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# 1.1
Pour l'élaboration de son indispensable "Morphologie du conte", Vladimir Propp s'est naturellement appuyé sur l'analyse de quelques fameux contes compilés par son illustre compatriote Alexandre Afanassiev.
Il en résulte une somme folklorique, anthropologique, critique et analytique riche et définitive: La symbiose de ces deux ouvrages, non contente de produire une intertextualité studieuse, engendre également une typologie universelle de la structure du conte merveilleux - Genre littéraire que se partagent toutes les cultures héritières d'une tradition orale. Donc toutes les cultures.

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# 1.2
(Chouette couverture)

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# 2.1
La pensée occidentale - et c'est une abstraction - conçoit depuis peu sa dette envers l'Inde et ses philosophies mystiques. Elle le fait depuis le XIXème siècle, tout au plus, et quitte à la travestir sous les atours conventionnels de l'orientalisme.
Deux cent ans, voilà bien quelle mesure pusillanime ces pingres d'européens donnent à leur pensée; loin, très loin des dimensions inconcevables que professe le bouddhisme et ses cycles sans début ni fin. Les anciens hindous sont d'ailleurs connus pour leur mépris des chronologies historiographiques.
Voyons donc quel regard un européen porte sur la vie du Bouddha historique, qui sut interrompre le cycle de la métempsycose en brisant l'écran sensuel du Samsara. Puis à l'aide d'un autre européen, délocalisé celui-là, survolons les fondements de cette éthique sévère, pour laquelle il n'y a de salut que dans l'anéantissement des sens et de l'individu.

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# 2.2
Nagarjuna dit:
"S'il y avait autant de Ganges qu'il y a de grains de sable dans le Gange, et encore une fois autant de Ganges qu'il y a de grains de sable dans ces nouveaux Ganges, le nombre de grains de sable serait inférieur au nombre de choses qu'ignore le Bouddha."

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# 3.1
On peut trouver beaucoup d'autres associations pertinentes à ces deux livres, mais ce qui les relie, le premier préfigurant sombrement le second, c'est le règne du double langage, aussi menaçant à la cour de Néron que systémique dans les quatre ministères de l'Océania.

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# 3.2
"À une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire."
… Et suicidaire, conviendrait-il d'ajouter.

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# 4.1
Vingt-six ans après la première publication de 1984, les Khmers rouges entraient dans Phnom Penh, et avec une brutalité insensée, prenaient l'anticipation catastrophée d'Orwell à la lettre, avec à l'esprit la Terreur de la révolution française, et dans la poche le petit livre rouge du grand timonier. Un carnage absolu, méthodiquement maquillé par une propagande qui appauvri le langage et nie la pensée.

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# 4.2
Cent quatre-vingt et quelques années avant que n'advienne le Kampuchéa démocratique, la révolution française faisait table rase des anciens privilèges et organisait son administration, ses ramifications bureaucratiques, ses archives et son langage froid. Prototype d'un système de contrôle global qui servira de socle légal et pragmatique aux tribunaux révolutionnaires de la Terreur et, plus tard, aux grandes purges des dictatures communistes.

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# 5.1
"Mon nom est Arthur Gordon Pym."... Mais à vrai dire l'artifice commence dès la préface, et si cette phrase inaugure bien quelque chose, c'est le consentement inconditionnel du lecteur: L'histoire qui va suivre est véridique, parce que l'auteur s'engage dans la dramaturgie en cautionnant le récit du narrateur, et en lui faisant dire "croyez-moi! J'y était pour le voir".
"Mon nom est Arthur Gordon Pym" prétend donc ce dernier - qui aurait tout aussi bien pu s'appeler Edgar Allan Poe - La suite est pure fiction aventureuse, pure interprétation de possibilités fondées sur un postulat: Écrire et lire sont des simulations, et le roman un simulacre.

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# 5.2
Dans le prolongement de "L'Oeuvre Ouverte" et "Lector In Fabula", le sémiologue revient sur le rôle du lecteur dans l'oeuvre narrative - rôle non moins important que ceux endossés par l'auteur, à l'affût derrière chaque mot et chaque phrase.
Si, pour ne pas se perdre dans le bois, Umberto Eco tient Nerval pour fil d'Ariane, la démonstration passe d'abord par l'effeuillage des procédés à l'oeuvre dans Les Aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket - Attestant qu'on ne perd jamais rien d'un texte en le soumettant aux rigueurs d'une analyse méthodique; bien au contraire - Poe ne suggérait pas autre chose dans ses propres écrits théoriques.

