A bicyclette, Anthime entend tout à coup le tocsin qui sonne à tous les clochers des environs. C'est la mobilisation générale. Après avoir déposé son engin chez lui, il retrouve ses amis au poste de recrutement : Padioleau, Boisis et Arcenel. Et Charles, son frère aîné. Tous les cinq embarquent pour le front dans leur bel uniforme plus ou moins bien ajusté, alors que Blanche reste sur le quai à les regarder partir, inquiète.
Insouciance initiale, on plaisante, on rit. Envie d'en découdre, de faire rapidement plier l'ennemi et de rentrer chez soi tout aussi vite. Arrivée dans les Ardennes, marches forcées, premières escarmouches, avancées, reculs. Les premiers blessés. Les premiers morts. Et une guerre qui devient subitement beaucoup plus réelle. On réalise alors dans quoi on est embarqué. Puis l'enlisement dans les tranchées. Balles, grenades, gaz moutarde, ennui, peur, terreur, les rats, les poux, les chevaux, les vaches et autres moutons redevenus sauvages et que plus aucun paysan ne garde. La mort qui frappe au hasard.
Jean Echenoz réussi le tout de force de faire entrer toute la guerre de 14 dans ces 124 pages. Rien ne manque. Tout y est. Dans un style savoureux, cocasse et léger, l'auteur décrit le conflit avec distance, sans aucun sentiment et avec l'omniscience de celui qui connait l'avenir, donnant lieu à des commentaires pertinents et drôles. Une écriture très riche avec des mots savants, des imparfaits du subjonctif. Un texte court et rythmé des plus plaisants ! Mon premier Echenoz : une grande découverte.
Un bijou !