David Cronenberg - Commentaires
Cronenberg est l’un des cinéastes en activité que j'aime le plus, l'un des réalisateurs majeurs du cinéma contemporain. J'admire la façon dont il est toujours parvenu à se remettre en question, à s'imposer de nouvelles formes de fiction et d'expression, tout en préservant intacte la cohérence de sa ...
Afficher plus20 films
créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a environ 2 ansFrissons (1975)
Shivers
1 h 28 min. Sortie : 4 août 1976 (France). Science-fiction, Épouvante-Horreur
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Première ébauche de l’"horror made in Canada", qui trouve d’emblée une tonalité propre, élabore un climat plutôt anxiogène, construit des images malaisantes qui peuvent s'appréhender comme autant de tâtonnements de l’œuvre en devenir. Associant la manifestation de tendances érotiques avec la présence en soi d’une forme excrémentielle, elle se fonde sur un thème récurrent de la filmographie cronenbergienne : une entité vient habiter les corps humains et les métamorphoser. La neutralité quasi chirurgicale du style, les motifs scénaristiques (apprentis-sorciers, psychosomatisme, épidémie, contamination, maladie aux symptômes organiques et sexuels...) annoncent la couleur, mais le réalisateur est encore assez loin de la maîtrise et de la cohérence qu’il ne cessera par la suite de conquérir.
Rage ! (1977)
Rabid
1 h 30 min. Sortie : 3 août 1977 (France). Épouvante-Horreur, Science-fiction
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Cronenberg raconte ici les effets indésirables d’une opération sur une jolie fille accidentée et la propagation pandémique d’une maladie terrifiante. Le décor froid de Montréal se fait anxiogène, l’application de la loi martiale et la panique qui s’étend dispensent un parfum de chaos, l’angoisse naît moins des scènes-choc que des corps transgressifs et possédés, des visages écumants et tordus par les hurlements, de la proximité trouble entre appétit sexuel et soif de sang. Transposant les conventions de l’horreur dans un environnement réaliste qu’il transforme en zone de sauvagerie meurtrière, le réalisateur livre sans doute avec cette variation contemporaine du vampirisme et de la contamination l’une des réussites les plus accomplies, sèches et prenantes de son début de carrière. Très efficace.
Fast Company (1979)
1 h 31 min. Sortie : 18 mai 1979 (Canada). Drame, Sport, Action
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Au milieu de sa période craspec et underground, le cinéaste accepte sans investissement particulier ce qu’il présente comme une série B dans le milieu des courses de dragsters. Il raconte les rivalités et les dilemmes d’une poignée de casse-cous risquant leur vie au volant d’engins fumant et pétaradant à la "Mad Max", exhalant la tôle, l’huile et l’essence, mais il reste encore loin des audacieuses visions transgressives de "Crash", qui formaliseront la fusion hors-norme du corps et de l’automobile. Si on ne saurait reprocher à Cronenberg de s’éloigner de sa thématique habituelle, son film, lesté par un scénario indigent et des personnages stéréotypés remplissant l’un après l’autre toutes les cases d’un bingo-clichés, ne fait que broder de manière impersonnelle autour d’une louchée de motifs convenus.
Chromosome 3 (1979)
The Brood
1 h 32 min. Sortie : 10 octobre 1979 (France). Épouvante-Horreur, Science-fiction
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
L’univers de Cronenberg se précise, son style s’affermit, sa méthode et ses effets toujours parfaitement justifiés confirment qu’il préfère la technique de l’électrochoc à la pratique de la poésie. L’intrigue explicite de façon très nette des obsessions reliant le corps et l’esprit, la matière organique et les dérèglements psychiques. Les terreurs et les colères d’une femme accouchent d’une progéniture mutante et monstrueuse qui concrétise dans l’horreur tout ce qu’elle refoule : créatures sans âge et sans larynx, au teint blême et aux cheveux décolorés, se livrant à un sanglant carnage. Jamais loin de ses origines scientifiques (il a fait des études de médecine), le cinéaste invente des images fortes associant de manière dérangeante l’enfance à la folie et à la dégradation physique.