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# 6.1
Non moins épique fut la conquête de l'Est Russe, non moins sauvage et déterminante pour l'inexorable bascule imposée à la nature et à sa culture par la modernité. Dersou Ouzala dépeint le crépuscule d'un monde et de ses habitants, où persistent quelques échos de temps immémoriaux, un long déclin qui frémira encore tant que des tigres hanteront la taïga.

"Et ces espaces de puissance m'attirent, leur force redoutables pénètre le fond de mon être." ( Nichola Gogol, Les Âmes Mortes)

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# 6.2
"L'être humain est une créature éminemment sociale, et ses actes sont déterminés à quatre-vingt dix pourcents par le regard des autres. Seul, sans aucun témoin, il apprend qui il est en réalité. Parfois, cela conduit à des découvertes stupéfiantes. Quand plus personne ne le surveille, l'homme peut facilement régresser à l'état d'animal."
Régression? À la décharge de ces derniers, nous pourrions être plus nuancés.

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# 7.1
En 1860, Robert Browning vit à Florence depuis une dizaine d'années lorsque, un beau jour, il achète un « vieux livre jaune » chez un obscur bouquiniste (Robert W. Chambers n'a rien inventé!). Le volume est une archive qui réunit les documents relatifs à un procès pour meurtre qui se tint à Rome en 1698, lecture qui lui inspirera un long poème narratif: The Ring and the Book.
Reprenant le matériaux factuel et juridique du livre jaune, il entreprend de raconter l'histoire du point de vue des différents protagonistes de l'affaire, en douze monologues dramatiques.

«Du fait à l’état brut, sécrété par la vie humaine, quand les cœurs palpitaient fort, des cerveaux battaient, inondés par la montée du sang»

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# 7.2
C'est à une seule des quinze nouvelles de ce recueil que se rapporte l'oeuvre de Browning pré-citée: "Dans le fourré" - Ce qui ne retranche évidemment rien de la valeur des quatorze autres pièces.
Dans ce texte fameux qui inspira un film sublime à Kurozawa, l'auteur reprend le principe narratif inauguré dans "L'anneau et le Livre" en y incorporant les interstices propres à certains contes de l'archipel.

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# 8.1
Décrire Richard Francis Burton de manière satisfaisante nécessite un livre; sans quoi, au même titre que tous les héros polymathes de XVIIIe siècle, l'énumération s’impose et brouille peut être l'essentiel: Masse d'énergie virile mais raffinée, le capitaine Burton, Dick, fut un des meilleurs bretteurs d'Europe (Son traité sur le maniement du sabre fit date) et un athlète accompli. Ancien militaire, poète, orientaliste et linguiste déconcertant, il était familier d'une quarantaine d'idiomes - connaissance qu'il mit à profit dans son imposante oeuvre de traduction (Les Milles et Une Nuits et le Kâmasûtra étant des plus fameuses), ainsi que dans ses activités ethnographiques, puisqu'il compte parmi les premiers défricheurs de la discipline. Cartographe, géographe et, bien sûr, Explorateur. Burton, l'homme au regard de démon, associa mieux que quiconque l'action à la pensée et mena de multiples expéditions comme autant d'exploits qui faillirent toutes lui faire perdre sa remarquable mâchoire. Libertin sulfureux, il explora aussi les bas-fonds orientaux et ne négligea point les plaisirs interlopes.
Interrogé par un prêtre sur ses errements moraux, Burton aurait répondu : « Monsieur, je suis fier de vous annoncer que j'ai commis tous les péchés du Décalogue ».
La grande classe.

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# 8.2
L'argument de ce livre fleuve est incomparablement réjouissant (Du moins au début): Toutes les générations de l'humanité sont ramenées à la vie en même temps, au même moment, pêle-mêle, toutes époques confondues, et au même endroit - Les rives d'un grand fleuve encaissé par d'infranchissables montagnes. L'humanité, au sens le plus large possible, doit se prêter au grand jeu du recommencement... Devant toi lecteur, des perspectives narratives apparemment inépuisables…
Mais ce n'est pas tout.
Vous ouvrez les yeux, hagard. Vous êtes nu et, vous semble-t-il, scandaleusement glabre; autour de vous d'innombrables personnes également nues et imberbes semblent émerger d'un profond sommeil.
Vous vous levez.
Vous êtes Richard Francis Burton.

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# 9.1
Un essai et ses argumentations problématiques cadrées par une méthode scientifique peut-il manipuler le factuel comme on manipule des chiffres pour construire une narration, une évocation, un récit soumis à l'interprétation de l'auteur?
John d'Agata fait la démonstration que cette connivence a priori contre-nature est une banalité littéraire: La fiction affleure partout, et ne se soustrait pas à la vérité du discours. L'auteur assume des choix raisonnés qui construisent la signification et la connotation de son texte, or l'invention est une des règles fondatrices de sa grammaire.

