle il évolue, on insiste progressivement sur son aspiration sans cesse malmenée à s'insérer dans la ville en constante mutation. La logique de cette croissance économique aura des conséquences drastiques sur sa vie personnelle, à commencer par la rupture que l'on voit en introduction, sans son, depuis l'extérieur d'un appartement vitré — scène que l'on retrouvera vers la fin du film, cette fois-ci positionné à l'intérieur de l'appartement avec un accès au contenu de la dispute au terme du cheminement de tout le flashback qui constitue l'essentiel de l'histoire.
La crise existentielle du protagoniste s'accompagne d'une sensation de vide, de dépossession, en contraste avec son ascension sociale et professionnelle : on pourrait retrouver ici une thématique digne du cinéma d'Antonioni, sur le thème de l'errance, si le récit n'avait pas été aussi froid et désincarné (à mes yeux). Le portrait qui s'étend du personnage à la ville-titre est loin d'être inintéressant, en tant qu'étude sociologique atypique et en tant qu'aperçu d'une partie de la vie brésilienne de l'époque. On pourrait même y trouver une sorte d'origine de la corruption endémique dont on perçoit les émanations aujourd'hui. Reste que ce film me paraît bien exsangue, difficile à apprécier, en lien avec les enjeux de sa fuite laissés volontairement flous. Et ce malgré l'ironie parsemée tout du long, jusque dans la conclusion.
L'Odyssée du sous-marin Nerka (1958)
Run Silent Run Deep
1 h 33 min. Sortie : 2 juillet 1958 (France). Guerre, Drame
Film de Robert Wise
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
La réputation d'élément fondateur du film de sous-marin dont bénéficie "L'Odyssée du sous-marin Nerka" aka Run Silent Run Deep n'est pas usurpée, loin de là, mais sans doute qu'il faut produire un effort de contextualisation auquel je ne m'attendais pas. Clairement au-dessus du tout-venant en la matière à mes yeux, parmi lesquels on peut citer les tentatives de John McTiernan, Tony Scott, Jonathan Mostow, Kathryn Bigelow, Thomas Vinterberg, et Kevin Macdonald, mais tout aussi clairement en-dessous du monument "Das Boot" réalisé par Wolfgang Petersen en 1981. La comparaison avec ce dernier n'est toutefois pas entièrement légitime : 23 années séparent les deux films, et les contextes géopolitiques autant que cinématographiques ont bien évolué entre-temps. Mais il reste quoi qu'il en soit bien difficile de se dégager de cette tutelle.
Dans son récit et ses enjeux, "Run Silent Run Deep" est un peu bourrin sur le papier : c'est l'histoire du commandant Richardson (Clark Gable) dont le sous-marin fut coulé une première fois et qui revient à la charge dans un second sous-marin épaulé par le second Jim Bledsoe (Burt Lancaster), avec au programme autant de compétition et de rivalité que de coopération. En plein conflit américano-japonais, le film essaie de dépeindre l'obsession du commandant pour le navire ennemi Akikaze, dans le contexte de l'après Pearl Harbor.
Tout le film ou presque est condensé dans l'intérieur d'un sous-marin, avec la dynamique des relations entre les deux protagonistes et l'équipage en point de mire : il me semble que la problématique tourne assez vite à vide, malgré la stature toujours imposante de Lancaster en mode service minimum — Gable campe quant à lui un peu trop sur son style de vieux loup sûr de lui. Heureusement que Wise l'artisan veille au grain pour insuffler à cette histoire un rythme dense, entièrement consacré à l'élaboration d'un suspense conséquent. La tactique mise au point par les sous-mariniers américains dans le Pacifique durant la Seconde Guerre mondiale (attaquer en surface les navires d'escorte des convois maritimes japonais et les torpiller de face dans l'étrave lorsque ceux-ci fonçaient sur eux pour les éperonner) est au cœur de la stratégie, mais peine à se frayer un chemin jusqu'à nous. Mais tout cela se relativise aisément en prenant en compte le fait que le film date de la fin des années 50.