Scanners (1981)
1 h 43 min. Sortie : 8 avril 1981 (France). Fantastique, Épouvante-Horreur, Science-fiction
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Voici revenu le temps héroïque du bon vieux serial, lisible comme une bande dessinée, débarrassé de toute considération inutile. Mais chez le cinéaste la loi du genre passe par l’image, et cette image n’est pas tout à fait bénigne. Ici les yeux se convulsent, les muscles prennent feu, les veines éclatent, car les personnages-télépathes déclenchent la foudre et font bouillir les cerveaux. Cronenberg aborde les capacités hors du commun de ses protagonistes comme des affrontements mentaux dont résultent des exclusions, des rejets. Les phénomènes paranormaux et parapsychiques sont apparentés à des angoisses et mêlés, fait nouveau, à des enjeux plus politiques. C’est un peu son "X-Men" à lui, et c’est évidemment beaucoup plus original et stimulant.
Vidéodrome (1983)
Videodrome
1 h 29 min. Sortie : 16 mai 1984 (France). Épouvante-Horreur, Science-fiction, Thriller
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Très impressionnant, par la force transgressive de ses visions, par la manière dont il pousse le rapprochement entre le héros et le spectateur, par son discours presque avant-gardiste sur le pouvoir audiovisuel et l’attirance morbide pour les films de violence et d’horreur, sur les fantasmes aliénants, entre pulsion et répulsion, jubilation et dégoût, créés par le nouveau régime des images – dont la télévision est ici la vectrice explicite. La dilution entre la réalité et le rêve, la vie et son pendant fictionnel, y programme l’apparition d’un être hybride, d’une nouvelle chair dont Cronenberg s’est fait quasiment le prophète. C’est un mix à la fois répugnant et fascinant de délires visuels, d'obsessions angoissées sur la puissance de l'imagination, la lobotomisation médiatique, le rapport violence/sexualité, qui porte à son apogée le grand cinéma malade et torturé de son auteur.
Top 10 Année 1983 : http://lc.cx/UyN
Dead Zone (1983)
The Dead Zone
1 h 43 min. Sortie : 7 mars 1984 (France). Épouvante-Horreur, Science-fiction, Thriller
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Une très belle réussite, peut-être l'une des plus poignantes de l’auteur. Avec un minimum d’effets et une étonnante facilité, Cronenberg exprime la solitude d’un homme cassé dont la douleur provient des limbes de l’inconscient et dont il dévoile les forces inconnues mais inhibantes de l’intelligence. Ses préoccupations parapsychologique habituelles se mêlent à une intrigue de politique-fiction et sa sensibilité secrète adapte sans peine le roman fort de King, en préférant l’allusif et le subtil au grand-guignol. Il déplace ainsi son cinéma sur un champ plus intériorisé, sans rien perdre de sa personnalité. D’où la tonalité à la fois douloureuse et rentrée du film, qui sait générer à l’occasion de déroutants moments de tendresse, et qui doit aussi beaucoup à la prestation très subtile de Christopher Walken.
La Mouche (1986)
The Fly
1 h 36 min. Sortie : 21 janvier 1987 (France). Drame, Épouvante-Horreur, Science-fiction
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Un classique, l'un des films les plus limpides et synthétiques du cinéaste. D’une certaine façon Cronenberg donne un tour de vis au virage empathique opéré par l’opus précédent. Il prend le point de vue d’un être conscient de sa dégradation physique et mentale pour explorer certaines des peurs les plus profondes de notre âme. Œuvre pénétrante parce qu’éminemment réaliste, concrète, physique, le film cristallise toutes les obsessions de l’auteur en un conte terrible et cauchemardesque sur l'horreur de la maladie, la solitude du mutant, son exclusion au monde et à son propre corps : quoi de plus universel qu’un homme qui se révolte contre l’inexorable victoire de son animalité, ou le désarroi de la femme qui ne résigne pas à ne plus l’aimer ? Car si le film est si puissant, c’est aussi parce que son histoire d'amour est bouleversante, à l’image d’un final inoubliable.
