John Boorman - Commentaires
Il y a en Boorman à la fois un romantique et un analyste lucide de l’homme, de sa folie et de ses inspirations. Porté par une grande attention à la restitution du monde et de la nature, son œuvre est celle d’un moraliste amusé, voire d’un métaphysicien, et a offert aux genres auxquels elle s’est ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 9 ansLe Point de non-retour (1967)
Point Blank
1 h 32 min. Sortie : 5 avril 1968 (France). Thriller, Drame, Film noir
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
D’un argument classique de polar, Boorman tire une fable fulgurante sur l’Amérique contemporaine, faisant de l’anti-héros déterminé et laconique interprété par Marvin la mauvaise conscience autodestructrice d’une société anonyme de profit contre laquelle il lutte en vain, et qui feint de le laisser agir pour mieux le manipuler. Dans l’impossibilité pour ce personnage de vaincre sa névrose, de sortir du climat asphyxiant où il vit, il y a le goût d’un échec amer. Bardé de perspectives fascinantes, développant une structure mentale, complexe et impressionniste qui s’organise en une batterie d’effets abstraits, l’œuvre demeure, par sa conception à la fois physique et élaborée, sa dimension presque métaphysique, la logique élémentaire de son régime narratif, un jalon essentiel du cinéma policier. Génial.
Top 10 Année 1967 : http://lc.cx/BCh
Duel dans le Pacifique (1968)
Hell in the Pacific
1 h 43 min. Sortie : 27 août 1969 (France). Drame, Guerre
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Le cinéaste retrouve le formidable Lee Marvin et enfonce le clou de la veine métaphorique. Une île déserte du Pacifique, deux hommes en conflit, une mise en images presque dépourvue de dialogues : de cette situation proche du théâtre de l’absurde, il tire une variation originale sur les rapports du maître et de l’esclave, une parabole primitive sur le comportement humain, la civilisation, la survie, l’idéologie et la haine aliénantes. Il montre que la "fraternité" humaine s’accommode mal d’une amélioration matérielle, et que seul l’instinct de conservation peut en fournir un ersatz tragiquement éphémère. Son talent est de tendre vers l’abstraction en recourant à une tangibilité brute, que favorisent un cadre hyper-physique révélant les êtres à eux-mêmes et un sens presque tellurique de la nature.
Léo le dernier (1970)
Leo the Last
1 h 44 min. Sortie : mars 1970 (Royaume-Uni). Comédie dramatique
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Prince de retour d’exil, frappé d’atrophie émotionnelle, le héros de cette allégorie brechtienne épie aux jumelles son voisinage, à l’instar du héros de "Fenêtre sur Cour". Excédé par l’hypocrite vulgarité des nantis, il décide d’agir en faveur de la communauté jamaïcaine qui lui redonne goût à la vie. Mais dans un monde où toute entreprise philanthrope est perçue comme un acte de folie, il n’est pas facile de transformer le regard des autres et de faire exploser les règles injustes d’un univers absurde et dépassé. Il faut un certain temps pour s’accoutumer à la bouffonnerie très particulière de cette fable sarcastique, mais son originalité pamphlétaire, la cocasserie de son déroulé insurrectionnel, ainsi que son obstination à ne rien expliciter par une phraséologie douteuse, finissent par emporter l’adhésion.
Délivrance (1972)
Deliverance
1 h 50 min. Sortie : 20 septembre 1972 (France). Drame, Aventure, Thriller
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Après avoir vu ce film, impossible de regarder la forêt vierge et la nature immaculée comme auparavant. En témoignant de l’ardent besoin des Anglo-Saxons de se purger des miasmes de la ville et de la modernité, de se retremper dans leur terreau originel, Boorman démythifie l’angélique idéologie écolo de la période hippie et en fait exploser les dernières certitudes romantiques, en un éprouvant périple sauvage, un retour aux sources qui fait naître un violent ébranlement moral. La découverte de la bestialité humaine, les lois de notre propre nature, la valeur de la civilisation et sa confrontation à l’animalité y forment un questionnement troublant et cimentent un parcours initiatique dont les héros sortent meurtris, peut-être purifiés, mais surtout profondément altérés.
Zardoz (1974)
1 h 45 min. Sortie : 13 mars 1974 (France). Drame, Fantasy, Science-fiction
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Il y a certes Sean Connery brandissant un flingue en slip rouge et nattes noires, mais cette image ne doit pas empêcher d’apprécier l'œuvre pour ce qu’elle est vraiment : un film de science-fiction d’une radicale audace esthétique, où l’utopie est soumise à une critique rigoureuse dévoilant les structures d’oppression qui gouvernent notre société. Le foisonnement symboliste et baroque de la mise en scène n’a d’égale que la densité thématique d’un matériel considérable, qui s’organise en un récit métatextuel "à tiroirs" et brasse sans jamais nous perdre culture et mythologie, élans romantiques et sarcasme nihiliste, scepticisme idéologique et soumission aux cycles de la vie (voir le dernier plan, typiquement boormanien). Ça ne ressemble à rien d’autre et c’est stupéfiant de richesse et d’inventivité.