Vitamines - Fantasmes et vérités (2018)
Vitamania: The Sense and Nonsense of Vitamins
1 h 30 min. Sortie : 3 août 2018 (Australie).
Documentaire de Sonya Pemberton
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Derek Muller est beaucoup plus perspicace, dans la majeure partie de ses vidéos, lorsqu'il a recours au format de sa chaîne Veritasium, qui est à la fois plus court et plus exigeant que ce documentaire dont Arte a acheté les droits de diffusion sous le titre "Vitamines - Fantasmes et vérités". Beaucoup de gras, même s'il y a des enseignements intéressants à retirer de ce documentaire sur les vitamines, leur origine, leur nécessité, leur synthèse, et leur dangerosité potentielle. Le docu a le mérite d'insister sur deux points, qui paraîtront évident à qui s'intéresse un minimum à la diététique et à l'alimentation : on peut faire des surdoses d'éléments "naturels" (et donc de vitamines), et il est préférable d'absorber des vitamines à travers des aliments plutôt qu'à travers des compléments alimentaires.
Par contre on pourrait trouver à redire sur la forme car pour par exemple démontrer que les vitamines sont largement mal comprises, on nous gratifie de quelques cas de figure un peu excessifs, avec une femme qui a surdosé 30 fois la vitamine D qu'elle donnait à une de ses filles avec pour conséquence une fatigue et une déshydratation préoccupantes, un enfant qui a failli devenir aveugle à cause d'une carence en vitamine A de sa mère pendant la grossesse (voire avant), etc. Est également abordée la question du marché des vitamines de synthèse (100 milliards de dollars par an dans le monde tout de même), en pointant certains points hallucinants notamment en matière de (non) régulation et de contrôle. Le fait qu'il n'y a pas de consensus scientifique sur certaines problématiques est également à mettre au crédit du film.
En revanche, Derek Muller se balade aux quatre coins du monde de manière pas toujours très justifiée, et sa façon de se mettre en scène m'est souvent désagréable. Et le contexte sur la découverte du fonctionnement des vitamines dans le corps, tout comme l'historique des pratiques dans le monde, auraient pu être davantage développés. Enfin, j'aurais espéré une analyse critique de la richesse en nutriments des aliments — car c'est bien beau d'inciter à manger des "produits naturels", on peut toujours manger des produits naturels de très mauvaise qualité, pour l'humain comme pour le sol ou la planète.
À feu et à sang (1952)
The Cimarron Kid
1 h 24 min. Sortie : 14 novembre 1952 (France). Western
Film de Budd Boetticher
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Le western classique 40s / 50s comme pur film de divertissement, je n'y trouve qu'un intérêt extrêmement limité. Le portrait de Budd Boetticher brossé par Jean-Baptiste Thoret au fil de ses commentaires me pousse à approfondir encore et encore l'exploration de sa filmographie, mais on ne peut pas dire que cela se fasse sans heurt.
L'histoire est ici aussi mince que prévisible : c'est celle d'un gamin, ancien pote des Dalton sans pour autant abonder dans le sens de leurs méfaits, qui est un jour accusé de les avoir aidés dans l'attaque d'un train, le tout sans preuves. Le début du classique "bandit malgré lui", puisqu'il décidera spontanément de se joindre à eux et devenir pour de bon un vrai bandit. L'essentiel de "The Cimarron Kid" tournera autour de cette figure angélique, interprétée par Audie Leon Murphy (un des soldats américains les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale reconverti dans le cinéma), qui passera d'un hold-up à un autre jusqu'à la fin du film, avec une série de fusillades et de trahisons qui ne débordent pas d'un intérêt hors du commun.
L'ultime segment du film est en outre un sommet de moralisme car après avoir rencontré la fille d'un membre du gang repenti — et après avoir été trahi par un shérif peu scrupuleux et être parvenu à s'évader de manière quasi miraculeuse (on se demande encore où sont passées ses menottes, m'enfin bon) — il sera trahi par cette dernière, mais d'un trahison que le film observe avec bienveillance : elle le trahit en le donnant à la justice, mais c'est pour son bien, il paiera pour ses fautes et elle pourra ensuite le retrouver pour finir leurs jours ensemble. Quand on sait qu'il a tué pas mal de gens et commis nombre de méfaits, on se dit surtout qu'il risque la pendaison...