Top 10 Année 1986 : http://lc.cx/UVF
Faux-semblants (1988)
Dead Ringers
1 h 56 min. Sortie : 8 février 1989 (France). Drame, Épouvante-Horreur, Thriller
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Chef-d'œuvre, un des films majeurs de la décennie 80's, un sommet du fantastique. Cronenberg atteint l’épure, le point de perfection de ses thématiques en déployant un jeu de miroirs aux vertus maléfiques et à la rigueur chirurgicale : gémellité schizophrène, horreur chromosomique, transformation de la chair… Tout est doucereusement troublant, terrifiant, il se déploie des abîmes de vertige et de malaise face à ce qui est suggéré sur la monstruosité des corps, l'altération des esprits, la dissolution de l’identité de pair et la perte de l’individualité physique... Le film distille un trouble extrêmement fort parce qu’au travers sa tonalité glaciale, au-delà d’une froideur qui n’est qu’apparente, palpite quelque chose d'intimement poignant : le parcours malade des deux frangins, auquel Jeremy Irons apporte son considérable talent, révèle une douleur, une folie qui effraient et émeuvent à la fois.
Top 10 Année 1988 : http://lc.cx/UVC
Le Festin nu (1991)
Naked Lunch
1 h 55 min. Sortie : 11 mars 1992 (France). Drame, Expérimental, Fantastique
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Un film-monstre, peuplé de personnages effrayants, de créatures visqueuses, d’hallucinations fiévreuses agencées au sein d’une atmosphère ocre, cauchemardesque et sexuelle. Adapter le roman-culte du pape de la littérature beatnik était une gageure impossible à réaliser ; pourtant, le réalisateur gagne sur tous les tableaux. Évidemment ça ne se raconte pas, ça se vit. Féru d’entomologie, de métamorphose et de surréel, Cronenberg amène le matériau à lui et organise une sorte de tourbillon organique, philosophique, kafkaïen, qui malaxe avec une incroyable expressivité les fantasmes les plus baroques et les sentiments les plus viscéraux de perte, d'addiction, de folie... Certaines séquences sont vraiment incroyables (la machine à écrire-insecte, le trou du cul qui parle, c’est quelque chose).
M. Butterfly (1993)
1 h 41 min. Sortie : 27 avril 1994 (France). Drame, Romance
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
On peut trouver que l’auteur s'assagit et s'inféode pour la première fois à une inspiration, sinon académique, du moins plus feutrée, mois surprenante. C'est à mon sens passer à côté de la vénéneuse ambigüité du film, autant que de ce qu'il sécrète de douleur muette. L’impossible rêve de Callimard (auquel Irons apporte une présence calcinée), qui achève dans le sang l’irréalisable fusion des corps, offre à Cronenberg l’occasion de poursuivre sur un mode plus contenu et romantique les interrogations qui l'ont toujours habité. Ce beau drame amoureux sur l’aveuglement et la passion d’un homme prisonnier de ses carcans identitaires et culturels est une œuvre est raffinée, sensible, intelligente, témoignant de la maîtrise esthétique supérieure à laquelle Cronenberg est alors parvenu.
Crash (1996)
1 h 40 min. Sortie : 17 juillet 1996. Drame, Thriller, Érotique
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
C'est sans doute un film terminal, une expérience supra-casse gueule qui ne pourra plus être tentée : le cinéaste visualise le fantasme sadomasochiste de la dissolution et de la pénétration de l’organisme par l’appareillage technique, sa fusion avec lui. Sa beauté presque mythologique est à trouver dans ses choix paradoxaux, hyper-audacieux, envisageant l’amour et son simulacre (l’acte sexuel) comme autant de médiations sophistiquées pour atteindre un plaisir fait d’effroi et de souffrance mécanique, dans un environnement technicisé. On pourrait ne s'arrêter que sur la froideur glaciale de spéculum avec laquelle il pénètre les carcasses et les corps, les blessures et les prothèses désirables, mêle la chair et l’acier, retranscrit les fantasmes et les pulsions des protagonistes, alors qu'il y palpite une très douloureuse sentimentalité.
