Relire Tintin
Je relis Tintin à 40 ans, en 2024, en étudiant chaque album dans son contexte (sans cancel culture).
5 BD
créée il y a environ 2 mois · modifiée il y a environ 1 moisLes Cigares du pharaon - Les Aventures de Tintin, tome 4 (1955)
Sortie : juillet 1955 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
benkb a mis 7/10.
Annotation :
7/10 - 1934 colorisé en 1955
Cette fois tintin suit une piste du début à la fin de l'album, ce qui met presque fin à ce sentiment de successions de sketchs, pour un récit plus Pulp, aux personnages enfin redoutables. Je ne parle pas forcément des méchants (rastapopoulos et Alan, encore à l'état de prototypes), mais plutôt des Dupondt, de Philémon Cyclone en ersatz jetable de Tournesol, mais surtout du héro lui-même qui trouve son ton: aventurier fouineur, mais malin et adepte de la méthode douce. Il reste des scories de la trilogie précédente (une sensation de passer de manière un peu brute d'une scène à l'autre, le traitement des animaux dans les gags) mais en terme d'immersion, de rythme, d'humour et d'ambition narrative nous avons bel et bien passé un cap - pour meilleur exemple cette séquence onirique parfaite dans son utilisation. Une histoire à suivre et le début d'un cycle voyage et péripéties que j'arrêterais à "l'oreille cassée".
Les débuts de: Casterman, les mirages dans le désert, les frasques des Dupontd, une intrigue type "policier", des trafiquants - armes et stupéfiants, Rastapopoulos, Allan, Oliveira da Figueira, le thème de la folie et la visite d'un asile.
Fin de : Tintin très politisé, Tintin parle aux animaux sauvages.
Le Lotus bleu - Les Aventures de Tintin, tome 5 (1946)
Sortie : décembre 1946 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
benkb a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
7/10 1935 colorisé en 1946
Le Lotus bleu est sur le papier un nouveau grand pas en avant vers le grand Tintin que nous connaîtrons dans quelques albums quand tout sera en place. Dans les faits le récit est toujours un peu faiblard, sans réel fil rouge. Dans une première partie il va rencontrer tous les méchants de l'histoire et survivre à des tentatives d'assassinats, pour finir par rencontrer la famille de Wang Jen-Ghié, une véritable famille de substitution qui servira de base d'opération pour la suite. Dans une seconde moitié assez moyenne, Tintin va de nouveau se jeter dans cette machinerie de traffic d'opium et traverser cette chine en zone japonaise, pour finir (encore une fois) en prison condamné à mort - en passant merci aux méchants de mettre autant d'énergie dans la lutte contre Tintin, c'est un peu inespéré mais bon pour le rythme. Cette seconde partie à des relents de "Soviets" en plus aboutis et plus palpitants, et plus documenté également.
Enfin, le 3e tiers voit tintin visiter une chine plus rurale, victime des conflits successifs qui ont mis à mal la population et les infrastructures. C'est un tiers plus satisfaisant grâce aux personnages (Tchang bien entendu, Didi, les Dupondt), mais aussi grâce à cette idée de discuter les clichés, et à la succession d'événements, usant de postiches, de chausse-trappes et de twists, jusqu'à un final aussi bon dans le rythme qu'insuffisant pour clôturer cette aventure un peu échevelée. Je ne me souvenais pas que cette aventure était tant décousue, mais elle est largement réhaussée par d'excellentes planches, gags , personnages et utilisation de faits historiques pour l'encrer dans un genre d'aventure touristique dont il est un des meilleurs représentants aujourd'hui. A noter que l'album n'a pas eu besoin d'un redessin pour atteindre ce niveau, et sera uniquement colorisé en 1946.
Première fois: tintin radio télégraphe, Tintin contre les clichés, très belles cases jeux d'ombres, nombreuses calligraphies cohérentes
Encore une fois: tintin en prison condamné à mort, les Dupondt contre Tintin
Tintin en Amérique - Les Aventures de Tintin, tome 3 (1946)
Sortie : juillet 1946 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
benkb a mis 4/10 et a écrit une critique.
Annotation :
4/10
Encore une compilation de péripéties avec comme fil rouge la dénonciation des travers de nos amis américains. Tintin ne vient plus en reporter mais en justicier ultime, avec la ferme intention d'arrêter les activités de la pègre de Chicago. Plusieurs tableaux se succèdent : du Chicago urbain et sa prohibition, à une retraite dans l'ouest pour suivre un Bobby Smiles exilé (?)... Toujours des situations invraisemblables (tintin se sort du premier piège grâce à une scie trouvé dans sa poche?), des trappes à tout bout de champs- qui viennent égayer le récit. Tintin gagne en malice et en tempérance, mais reste toujours un peu idiot et impulsif, ses réflexions étant à l'image du récit : un brin (!) naïf.