En tous cas, pour l'instant, le style et les thématiques de Boetticher ne me convainquent pas : concision un peu vide, fausse complexité des personnages, dilemmes moraux très faibles des bad guys qui veulent se ranger, etc. Quelques passages originaux seulement (celui avec la rotonde ferroviaire notamment) permettent de laisser une petite marque.
L'Atlantide (1921)
2 h 43 min. Sortie : 28 mai 1921 (France). Aventure, Fantastique, Muet
Film de Jacques Feyder
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
On a connu Feyder plus concis ! Pour son film le plus ancien que j'aie vu pour l'instant (sorti un an avant l'excellent "Crainquebille", beaucoup moins exotique, mais qui ne souffre d'aucun problème de rythme du haut de ses 80 minutes), il s'embarque dans des aventures nord-africaines sur une durée de 2h50, tout de même. Cette adaptation (une des premières) du roman de Pierre Benoit suit le trajet de deux jeunes officiers perdus dans le désert qui se retrouvent prisonniers d'une mystérieuse femme prénommée Antinéa, qui n'est rien d'autre que la reine de la cité d'Atlantide. Le gros du récit est raconté à la faveur d'un flashback qui éclaircit le passé récit du protagoniste, retrouvé évanoui au milieu du Sahara.
Normalement, un film d'aventures est censé faire preuve d'un dynamisme un peu plus échevelé — euphémisme pour insister sur le fait que le premier temps du film, jusqu'au démarrage du flashback, est proprement interminable, une heure de trop grosso modo. Une fois embarqué dans le sous-récit passé, l'univers d'Atlantide peut enfin se développer autour de l'expédition montée par le capitaine Morhange et le lieutenant de Saint-Avit. Mais il ne sera jamais vraiment question de cité engloutie : les deux explorateurs finiront emprisonnés au sein d'une civilisation qui les fascine, établie au milieu du Sahara. L'occasion pour Feyder d'exploiter au maximum les conditions de tournage — fruit d'une décision radicale, à savoir tourner sur les lieux mêmes de l’action, au Sahara. Il en résulte une authenticité nette lors de certaines séquences.
L'autre point noir du film, après sa longueur démesurée, porte sans doute sur le personnage d'Antinéa censée consacrer la quintessence du charme féminin qui envoûte les mâles des environs. Saint-Avit, aveuglé par son amour aveuglant, lui obéit lorsqu’elle lui ordonne de tuer son camarade : on a un peu de mal à adhérer à cette dynamique-là, mais bon, cela n'entache pas trop l'ambiance qui règne en ces lieux, avec ces longues galeries sombres, ces différentes pièces, et l'édifice entier bordé de palmiers et de montagnes supposément infranchissables.
Une des premières superproductions françaises, triomphe commercial en dépit des excès budgétaires lors du tournage. Le désert du Sahara algérien donne l'occasion de développer quelques beaux paysages, et 2-3 particularités du récit (les amants embaumés en statues d'or, le coup de l'enfumage au haschich) prennent le dessus sur le rectangle amoureux pas des plus passionnants.
Un été 42 (1971)
Summer of 42
1 h 43 min. Sortie : 16 juin 1971 (France). Comédie, Drame, Romance
Film de Robert Mulligan
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Robert Mulligan joue dangereusement sur une ligne de crête qui sépare la sensibilité de la sensiblerie en situant ce récit d'apprentissage sentimental sur l'île américaine de Nantucket, à l'été des 15 ans du protagoniste Hernie. Une voix off introduit le cadre du film avec un concentré rare de nostalgie, sur le thème de l'évocation langoureuse des souvenirs d'enfance : dans ce moment, "Summer of 42" fait un peu peur. On a l'impression d'être entré dans un univers de téléfilm suranné, avec en prime le combo catastrophique ralenti + zoom avant + musique de Michel Legrand. Cocktail fatal qui donne envie d'en rester là, mais fort heureusement la suite du récit révèlera d'autres cartes, bien plus à son avantage.