Top 10 Année 1996 : http://lc.cx/cTf
eXistenZ (1999)
1 h 37 min. Sortie : 14 avril 1999. Épouvante-Horreur, Science-fiction, Thriller
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Prenant le contre-pied de la majesté glacée de "Crash", ce retour décomplexée à la série B baroque et déjantée fait bouillonner toutes les obsessions organiques de l’auteur sur un mode ouvertement délirant, foisonnant, presque parodique – complots secrets, paranoïa, rebondissements feuilletonnesques… Le cinéaste retrouve quelque chose de très ludique en bardant son film de pistes et d’enjeux stimulants (métaphores sexuelles, enchâssements des niveaux et des pivots narratifs, délires schizoïdes), qui témoignent de l'acuité avec laquelle il aborde la problématique du virtuel. Le jeu devient ici une projection du désir et du risque de vivre, une représentation aussi, plutôt malicieuse, de l’érotisation de la vie. Je préfère largement cette proposition à la mythologie empesée de "Matrix", sorti à la même époque.
Spider (2002)
1 h 38 min. Sortie : 13 novembre 2002 (France). Drame
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Sans effets spéciaux, sans effusion sanglante, Cronenberg pénètre cette fois dans le plus secret bastion de l’homme, à la fois le mieux gardé et le plus menacé : son esprit. Il épouse le point de vue désorienté d’un personnage hésitant, usé, frileux, et filme sa folie de l’intérieur. La fable œdipienne est méticuleusement pensée et conçue, dépouillée de tout effet pour atteindre à l’épure mentale et abstraite. Il s’agit peut-être de l'un de ses films les plus expérimentaux et singuliers : tel l’araignée du titre, le réalisateur tisse une toile architecturale, obsessionnelle, patiente, située quelque part entre Freud et Beckett selon ses propres dires, et matérialise la désolation intime d'un être en quête obstinée de ses origines. C'est hyper réfléchi, peut-être un peu trop, je suis moins touché qu'ailleurs.
A History of Violence (2005)
1 h 35 min. Sortie : 2 novembre 2005 (France). Thriller, Film noir
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Virage bienvenu pour Cronenberg, qui investit la dynamique et les archétypes du polar pour y nicher ce qui l'a toujours intéressé, mais sur un mode plus identitaire que physique cette fois : le dérèglement, la contamination, l'altération, l’actualisation de l’élément virtuel, qu’il expérimente sur les entités syncrétiques d’une famille nucléaire, d’une communauté, plus généralement d’un pays confronté à son refoulé. C'est un bijou d'ambigüité et de subversion, qui creuse l’écorce épaisse de l’americana, montre la difficulté première pour l’homme d’aujourd’hui de percevoir la juste réalité, bombarde ses niveaux de lecture tous azimuts (le sous-texte sur la violence et ses racines mythologiques, la déclinaison perverse du mythe d’Abel et de Caïn), et confirme l'envergure d'un grand acteur : Viggo Mortensen.
Top 10 Année 2005 : http://lc.cx/UPn
Les Promesses de l'ombre (2007)
Eastern Promises
1 h 40 min. Sortie : 7 novembre 2007 (France). Policier, Thriller
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Martine (très très pure et gentille) chez les gangsters (très très pervers et méchants). Qu’arrive-t-il à Cronenberg ? Ce film est une relecture au carbone du précédent, dont il troque la troublante équivocité par des schémas bien définis, des frontières étanches qui jamais ne se brouillent ni n’évoluent. Le cinéaste souscrit aux conventions d’un film noir maniériste, avec ses personnages manichéens et caricaturaux, ses clichés au kilomètre, son scénario prévisible (twist fatigué et happy end wtf included), son sentimentalisme larmoyant (la musique qui fait pleurer le violon et le recours à la voix off, pitié). L’exécution toujours aussi classe et maîtrisée ne fait pas oublier la très décevante superficialité de ce polar de série. Et puis je ne pardonne pas à Cronenberg d'avoir rendu Naomi Watts fadasse au possible.
