John Cassavetes - Commentaires
Cinéaste écorché, tourmenté mais à l’expression pétrie de tendresse et d’humanité, qui a inventé une expression viscéralement proche de ses personnages, et dont les recherches de captation du réel et de l’authenticité émotionnelle ont sans doute influencé nombre de réalisateurs par la ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 10 ansShadows (1958)
1 h 27 min. Sortie : 24 avril 1961 (France). Drame, Romance
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
C’est au moment même où la Nouvelle Vague éclot en France que, de l’autre côté de l’Atlantique, Cassavetes éprouve les méthodes balbutiantes du cinéma-vérité pour donner vie à cet instantané brut d’une poignée d’existences, libéré de la machinerie du studio et du souci de la perfection technique. Soit une chronique de la solitude urbaine et du racisme ordinaire, sans début ni fin, conçue autour de l’improvisation suivie de quelques acteurs non consommés mais remarquables, apportant à leurs personnages une criante authenticité. Le recours au gros grain de l’image, aux extérieurs réels, aux plans longs se pliant au rythme du langage parlé et égalisant temps forts et temps faibles… Tout le film reflète, fond et forme indissolublement liés, le climat intellectuel des cercles new-yorkais qui l’imprègnent.
Faces (1968)
2 h 10 min. Sortie : 11 mars 1991 (France). Drame
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
En un peu plus de deux heures et une demi-douzaine de scènes paroxystiques, le film met définitivement au point la démarche de Cassavetes (étirement du temps, plan-séquence comme principe de base), et traduit comme son titre l’indique une véritable obsession du visage, traqué, scruté, poussé à son expression la plus physique, mis à nu en une suite de gros plans à la limite de l’indécence. À la faveur d’une caméra hypermobile qui conduit le récit, extrait des morceaux de vérité brute, débusque la détresse des protagonistes et cherche à faire rencontrer corps et langage, rire et douleur, c’est la faillite des rapports conjugaux, minés par autant d’insatisfactions que d’espérances, que dissèque le cinéaste, avec un mélange de brutalité viscérale et de profonde tendresse qui dictera tous les films suivants.
Husbands (1970)
2 h 11 min. Sortie : 1971 (France). Comédie, Drame
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Disant la clôture dans laquelle se tient enfermée une certaine middle-class américaine, Cassavetes poursuit ses recherches et applique les mêmes préceptes à cette longue dérive de trois hommes mariés. Il approfondit le parti pris de laisser aux scènes, largement improvisées, leurs longueurs et leurs tunnels, et choisit une texture granuleuse et floue en 16 mm gonflé qui maintient un sentiment d’ironie et de distance. En ressort une chronique poignante de la vie ordinaire, magnifiée par trois acteurs très investis, qui semble capter le tempo de la vie, ses cycles d’exaltation et de retombée, ses accidents imprévisibles et ses soubresauts, à l’image de l’anthologique séquence du bar où une consommatrice est mise en boîte, pur moment d’authenticité dans une œuvre qui ne compte pourtant que cela.
Top 10 Année 1970 : http://lc.cx/AU6
Minnie et Moskowitz (1971)
Minnie and Moskowitz
1 h 54 min. Sortie : 20 décembre 1972 (France). Drame, Romance
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Comme ponctuellement délivré de ses penchants les plus tourmentés, le cinéaste réacclimate la comédie loufoque des années 30 dans le Los Angeles des névroses contemporaines et nous donne à ressentir rien moins que la chimie irrationnelle de l’amour et de la reconnaissance partagée. On se tape la tête contre les murs, on fait des choses ridicules, on en perd le nord et le reste, mais on a la conscience qui s’élève et le cœur plus fort, on devient meilleur. C’est ce qui arrive à Minnie, bourgeoise déboussolée (Gena plus belle que jamais), et Seymour, histrion cabochard au physique de Gaulois, qui donnerait sa vie pour elle : deux célibataires de mentalité, de culture et d’origine sociale antinomiques, qui larguent leurs préjugés et se jettent dans les bras l’un de l’autre. Un conte de fées à la Cassavetes, cocasse, euphorisant, touché par la grâce.