Non pas que les recours à des éléments techniques malheureux soient exclus de la suite, mais disons qu'il se trouvent dilués dans un récit qui évoquera forcément beaucoup de choses à tous ceux qui ont été adolescents, et qui gardent bien vif le souvenir de ces étés d'errance amoureuse. Et plus particulièrement ceux qui s'identifieront au caractère timide et rêveur de Hermie, qui avait beaucoup de mal à aborder les filles de son âge tout en fantasmant sur des filles beaucoup plus âgées que lui. Il se développe en creux de ces romances une ellipse autour de la guerre, en cet été 42 — premier été américain après l'engagement dans le Seconde Guerre mondiale —, jamais évoquée mais toujours présente à travers la figure du mari de Dorothy parti au front.
La plage déserte qui sert de cadre récurrent renforce la dimension de rêverie et de vacances estivales du film, cadre de choix pour les initiations adolescentes par excellence. Les premiers émois des trois garçons bien différents se construisent autour de l'expérimentation, des bavardages, des chamailleries — avec quelques pointes humoristiques comme le livre d'éducation sexuelle ou la fameuse séquence de l'achat de préservatifs en magasin, sommet monumental de gêne. La maladresse typique de l'adolescence y est bien représentée, même si Mulligan ne parvient pas toujours à capter la part d'indicible et d'intime du moment. Il se lance sans doute un peu trop vite dans la mélancolie frontale sans avoir pris le soin de générer le contexte pour l'amener et la cultiver. Dans le même genre de reproche, la nuit que le héros passe avec Jennifer O’Neill est assez improbable : très mal écrite, alors qu'elle consacre la mort de l'enfance d'Hermie.
Divine Carcasse (1998)
1 h 28 min. Sortie : 12 février 1998 (Belgique).
Documentaire de Dominique Loreau
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
"Divine Carcasse" pourrait en un sens se résumer à l'histoire d'une vieille Peugeot qui débarque dans un port du Bénin, passant de propriétaires en propriétaires, avant de finir désossée, découpée et resoudée en une sculpture métallique à l'effigie d'une divinité locale vénérée. De Cotonou jusque dans une tribu isolée à laquelle on accède en pirogue après avoir traversé d'immenses marécages, on suit la transformation d'une voiture en une œuvre d'art, d'un objet archétype du consumérisme occidental à un fétiche révéré par une population béninoise lacustre. L'histoire d'une métamorphose peu commune, du prosaïsme le plus banal à une forme singulière de spiritualité.
La réalisatrice belge Dominique Loreau emprunte autant à Rouch qu'à Herzog en mélangeant fiction, documentaire et ethnographie. Minimaliste en dialogues, avec de nombreuses séquences dominées par le silence, on suit le fil rouge de cette voiture : d'abord véhicule d'un expatrié européen, elle passe entre les mains d'un cuisinier local qui l'utilise comme un taxi avant d'être abandonnée devant un garage (suite à de trop nombreuses pannes qui rythment un peu le film), où elle sera démembrée. C'est au terme de ce voyage que le (bien réel) artiste béninois Simonet Biokou utilisera des bandes de métal découpées directement dans les portières de la voiture pour en faire une sculpture à l'effigie d'une divinité locale.
Il y a cette voiture transportée en camion jusqu'au centre d'une ville, qui tombera sans arrête en panne au milieu de nulle-part, dans les palmeraies, en dépit de la fierté de son propriétaire. Il y a une interprétation surprenante de la chanson de Christophe "Aline". Il y a l'épisode du taxi, avec une foule bigarrée sur la banquette arrière. Il y a des cours de français pour apprendre à faire du commerce, suivi de chants africains. Il y a des danses typiques très étranges en habits traditionnels. Il y a le lent dépeçage de la voiture en centaines de bouts de ferraille. Il y a le travail du sculpteur pour créer cette œuvre fort atypique. Il y a ce voyage sur une pirogue, lent, silencieux, à travers un marécage.