A Dangerous Method (2012)
1 h 39 min. Sortie : 21 décembre 2011 (France). Biopic, Drame, Romance
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Cette fois je retrouve une partie de l'acuité, de l'intelligence et de l'ambigüité du réalisateur. Le sujet ne m'intéressait que peu a priori (je suis très méfiant vis-à-vis de cette "religion" qu'est la psychanalyse et de ses défenseurs poussant des cris d’orfraie dès lors que l'on s'attaque à ses fondateurs - Freud, Jung, donc), mais j'aime la façon dont Cronenberg renvoie les théories balbutiantes de ces augustes figures à leurs propres abîmes. Rencontre d’une forme blanche, précise, avec la parole : entre investigation psycho-sociale et mise en lumière de l'antagonisme judéo-aryen, le film serpente le long d’une analyse supérieurement agencée, dont la rigueur d'ordonnancement est constamment craquelée par les tensions et les frémissements que l'on sent vibrer sous la surface. Et les acteurs sont parfaits.
Cosmopolis (2012)
1 h 49 min. Sortie : 25 mai 2012. Drame, Thriller
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Cronenberg est de ces grands cinéastes en mue perpétuelle, soucieux de toujours s’affranchir des marqueurs qui les identifient trop facilement. La sculpture du verbe trouve ici une forme encore plus radicale, se condensant et se modulant au cœur d’un univers vide, vampirisé par un capitalisme dont l’autodestruction est l’ultime étape. Cœur mort et humanité desséchée, le roi vogue vers son extinction dans un vaisseau immobile au milieu du chaos. La littéralité de la parabole, son abstraction déroutante qui l’apparente à une installation d’art contemporain (telle la limousine repeinte en Pollock) dispense une fascination à rebours, pas facile à apprivoiser. Cronenberg est en pleine possession de ses moyens, mais la cérébralité de son expression me touche moins que par le passé.
Maps to the Stars (2014)
1 h 51 min. Sortie : 21 mai 2014 (France). Drame
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Depuis quelque temps, chaque film du réalisateur semble partir du précédent. Après le cynisme entropique et la très contemporaine inhumanité de la finance, il braque sa caméra sur le microcosme froid d’Hollywood, qui semble s’être vidangée de tout son contenu romanesque, de tout son attrait, de toute sa beauté, fût-elle illusoire. C’est un monde fantomatique, licencieux, où ne s’expriment plus que les folies transmises des parents à leurs enfants, ces monstres victimes de malédictions incestueuses. Comme contaminé par le creux de ce qu’il filme, Cronenberg s’en tient à des intentions, à une ironie de surface et sans trouble, privilégiant le name-dropping frénétique et la farce molle. L’affect et l’émotion pointent aux abonnés absents de ce film résolument distancié, dévitalisé, pour ne pas dire insipide.
Les Crimes du futur (2022)
Crimes of the Future
1 h 47 min. Sortie : 25 mai 2022 (France). Science-fiction, Épouvante-Horreur, Drame
Film de David Cronenberg
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Du viscéral-réaliste à l’abstrait : tel pourrait être le trajet esthétique de ce film-manifeste qui récapitule, inventorie, réactive l’essentiel des motifs propres à son auteur, jusqu’à en tirer une sorte de substrat théorique. Si le corps est la réalité, alors l’esprit est la fiction, et la rencontre se fait ici littéralement sur une table de dissection où l’on opère à vif. Double métaphore de l’art, avec ses explorateurs en quête de limites qui se lancent un nouveau défi prométhéen, et de la création, avec l’idée folle qu’en maîtrisant ce qui nous détruit, on pourrait s’acheter – non sans mélancolie – quelque chose comme une vie éternelle. Étrangement dévitalisé, plus bavard qu’incarné mais toujours stimulant, cet autoportrait oblique confirme que le Cronenberg d’aujourd’hui est à la fois pareil et très différent de celui d’hier.