Top 10 Année 1971 : http://lc.cx/AUL
Une femme sous influence (1974)
A Woman Under the Influence
2 h 35 min. Sortie : 14 avril 1976 (France). Drame
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Sans jamais juger, justifier ni expliquer les causes de son malaise, Cassavetes offre le portrait bouleversant d’une mère déchirée entre plusieurs pouvoirs, plusieurs rôles, et conçoit une sorte de happening concerté qui permet à ses comédiens de s’exprimer en toute impudeur. Au travers d’un psychodrame éprouvant, d’une aventure existentielle unique et exténuante, il épouse la mouvance de sentiments imprévisibles, parcourant toute la gamme des émotions, de la comédie la plus débridée au mélodrame le plus strident. Cette chronique de la déraison montre comment, face à l’incommunicabilité, une femme névrosée transforme son malheur en une représentation permanente, envoyant des signaux de détresse que personne ne parvient à déchiffrer. Cette femme sous influence, c’est Gena Rowlands, extraordinaire, dans le rôle de sa vie.
Top 10 Année 1974 : http://lc.cx/AUV
Meurtre d'un bookmaker chinois (1976)
The Killing of a Chinese Bookie
2 h 15 min. Sortie : 15 février 1976 (États-Unis). Drame
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Lorsqu’il investit le genre très codé du film noir, Cassavetes en renouvelle de fond en comble la tradition en approfondissant encore son art de l’aléatoire et en lui appliquant un traitement hyperréaliste, dépouillé, tout en filmage désaxé, indolent, dénué du moindre glamour. On y suit le périple fatal, traversé par une tension latente, d’un petit patron de music-hall minable, toujours entouré de stripteaseuses qu’il couve et chérit, mais habité d’un mal-être qui ne s’exprime pas, travaillé par des ambitions plus grandes que lui, et traînant son spleen dans un Los Angeles glauque et pittoresque qui lui est parfaitement raccord. C’est ce qu’on appelle un (très) bon film d’atmosphère, happé du fin fond de la nuit, et où le destin se scelle comme dans tous les thrillers par une balle perdue, ultime grimace.
Opening Night (1977)
2 h 24 min. Sortie : 13 mai 1992 (France). Drame
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Myrtle Gordon est une grande comédienne arrivée à la croisée des chemins, et doit accepter la douloureuse maturité constituant le sujet de la pièce dont elle tient le rôle principal. Son appartement, coupé en deux par un rideau rouge, est comme un décor ; sur scène se joue sa crise d’identité – véritable jeu pirandellien. Cassavetes organise une matière en fusion, filme la dépense nerveuse et l’épreuve prométhéenne de l’actrice, flirte avec le fantastique en convoquant l’effrayant fantôme de la jeunesse disparue, accompagne l’héroïne dans son abandon vital aux puissances du théâtre jusqu’à une séquence finale de représentation live où, ivre morte, elle puise au fond d’elle-même et du soutien de la troupe pour accomplir sa quête de vérité. Œuvre splendide, parachevée par une interprétation au-delà de tout.
Top 10 Année 1977 : http://lc.cx/AUt
Gloria (1980)
2 h 03 min. Sortie : 31 décembre 1980 (France). Policier, Drame, Thriller
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Le cinéaste prouve à nouveau que la greffe du polar avec son univers prend bien. Cette odyssée du bitume, cernée par des bas-fonds urbains et diurnes, des immeubles en coupe-gorge, des bouches de métro menaçantes, inverse les rôles traditionnels en démasquant ironiquement les outrances masculines du genre. A travers la rencontre d’une ex-maîtresse de parrain new-yorkais, qui n’a pas peur de jouer de la gâchette, et d’un orphelin portoricain traqué par la Mafia, il s’intéresse aux limites d’un désir ne pouvant s’accomplir que dans l’imaginaire, et se place du côté de ces rêveurs qui ne triomphent pas du système mais se mêlent de le défier en goûtant à l’ivresse de l’illusion. Les gangsters n’ont qu’à bien se tenir, ils ont une femme à leurs trousses : pas de doute, on est bien chez Cassavetes.
Torrents d'amour (1984)
Love Streams
2 h 21 min. Sortie : 9 janvier 1985 (France). Drame
Film de John Cassavetes
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Cassavetes tourne toujours la même histoire différente de solitude et de violence rugueuse, traversée par l’amertume d’avoir côtoyé le paradis sans jamais l’atteindre. Celle ici d’un frère et d’une sœur unis comme deux amants par une tendresse fusionnelle, qui surmontent crânement leurs échecs en s’inventant de nouvelles vies. Les torrents du titre forment les flux et reflux d’une continuité vitale ne pouvant être trouvée que dans l’amour, son manque, sa douleur, ses inextinguibles débordements. Fait de bonheurs fragiles et de déchirements, le film refuse tout principe de retraitement pour mettre à nu une intériorité et des émotions qui emportent tout sur leur passage. C’est un cinéma d’effusion intarissable, douloureux mais jamais noir, qui arrache à ses personnages de poignants morceaux de vérité pure.