Et c'est hypnotisant.
Le Temps du massacre (1966)
Tempo di massacro
1 h 32 min. Sortie : 27 juillet 1967 (France). Western
Film de Lucio Fulci
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Phénomène étrange lié à une exploration largement aléatoire de la filmographie de Lucio Fulci : je connais peu l'énergumène mais je connais mieux ses recoins inexplorés que le gros morceau de son œuvre tourné vers l'épouvante-horreur ("L'Au-delà", "L'Enfer des zombies" et compagnie). Un jour viendra. En tout état de cause, j'ignorais totalement que Fulci s'était aventuré du côté du western, spaghetti bien sûr, et ce à l'occasion d'une de ses premières grosses réalisations — la présence de Franco Nero en atteste. Un western qui a mes yeux aurait très bien pu être mise en scène par les deux Sergio de la série B, Sollima et Corbucci.
La trame narrative est assez classique, toutefois, pas de quoi crier au génie : l'éternelle histoire de la vengeance qui s'opère dans une certaine ignorance et qui s'accompagne d'une grande révélation au sujet d'un secret familial antédiluvien. Non pas qu'on voie la chose arriver de trop loin, mais la structure même des péripéties et des indices révélés petit à petit, elle, ne brille pas par son originalité. L'impression d'avoir déjà vu cela des dizaines de fois auparavant domine. Seules les enluminures sont un peu originales : Franco Nero aka Tom Corbett est un orpailleur qui reçoit un message le conseillant de rentrer dans sa ville natale, où il découvrira que la région tout entière appartient désormais à la puissante famille Scott — un peu comme ce qui arrive à Paul Newman dans "Les Feux de l'été" (1958) de Martin Ritt, au sein de la famille Varner, le patriarche incarné par Orson Welles.
Le protagoniste retrouve son frère isolé avec sa vieille nourrice dans une ancienne maison, et il lui vole un peu la vedette : le gars toujours bourré, toujours assoiffé, mais toujours habile pour la baston. Du côté de l'antagonisme, on a droit au personnage du fils totalement psychopathe qui fait régner la terreur à grands coups de fouet — l'occasion de mettre en scène une séquence très violente (en plus de l'intro avec des chiens) et probable source d'inspiration pour Tarantino dans "Django Unchained". C'est donc l'histoire de l'homme qui revient pour rétablir la justice, dans un style proche d'un western avec Clint Eastwood, mais avec un sens de la violence graphique davantage poussé.
Police frontière (1981)
The Border
1 h 44 min. Sortie : 5 mai 1982 (France). Drame, Policier
Film de Tony Richardson
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Malgré le manichéisme un peu balourd dans lequel il est empêtré et dont il aura bien du mal à s'extraire, "The Border" est un étonnant film de la part du réalisateur britannique Tony Richardson ("La Solitude du coureur de fond" et surtout le magnifique "Mademoiselle"), auteur londonien éminent du Free cinema dans les années 60 et ici, au début des années 80, cinéaste limite moralisateur sur l'émigration à la frontière américano-mexicaine.
Le trait est un peu lourd, à de nombreuses reprises, pour faire le portrait de ce personnage flic interprété par Jack Nicholson : sa femme est une matérialiste consumériste assez générique qui hurle de joie lorsqu'ils emménagent enfin dans la maison "exactement comme dans la pub" et qui achète compulsivement canapés et waterbed, ses collègues (parmi lesquels figurent tout de même Harvey Keitel et Warren Oates, tous deux largement sous-exploités) dans la border police sont presque tous des crapules qui la nuit profitent financièrement de la misère de ces appelés à l'immigration clandestine et le jour les reconduisent de l'autre côté de la frontière, etc. Le tableau est un peu trop limpide, un peu trop constant dans ses valeurs et dans la psychologie de ses personnages, et peine à ce titre à travailler la nuance de sa matière pourtant bien intéressante.