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# 9.2
Avant sa première publication dans les pages d'une revue scientifique, Yucca Mountain doit passer l'épreuve méticuleuse du fact-checking: Ce qu'écrit l'auteur est-il systématiquement vérifiable, et donc réel?
Un dialogue laborieux et passionnant s'engage.

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# 10.1
À l'âge impérial de l'Europe matérialiste, le vaste monde semblait un jardin d'abondance à ses souverains, et au prix de quelques contorsions idéologiques, rien ne semblait s'opposer à ce qu'ils en moissonnent les fruits; tous les fruits.
Le fardeau de l'homme blanc n'est qu'une pudeur jetée sur la vanité qui l'anime, conséquence d'une volonté de puissance plutôt que de bonheur, symptôme d'un marchandage avec sa raison et sa morale pourtant fécondée par l'universalisme des Lumières. Il n'y a pas d'entreprise glorieuse qui puisse faire une économie de ces deux axiomes sans qu'au final, tout le monde en sorte perdant.
Deux livres sur le fil d'un même rasoir.

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# 10.2
"Débarquer dans un marécage, marcher à travers bois, et dans quelque poste de l'intérieur, se sentir encerclé par cette sauvagerie, cette absolue sauvagerie – toute cette vie mystérieuse des solitudes, qui s'agite dans la forêt, dans la jungle, dans le cœur de l'homme sauvage. Et il n'y a pas non plus d'initiation à ces mystères. Il faut vivre au milieu de l'incompréhensible, et cela aussi est détestable. En outre il en émane une fascination qui fait son œuvre sur notre homme. La fascination, comprenez-vous, de l'abominable."

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# 11.1
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# 11.2
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# 12.1
Voici deux maillons d'une chaîne à laquelle pourraient contribuer de nombreux autres ouvrages, à commencé par la somme d'Edward W. Saïd.
Si l'on veut bien se cantonner à ces deux-là, ce sera donc pour l'"orientalisme" forgé sur les relations de Marco Polo et typique de la littérature européenne depuis la fin du XVIIIe siècle.
Bartol s'empare du mythe tenace du Vieux de la Montagne pour avertir des ressorts subtils de l'endoctrinement et de la fanatisation qu'induisent les gouvernements autocratiques.
À cette lecture allégorique de l'épopée brisée des ismaïliens (Qui survit encore en Inde), la discipline historique de Bernard Lewis - Inventeur du fumeux, et toujours fumant, "Choc des civilisations" - contribuera pourtant à lever le voile du fantasme sur cette épisode fascinant du schisme toujours béant qui oppose sunnites et chiites depuis la mort de leur prophète. Épisode opportunément tenu pour être la source du radicalisme religieux piqué de terrorisme politique.

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# 12.2
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# 13.1
"Malgré le fonds de l’excellente morale, fruit nécessaire des divins principes enracinés dans mon cœur, j’ai été toute ma vie la victime de mes sens ; je me suis plu à m’égarer, j’ai continuellement vécu dans l’erreur, n’ayant d’autre consolation que celle de savoir que j’y étais. Ainsi j’espère, cher lecteur, que, bien loin de trouver dans mon histoire le caractère d’une impudente jactance, vous n’y trouverez que celui qui convient à une confession générale, sans que dans le style de mes narrations vous trouviez ni l’air d’un pénitent, ni la contrainte de quelqu’un qui rougit d’avouer ses fredaines. Ce sont des folies de jeunesse ; vous verrez que j’en ris, et, si vous êtes bon, vous en rirez avec moi."

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# 13.2
"Lorsqu'un convive quelque peu éméché quitte la salle de bal où règne une chaleur étouffante pour s'affaisser sur un banc de pierre parmi les arbres du jardin, et qu'il constate soudain: "Dieu, que ce petit vent est agréable!", tandis qu'au fond de son crâne tourbillonnent flûtes de champagne, corps féminins effleurés, mendax lunaire, échanges amoureux et relents tabagiques - sans oublier quelques bribes de chanson, deux ou trois fragments d'une phrase surgie au hasard, différents projets pratiques concernant le nettoyage d'une tache de liqueur et plusieurs miaulements nirvanesques que n'eût point reniés le Bouddha - lorsque, dis-je, une tête pareille contemple les feuillages nocturnes, elle les regarde exactement comme Dieu l'eût voulu. Panthéistes? Vulgaires fous de Dieu! Poètes et autres agents en mythes? Bonzes ou anges à deux sous! Un seul homme entend, avec ce qu'il faut de lassitude humble et mondaine, la parole des chênes, des peupliers, des ifs, des ormes, des hêtres et des aulnes - Casanova!"

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# 14.1
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# 14.2
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# 15.1
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# 15.2
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