Top 10 Année 1974 : http://lc.cx/AUV
L'Exorciste 2 - L'hérétique (1977)
Exorcist II: The Heretic
1 h 58 min. Sortie : 25 janvier 1978 (France). Épouvante-Horreur
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Si l’on peut lui reprocher un certain nombre de choses, il est indéniable que le cinéaste a transformé cette commande en une œuvre personnelle, imperméable aux effets de mode comme aux béquilles attendues. Les vieux souvenirs africains croisent ceux, américains, de la jeune exorcisée ; les gratte-ciels de New York débouchent sur les pitons rocheux d’Éthiopie ; la palette ocre des séquences aborigènes se confronte aux tons métalliques de la cité moderne. Abandonnant le climat cauchemardesque du premier volet, Boorman cherche ainsi à réconcilier magie et science au cœur de ce continent des origines où réside le secret d’une synthèse vitale. Le formulation brouillonne du propos, le ridicule de certains effets, le rythme approximatif du récit plombent hélas considérablement ces belles intentions.
Excalibur (1981)
2 h 20 min. Sortie : 27 mai 1981 (France). Aventure, Drame, Fantasy
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Châteaux brillants, grotte bleue, brouillard produit par la fée Morgane sur le champ de bataille, pommiers en fleurs et torches dans la nuit, corbeau se régalant de l’œil d’un héros mort, crimes, orgies et incestes… Boorman ne lésine pas et s’attaque à la légende de la Table ronde en jouant sur plusieurs registres. Il recrée un Moyen-Âge imaginaire où se conjuguent les influences barbares, orientales et gothiques, invente un brassage shakespearien d’un lyrisme épique (ouverture wagnérienne, chevauchées sur fond de "Carmina Burana") et approfondit sa recherche d’un itinéraire spirituel qui conduit ses héros, d’épreuve en épreuve, à une meilleure connaissance d’eux-mêmes. L’amour et la guerre, la trahison et la loyauté fermentent cette œuvre riche et envoûtante, d’une somptueuse beauté plastique.
Top 10 Année 1981 : http://lc.cx/UyY
La Forêt d'émeraude (1985)
The Emerald Forest
1 h 54 min. Sortie : 26 juin 1985. Action, Aventure, Drame
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Un ingénieur se lance à la recherche de son fils enlevé des années auparavant par une tribu amazonienne : le cinéaste organise une nouvelle odyssée de l'homme à la recherche de son identité et de ses racines. Capable plus qu’aucun autre d’exploiter l’effervescente photogénie de la forêt, les délires de la nature végétale et indomptée, les mystères de ses ombres et de ses lumières, Boorman poursuit son questionnement sur le rapport entre les cultures, en quête d'une réconciliation de l'homme avec la pensée mythique. À la première lecture, c'est un beau récit d'aventures classique, ample, sauvage et oxygénant; au-delà, un autre chapitre captivant de l'étude consacrée par l'artiste au monde qui nous entoure, donnant une forme simple et éclairante au chaos où se meuvent nos vies.
Hope and Glory (La Guerre à 7 ans) (1987)
Hope and Glory
1 h 53 min. Sortie : 25 novembre 1987 (France). Comédie dramatique, Guerre
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Pour Billy, sept ans et alter ego évident de l’auteur au même âge, l’entrée en guerre de l’Angleterre en 1939 ouvre une parenthèse enchantée, le début d’une longue récréation sous l’égide de l’insouciance et de l’initiation heureuse, où l’on shoote dans les décombres et où l’on ramasse les shrapnels comme d’autres les coquillages. Si aucun poncif n’y manque (la grande sœur fait le mur pour rejoindre les soldats aux bals, le grand-père bougon s’avère un complice fantasque), Boorman y confère un charme personnel fait de tendresse et d’irrespect, de franchise et d’euphorie. Entre un foyer dopé d’œstrogène et les ruines de la banlieue londonienne bombardée, devenu un immense terrain de jeu pour galopins, le recueil de souvenirs développe un ton souriant, insolemment nostalgique, aux accents de fable.
Le Général (1998)
The General
2 h 04 min. Sortie : 25 novembre 1998 (France). Biopic, Policier, Drame
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Portrait d’un vrai-faux brigand égoïste, insolent et pas vraiment sympathique, qui accumule les mauvais coups tel un Robin des bois irlandais, se moque joyeusement des règles et des conventions, des fanatiques qui s’étripent et du flic qui cherche à le coincer. Boorman en cultive l’ambiguïté et les zones d’ombre, trouve un bel équilibre entre comédie satirique, analyse politique et investigation psychologique. Mis en scène avec une élégance alerte et ludique, que nourrit un très beau noir stylisé, porté par un Brendan Gleeson assez impressionnant de force et de légèreté mêlées, cette farce curieuse et assez jubilatoire met en lumière les motivations et les contradictions d’un héros insaisissable, condamné à une issue tragique par sa liberté provocatrice à l’égard des institutions (officielles ou hors-la-loi).
Le Tailleur de Panama (2001)
The Tailor of Panama
1 h 49 min. Sortie : 30 mai 2001 (France). Comédie, Drame, Thriller
Film de John Boorman
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Cette adaptation de John Le Carré n’a rien d’un film d’espionnage conventionnel, louvoyant plutôt du côté de la comédie pince-sans-rire, de la pochade raffinée, avec Pierce Brosnan en mode auto-parodie qui donne de grands coups de pied au culte de ce vieux James Bond et Geoffrey Rush en dindon catalyseur des hypocrisies gouvernementales. Avec une désinvolture un peu embrouillée mais plutôt délectable, le réalisateur renvoie CIA et lobbies industriels dos à dos et donne dans la satire grinçante et amusée d’un monde capable de déclencher des opérations militaires sur de simples bruits de couloir, en misant sur la légèreté subversive de ses intentions sans que jamais la crédibilité des enjeux géopolitiques ne soit écornée. Une réussite mineure mais très plaisante.