La femme mexicaine que Nicholson va prendre sous son aile apporte en revanche un peu de douceur, et sera l'objet de l'unique direction dans laquelle le film ne se fait pas trop poussif en termes de démonstration : on comprend qu'il tombe sous le charme, coincé entre sa femme et son boulot de flic, et qu'il sera contraint d'agir pour elle seulement quand il aura constaté les exactions de ses confrères et d'autres civils. Une semi-romance conventionnelle sous certains rapports, mais d'un angélisme (au sens non-péjoratif) qui tranche radicalement avec le reste : décombres, misère humaine, rapports humains hypocrites, perversion généralisée. En toile de fond, aussi, la galère sociale de ce petit flic qui a bien du mal à mettre de l'oseille de côté. Candide à El Paso, en quelque sorte.
L'Ange de la rue (1928)
Street Angel
1 h 42 min. Sortie : 19 août 1928 (États-Unis). Drame, Muet
Film de Frank Borzage
Morrinson a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
En matière de mélodrame, on n'en attend pas moins de la part de Borzage. L'ange des rues, c'est l'euphémisme qui désigne Janet Gaynor, prostituée en titre qui se trouve contrainte dès l'introduction, au choix, de vendre son corps ou de se résoudre au vol, pour trouver l'argent qui lui permettra d'acheter les médicaments afin de soigner sa mère mourante. Dans une séquence peut-être un peu trop expéditive et injustifiée, elle tente les deux options qui s'offrent à elle et sera saisie sur le champ par la police napolitaine qui la surprend la main dans le sac. C'est le point de départ d'un nœud tragique du récit, alimenté juste ce qu'il faut pour le maintenir brûlant comme des braises sur lesquelles on souffle, qui sera de sortie plus tard dans le récit, une fois venu le moment opportun.
D'emblée, les (gros) moyens se font sentir dans la reconstitution de la ville italienne du début du 19ème siècle, crasseuse, pouilleuse et brumeuse. Mouvements de caméra à la grue imposants, et même des plans-séquence assez notables pour l'époque qui nous entraînent au milieu de la foule lorsque Charles Farrell recherche désespérément sa promise, au milieu d'ombres qui s'agitent en tous sens. Borzage du côté de Murnau, c'est assez inattendu : des espaces découpés par leurs formes géométriques saillantes, l'expressionnisme qui affleure sans discontinuer avec la brume éclairée tout en clair-obscur, et avec en prime comme un sens avant-gardiste de l'horreur à venir dans les années 30, à l'image de son contemporain "La Chute de la maison Usher" (signé Epstein) sorti la même année, en 1928. Quelques éléments sonores sont très remarqués, aussi, témoins d'un cinéma non-muet à ses balbutiements : les personnages sifflent et se répondent, avec insistance, le bruit angoissant du heurtoir qu'une main frappe contre la porte, et un son de cloche signe le début et la fin d'une permission d’une heure que la protagoniste obtient du policier venu la reconduire en prison.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1928/377972
Madre (2019)
2 h 09 min. Sortie : 22 juillet 2020 (France). Drame, Thriller
Film de Rodrigo Sorogoyen
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Beaucoup de partis pris de mise en scène développés par Rodrigo Sorogoyen peuvent paraître excessifs, surtout au terme d'un voyage de deux heures ancré dans la côte atlantique des Landes qui revendique aussi frontalement son systématisme technique — et dont courte focale et plan-séquence sont manifestement les maîtres-mots. On pourrait s'arrêter au sensationnalisme du quart d'heure introductif qui tord les boyaux à peu de frais en jouant sur la tension générée par une peur basique de parents, la perte d'un enfant. Le bruit du ressac permanent, aussi, comme la continuation ininterrompue d'une souffrance se rappelant sans cesse à cette femme (bouleversante Marta Nieto) qui tente de se reconstruire précisément sur les lieux de la disparition de son enfant, peut finir par user les sens. Quelques ingrédients psychologisants de trop, quelques dialogues maladroits, regrettables eux aussi.