L'album reste passionnant par ces quelques saynètes cultes (la ville champignon, le château, l'usine de corned beef) et la naissance de gimmicks et de motifs que l'on reverra... Fin de cette époque matricielle et immature, nous allons bientôt entrer dans cette seconde phase aux récits et personnages bien mieux menés.
Les débuts de: les trappes, le chloroforme, tintin "gentil justicier"
Tintin au Congo - Les Aventures de Tintin, tome 2 (1946)
Sortie : juillet 1946 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
benkb a mis 3/10 et a écrit une critique.
Annotation :
2.5/10
Je ne vais pas forcément m'arrêter sur le graphisme ayant relu la version colorisée (et largement redessinée en 45 et dans les années 1960. C'est un écart évidemment énorme avec Tintin au pays des Soviets, le dessin est précis et détaillé, avec la silhouette "définitive" du Tintin des grandes années (idem pour Milou).
Tintin devait partir aux USA pour sa deuxième aventure mais en cette année 1930 la Belgique a autre-chose de plus urgent à traiter que de critiquer le capitalisme: sa colonie Congolaise manque d'attractivité pour donner envie aux métropolitains de participer à la modernisation du pays... à part les missionnaires catholiques qui y sont déjà largement dans des missions diverses et variées bardées d'évangélisation.
Cet album, utilisant largement de la documentation "à distance du sujet", photos - comptes-rendus d'exploration et expositions, s'évertue donc à présenter sous son plus beau jour le Congo, avec le regard paternaliste de la patrie mère Belgique - sans autre arrière-penser que d'en faire sa promotion.
Il ne faut donc pas y voir du racisme sous ce paternalisme. Même la façon de parler des congolais, qui semble si caricaturale aujourd'hui, part d'écrits et d'une certaine réalité. Il ne faut pas perdre de vue que c'est un album qui a été très bien reçu par les congolais à l'époque. Les blancs n'y sont pas tous supérieurs : il y a les gentils bienveillants qui viennent instruire et construire, mais il y a aussi le côté obscur des méchants capitalistes venant exploiter à des fins mercantiles et mafieuses.
Le récit a quand même quelques fils rouges et une certaine construction, jusqu'à introduire les protagonistes de l'aventure suivante (Al Capone!), mais nous retrouvons tout de même cette écriture "à la semaine" dans pas mal de gags gratuits (et médiocres), tournant souvent autour de cette cruauté toujours bien gratuite envers l'ensemble de la faune (avec une exception notable pour les girafes). La série évolue petit à petit dans ses péripéties en délaissant un peu d'humour "bagarre" et virant vers "l'aventure pulp", en introduisant des éléments que l'on reverra (la rivière sauvage et sa chute d'eau par exemple).
Un album passionnant qui a longtemps manqué d'une préface et un dossier de mise en contexte essentiel pour en apprécier le contenu aujourd'hui.
Les débuts de: récit suivi, les chutes d'eau
Tintin au pays des Soviets - Les Aventures de Tintin, tome 1 (1930)
Sortie : octobre 1930.
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
benkb a mis 1/10 et a écrit une critique.
Annotation :
1/10
Première aventure, écrite à la semaine en 1929 et publiée en 1930 dans un album rare car uniquement réédité en 1969, pour ce héros qui sera vite adopté en Belgique.
Pensé pour être un pamphlet anti-communiste qui sera complété par "Tintin en Amérique", mais écrit par un jeune auteur de 21 ans - dont le trait peu sûr et la narration n'a d'égal que ses personnages pas vraiment convaincants. Si Milou a quasi ses traits définitifs dès la première case (il parle, commente, sauve son maître), Tintin est encore tiraillé entre sauver la veuve et l'orphelin et avoir des accès de violence incroyables (contre des gangsters communistes, mais aussi avec le moindre pauvre passant lui permettant de se déguiser). Il n'y a pas vraiment d'histoire, le héros passe d'une péripétie à l'autre sans trop de lien (le voyage). Les gags se succèdent aux actions de bravoure, mettant en scène de nombreux véhicules (tous rapidement sacrifiés) à l'énergie rappelant "la mort aux trousses", et pas mal d'idées jetées sans trop d'ordre (cette tenue de scaphandrier entreposée au fond d'une cave, vraiment?) que l'on retrouvera remis "à l'endroit" dans de nombreux albums à venir. Côté "politique", on retiendra quelques cases marquantes comme cette élection du plus pur style démocratique soviétique, et une fenêtre sur la gestion des kolkhozes peut-être intéressante à l'époque.
Immature, assez mauvais dans son récit, "Soviets" est une esquisse pleine de potentielle mais globalement bâclé, dotée d'une certaine énergie bordélique, que l'on retrouvera dans une forme un peu plus canalisée dans "Tintin au congo".
Note: colorisée en 2016
Le début de: Milou, les poursuites en voiture, en avion, Tintin condamné à mort...