Pourtant, de l'autre côté de l'ellipse qui sépare le court-métrage de Sorogoyen de 2017 de la suite offerte par cette version longue de "Madre", il y a un portrait de femme vraiment bouleversant. Sur cette plage des Landes, dix ans après la disparition qui restera mystérieuse et non-élucidée, Elena est une mère endeuillée qui se reconstruit après la perte d'un enfant. Le sujet est bien traité, avec la bonne distance, la bonne dose d'incertitude (pour le personnage tout comme à l'extérieur de la diégèse), les bonnes zones de flottement aux bons moments. Après l'introduction qui foudroie, le film s'oriente vers la douceur d'une quête éperdue, celle d'une femme évoluant dans un univers presque vaporeux, à la poursuite d'illusions bénignes en apparence.
Sorogoyen parvient à jouer sur la thématique de l'ambiguïté et du malaise, dans la relation qui se noue entre la mère et cet enfant qu'elle pense être le sien, avec une certaine dextérité, sans en faire trop. L'asymétrie des intérêts dans cette relation est le moteur de la narration, avec d'un côté un enfant de substitution et de l'autre une femme qui ne ressemble à aucune autre. En creux, la question de la réciprocité extrêmement troublante d'un amour difficilement descriptible. Immensité de la plage, immensité de la mer, immensité de la douleur. Rien ne viendra éclairer les circonstances du drame : en découle un voile pudique sur le drame passé qui enferme peut-être davantage la protagoniste dans sa solitude. Marta Nieto, dans le rôle de cette mère blessée transformée en animal sauvage, sur la route du pardon, au sein d'un sens m
C.H.U.D. (1984)
1 h 28 min. Sortie : 27 février 1985 (France). Épouvante-Horreur
Film de Douglas Cheek
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
"CHUD" est un produit assez typique des années 80 horrifiques, et à ce titre intéressant, intrigant, avec un capital sympathie dont d'autres films à d'autres époques dans d'autres registres ne bénéficieraient certainement pas. C'est trois rien, en termes de contenu : des égouts crasseux de New York dans lesquels vivent une peuplade de clochards se transforme en une usine à mutants. La cause, on la voit à gros traits assez vite, caution "horreur sociale" du film : ce lieu déjà particulièrement insalubre a été utilisé de manière clandestine comme une décharge de déchets radioactifs par des hommes (industriels et gouvernants) peu scrupuleux, c'est le moins qu'on puisse dire.
Une partie de l'intrigue tourne autour de l'acronyme éponyme : dans un premier temps, les bad guys nous font croire que CHUD signifie "Cannibalistic Humanoid Underground Dwellers", mais en réalité il s'agit d'un subterfuge pour détourner l'attention de sa véritable signification : Contamination Hazard Urban Disposal. On voit bien la trame classique de la dénonciation des méfaits que le gouvernement nous cache, avec ici le bonus assez méritoire se présentant sous la forme de monstres aussi cheap que dégueulasses. Dans un premier temps, il faut se contenter de mains horribles, vertes et dégoulinantes, qui sortent de plusieurs bouches d'égout pour attraper d'innocentes victimes. Mais une fois l'horreur bien installée, on passe la vitesse supérieure pour quelques séquences qui les cadrent un peu mieux — sans toutefois que cela soit à leur avantage : leurs yeux globuleux jaune fluo sont très miséreux, et malgré de nombreuses incartades gores, on n'atteint jamais des sommets d'effroi.
À noter, la réunion quelques année avant la franchise populaire "Maman, j’ai raté l’avion" des acteurs John Heard et Daniel Stern, qui ici mènent l'enquête chacun de leur côté avant de se réunir presque par hasard dans le dernier temps. On remarque aussi la présence de John Goodman, dans la dernière scène, l'espace de 30 secondes. Un film qui vaut essentiellement le détour pour son contexte 80s très sérieux, des années excessives et décomplexées qui en faisaient beaucoup dans la dénonciation et le difforme. Et dans les litres de sang gratuits.